Le Journal du Dimanche a enquêté sur la situation chez SFR, quelques mois après son acquisition par Altice, maison-mère de Numericable. Et le titre de l’article, paru dans l’édition de dimanche dernier, en dit long sur son contenu : « dans l’enfer de SFR ». On savait déjà que Patrick Drahi, le nouveau patron de SFR, avait imposé une cure d’austérité à l’opérateur, mais les détails apportés par l’hebdomadaire en disent long sur la situation actuelle.
La méthode de Patrick Drahi est assez simple : il veut réduire les dépenses de SFR à tout prix, le plus rapidement possible et le plus fortement possible. Il applique cette méthode partout, des boutiques du réseau SFR qui devaient être rénovées pour 100 000 € et qui n’auront qu’un tiers de la somme prévue, jusqu’aux fournisseurs et sous-traitants. Un ancien dirigeant de SFR, qui a quitté depuis l’entreprise, explique ainsi que « La ligne directrice est claire : c'est –30 % ou on ne paie pas. »
Quand Altice dit qu’il ne paye pas, ce n’est pas une menace en l’air. Plusieurs prestataires, dont certains aussi importants que CapGemini ou l’entreprise de conseil Sopra, ne sont plus payés du tout et ils ont porté plainte. D’autres, comme Teleperformance qui sous-traitait les centres d’appels pour SFR, ont des impayés énormes : SFR doit 40 millions d’euros à cette entreprise. D’autres acteurs, plus modestes, ont été contraints d’envoyer leurs avocats pour récupérer une partie de ce qu’on leur devait.
Et même si Patrick Drahi s’était engagé à ne pas supprimer d’emplois, les employés sont menacés dans les faits. Sur les 70 directeurs qui gagnaient plus de 150 000 € par an, il ne reste plus que 15 encore employés par SFR. Les autres ont été remerciés du jour au lendemain, souvent contre une compensation financière malgré tout. Et les emplois les mieux payés ne sont pas les seuls concernés : un responsable a expliqué au journal que 250 ordinateurs avaient été rendus au service informatique ces trois derniers mois.
Des pans entiers de SFR ont été réorganisés, quand ils n’ont pas été abandonnés : selon Le Journal du Dimanche, c’est déjà le cas des services marketing et innovation. Les responsables actuels de l’opérateur poussent le maximum d’employés à partir d’eux-mêmes, ou à ne plus pouvoir rester dans l’entreprise. Et quand il ne s’en prend pas aux emplois, le nouveau propriétaire de SFR s’attaque à tout, jusqu’aux moindres détails.
Le déplacement de quinze cadres au CES de Las Vegas ? Annulé. Les repas d’équipe sont désormais interdits, les notes de frais passées au crible et il paraît même que le nombre de chemises des vendeurs en boutique a été réduit. Patrick Drahi veut récupérer 600 millions d’euros par an en coupant les dépenses ainsi, avec l’objectif de rembourser au plus vite les 13 milliards de dettes qui ont été nécessaires pour acheter SFR. Autant dire que les ennuis ne sont pas terminés pour tous ceux qui dépendent encore de SFR, directement ou indirectement. Et par ricochet, c'est tout le secteur qui est touché, alors que les baisses de prix imposées par Free (Mobile) laissent encore des traces.