La route est chaotique pour Tesla depuis quelque temps. En bourse, l’action a dévissé et perdu en un mois près de 100 $, pour revenir à son niveau d’il y a plus d’un an. Résultat, l’entreprise est repassée derrière General Motors et se retrouve au niveau de Ford en termes de capitalisation boursière, tout un symbole.
Elon Musk a beau jeu d’en rire en faisant de la faillite de Tesla un poisson d’avril, il n’en reste pas moins que le constructeur est en difficulté, sur plusieurs fronts à la fois.
L’autopilote impliqué dans un nouvel accident mortel
Pour commencer, l’autopilote de Tesla a été à nouveau impliqué dans un accident mortel, le 23 mars dernier. Une Model X est entrée dans une barrière de sécurité d’une autoroute américaine à haute vitesse et le choc a été extrêmement violent. Le constructeur a d’ailleurs noté qu’il n’avait jamais vu le véhicule dans un tel état, ce qui s’explique à la fois par la vitesse et par l’absence temporaire d’une barrière de protection supplémentaire en amont du béton, une barrière qui a justement pour objectif de ralentir une voiture en cas d’accident.
Le choc a été tel que les batteries se sont enflammées et le conducteur est mort de ses blessures peu de temps après avoir été emmené à l’hôpital. Le problème, c’est que l’autopilote était bien activé et n’a pas ralenti ou dévié sa trajectoire en arrivant au niveau de la barrière. Le constructeur rappelle que sa solution n’est pas parfaite et que les conducteurs doivent toujours rester attentifs, il ajoute aussi que ce n’était pas le cas ici. Le propriétaire de la Model X n’avait pas ses mains sur le volant, malgré les demandes répétées de la voiture, et on imagine qu’il était distrait au moment des faits.
Il n’empêche que cet accident mortel fait mauvais genre, surtout qu’il intervient quasiment en même temps que celui d’Uber. Et un casse-cou inconscient a montré que l’autopilote était bien responsable : ayant activé la conduite automatique dans sa voiture sur le même segment de route, il montre bien que sans son intervention, le véhicule aurait eu le même accident. Certes, le marquage au sol est absent et il manque des protections avant le béton. Certes, un conducteur attentif ne se ferait pas avoir, puisque l’on voit clairement que la voiture roule au mauvais endroit, plusieurs secondes avant l’impact.
https://www.youtube.com/watch?v=6QCF8tVqM3ICertes. Mais cet accident rappelle de manière brutale que la conduite totalement autonome promise régulièrement par Elon Musk depuis plusieurs années nécessite toujours beaucoup de travail. Et même si cette fonction est toujours plus impressionnante, des défauts comme celui qui a provoqué cet accident sont rédhibitoires pour la conduite vraiment autonome.
Combien de temps faudra-t-il encore pour que les Tesla puissent vraiment rouler partout, sans intervention humaine ? Pour le moment, le constructeur a toujours prévu une démonstration avec une Model 3 qui doit traverser les États-Unis à vide dans les prochains mois, mais on ne sait pas si cette fonction a pris du retard.
La production de la Model 3 toujours à la traine
Autre retard persistant, la production de la Model 3. Quand Tesla a lancé officiellement son nouveau modèle moins haut de gamme, le constructeur avait des objectifs extrêmement ambitieux : fin 2017, 5 000 exemplaires devaient sortir de l’usine chaque semaine. Mais sur toute l’année 2017, il n’en a produit que 2 400 en tout.
Alors que Tesla a reçu plus de 500 000 commandes, ce retard inquiète beaucoup et même si l’entreprise essaie de rassurer depuis l’été, sa confiance commence à ne plus convaincre personne. La production augmente doucement pourtant, elle était à environ 200 voitures par jour (soit 1 400 par semaine) il y a deux semaines d’après un document interne obtenu par Bloomberg, et à plus de 2 000 par semaine actuellement d’après un mail interne récupéré par Electrek.
C’est bien mieux, mais c’est encore sous les derniers objectifs fixés par le constructeur, qui devait être de 2 500 Model 3 produites par semaine à la fin du mois de mars. Autrement dit, Tesla continue d’accroitre son retard et certains commencent à douter que le constructeur pourra atteindre un jour les chiffres nécessaires pour faire de ce nouveau modèle le succès qu’il devait être. Elon Musk se dit confiant pour que ces progrès s’accélèrent et atteignent 8 000 véhicules Tesla (tous modèles confondus) produits par semaine à la fin de l’année.
Quoi qu’il en soit, le patron a décidé de prendre les choses en main et Elon Musk supervise désormais personnellement la production de la Model 3, quitte à dormir même sur place. Est-ce que cela sera suffisant ? Tesla devrait indiquer officiellement son rythme de production à l’annonce de ses résultats financiers, ce qui permettra de vérifier les progrès.
Le plus grand rappel organisé par Tesla
Produire vite, c’est vital pour Tesla, mais produire bien serait encore mieux. Le constructeur a souvent eu des difficultés avec la qualité de ses modèles, surtout les premiers exemplaires à sortir des chaînes de production. Sur la Model X, par exemple, les portes arrière ont nécessité plusieurs ajustements pour atteindre la fiabilité que l’on peut exiger sur un SUV premium. La Model 3 n’est pas en reste, avec des soucis d’ajustements de la carrosserie constatés sur les premiers véhicules commercialisés.
À la fin de la semaine dernière, Tesla lançait un rappel à grande échelle, le plus grand de son histoire. 123 000 Model S produites avant avril 2016 devront passer au garage pour corriger une défaillance sur la direction assistée, des boulons qui peuvent souffrir prématurément de corrosion. Le constructeur précise qu’il n’y a aucun accident connu associé à ce problème et qu’il préfère prendre ses précautions par mesure de sécurité, même si d’après ses estimations, seules 0,02 % des voitures en circulation aux États-Unis seraient touchées.
Les précédents rappels de masse concernaient la ceinture de sécurité (90 000 Model S en 2015) et les freins (53 000 Model S et Model X en 2017). Ces rappels ne sont pas rares dans l’industrie automobile, mais Tesla étant un petit constructeur automobile, la part de modèles concernés est nécessairement plus importante. On imagine en tout cas que le constructeur se serait bien passé d’une mauvaise nouvelle supplémentaire en si peu de temps…
Tesla se veut optimiste
[MàJ 3/04/2018 15h17] : signe que la polémique enfle, le constructeur a répondu en publiant un communiqué de presse très positif. Tesla officialise ainsi le chiffre de 2 000 Model 3 produites chaque semaine et maintient son objectif de 5 000 par semaine dans trois mois.
L’entreprise salue aussi la qualité des Model 3 sorties de son usine, en indiquant que les premiers (rares) clients étaient extrêmement satisfaits de leur voiture. Le score de satisfaction dépasse 93 % si l’on en croit Tesla, c’est le plus haut de son histoire. Reste maintenant à augmenter la production pour que tous les clients intéressés puissent être servis.