Google est formellement accusé par la Commission européenne d’abus de position dominante sur la recherche en ligne. Ce nouveau rebondissement, au terme d’une enquête de cinq ans sur les pratiques du moteur de recherche, ne présage pas d’une sanction comme le rappelle Le Monde, mais Google n’en risque pas moins une colossale amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires annuel — soit la bagatelle de 6 milliards d’euros ! Bruxelles a également la possibilité, encore plus problématique pour l’entreprise américaine, d’exiger un démantèlement du groupe ; ce qui est d’ailleurs le vœu du Parlement européen, qui a voté en novembre dernier la séparation entre l’activité de recherche et celle des services commerciaux (les fameux liens sponsorisés qui sont au cœur du modèle économique de l’entreprise).
La « notification de griefs » envoyée à Google par la Commission s’accompagne d’une enquête formelle concernant cette fois Android, qui pourrait être à l’origine d’infractions à la loi antitrust. De bien mauvaises nouvelles pour Google, accusé par la trentaine de plaignants — parmi lesquels Microsoft — de mettre un peu trop en avant ses propres liens commerciaux et ses services, au détriment de ceux de la concurrence.
Le moteur de recherche a maintenant deux mois (plus un mois supplémentaire au besoin) pour répondre aux accusations de Bruxelles. La Commission européenne ne devrait donner sa décision finale qu’aux environs de la fin de l’année, au mieux. Ce laps de temps sera sans aucun doute mis à profit par Google pour négocier une entente avec le régulateur européen, histoire de s’éviter l’amende et le démantèlement. L’entreprise a déjà par le passé tenté d’amadouer ses accusateurs en améliorant la présentation de ses résultats de recherche, mais ces efforts (jugés parfois contre-productifs) n’ont abouti à rien.
Un mémo interne a circulé chez Google concernant cette affaire, dans lequel le patron du service juridique de l’entreprise, Kent Walker, explique qu’il s’agit d’une opportunité pour le moteur de raconter sa version des faits et que le document de la Commission n’est qu’une copie de travail. « Nous avons des arguments à faire valoir, notamment pour la mise en place de nouveaux services pour les utilisateurs et pour améliorer la concurrence ». Google représente 80% du marché de la recherche en Europe.
Mise à jour — La Commission européenne a officiellement adressé sa communication des griefs à Google. Le régulateur « craint que les utilisateurs ne voient pas nécessairement les résultats les plus pertinents en réponse à leurs requêtes, ce qui porte préjudice aux consommateurs et aux services de comparaison de prix concurrents et entrave l’innovation ». En ligne de mire, le moteur de comparaison de prix Google Shopping, que le moteur de recherche « avantage ou a avantagé ». Un comportement qui peut « détourner artificiellement le trafic des services de comparaison de prix concurrents » et priver ces derniers de la possibilité de faire concurrence avec Google.
La Commission dresse des conclusions préliminaires très sévères pour Google, qui depuis 2008, « positionne et met en évidence » son moteur de comparaison des prix sans tenir compte de son niveau de performance. Le moteur de recherche n’applique pas à son service le système de pénalités qui frappe les services concurrents. Or, ces pénalités sont susceptibles de déclasser les autres comparateurs dans les pages de résultats de recherche.
Bruxelles note que le traitement de faveur qu’applique Google à son service « a des effets négatifs pour les consommateurs et l’innovation ». « Les concurrents sont aussi moins incités à innover, car ils savent que même s’ils fournissent le meilleur produit possible, ils ne bénéficieront pas de la même visibilité que le produit de Google ».
La Commission estime que « pour mettre fin à un tel comportement, Google devrait traiter son propre service de comparaison de prix de la même manière que ceux de ses concurrents ». Le ou les services les plus pertinents doivent apparaître dans les résultats de recherche de Google.
Google est loin d’en avoir terminé avec l’exécutif européen. Trois autres points sont toujours en cours d’examen par la Commission : copie de contenus web concurrents ou « moissonnage », publicité exclusive et restrictions indues imposées aux annonceurs.