Ubuntu, la distribution GNU/Linux la plus populaire, a fait deux annonces majeures hier par la voix de Mark Shuttleworth, le fondateur de Canonical et de cette distribution. Deux annonces qui tournent autour du même problème : l’entreprise abandonne le développement d’Unity, l’environnement graphique conçu spécifiquement pour Ubuntu depuis plusieurs années.
Concrètement, cet abandon a deux conséquences immédiates. Pour les ordinateurs traditionnels, la prochaine version majeure de la distribution, la 18.04 TLS, ne sera pas fournie avec Unity, mais avec Gnome comme environnement de bureau par défaut. C’est un retour aux sources pour Ubuntu, puisque de 2004 à 2010, c’est cet environnement qui était utilisé. Même si Canonical ne va peut-être pas se contenter de l’interface par défaut de Gnome, l’entreprise proposera sans doute une présentation, des apps par défaut et un fonctionnement différents.
Sur le plan technique, l’entreprise reconnaît ici l’échec technique d’Unity 8, une nouvelle version majeure qui devait être livrée avec Ubuntu 16.04 et qui devait reposer sur un tout nouveau moteur graphique, nommé Mir. Annoncé en 2015, ce n’est toujours pas la version par défaut des dernières versions de la distribution et manifestement, ce ne sera jamais le cas. Unity 7 et ses prédécesseurs étaient en encore basés sur Gnome, cette mise à jour était ainsi nettement plus ambitieuse.
De manière plus large, l’abandon d’Unity signifie aussi l’abandon des tentatives de Canonical de sortir des ordinateurs et d’apporter Ubuntu sur d’autres plateformes. L’objectif d’Unity était, non seulement d’offrir un environnement grand public aussi abouti que Windows ou macOS, mais aussi de faire converger tous les appareils autour d’un même écosystème. Ubuntu devait ainsi être utilisé sur les téléviseurs et surtout sur les smartphones, avec une version adaptée au tactile.
Cette stratégie n’a jamais vraiment fonctionné. En 2013, on a pu tester les premiers téléphones équipés d’Ubuntu Touch et constater qu’il restait encore énormément de travail. La même année, Canonical a essayé de financer un smartphone haut de gamme sur Indiegogo, un essai qui n’a pas abouti. Depuis, l’entreprise a tout fait pour essayer de convaincre que la stratégie était bonne et il y a tout juste un an, lançait encore un nouveau smartphone équipé de son système.
Mark Shuttleworth était le principal promoteur de cette convergence, il reconnaît aujourd'hui que c’était une erreur et arrête les frais. Son entreprise va se recentrer sur ce qui fonctionne, à savoir en premier lieu les serveurs, les ordinateurs et même les objets connectés (IoT). Il faut dire qu’Ubuntu est peut-être la distribution la plus utilisée, GNU/Linux n’a jamais vraiment décollé sur les ordinateurs individuels.
En revanche, son succès sur les serveurs est indéniable, c’est souvent le choix par défaut et Ubuntu est partout, ou presque. Quand Apple adapte Swift à Linux pour les serveurs, c’est cette distribution qui est utilisée comme base. Quand Microsoft ouvre Windows à Linux, c’est avec Canonical que l’éditeur travaille. Ubuntu est utilisé sur plus du tiers des serveurs dans le monde et elle alimente aussi plusieurs solutions de cloud.
Le rôle d’Ubuntu dans l’internet des objets est peut-être moins connu, mais bien réel. Plusieurs entreprises (Dell, Qualcomm, Intel, Samsung…) utilisent la distribution pour alimenter leurs objets connectés et Canonical veut également privilégier cette voie qui fonctionne.
Ubuntu se donne encore un an pour passer d’Unity à Gnome dans sa distribution et la prochaine mise à jour, la 17.04 donc, restera sur l’environnement de bureau actuel. L’abandon des téléphones sous Ubuntu ne devrait pas gêner grand-monde, tant cette idée n’a jamais abouti. La faute, largement, à l’immense succès d’Android, un système d’exploitation basé lui aussi sur GNU/Linux…