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Samsung, l'empire toxique

Mickaël Bazoge

mardi 06 mai 2014 à 22:13 • 231

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L'empire de Samsung ne serait bâti que sur le vol, le mensonge et le déni, peut-on lire dans un article long et détaillé de Vanity Fair, tirant un portrait à charge du géant coréen de l'électronique. Et Apple ne serait que la dernière victime du modèle économique occulte du conglomérat, qui consisterait à piller la propriété intellectuelle de la concurrence, inonder le marché avec des copies à bas coût, et faire le dos rond en justice en attendant de sceller un accord à l'amiable - non sans avoir engrangé les parts de marché et les revenus.

Ententes à gogo

L'article de Kurt Eichenwald sur les coulisses peu ragoûtantes de la guerre des smartphones entre Samsung et Apple va au-delà du marché de la téléphonie : l'auteur y décrit un système peu amène mis en place au fil des années par un constructeur qui n'hésiterait pas à contourner les règles du commerce pour s'imposer de force sur les marchés.

La « ville Samsung », à Séoul.

L'article recense quelques unes des malversations dont s'est rendu coupable le chaebol dans les années 1990 et 2000 — un vertige judiciaire : Samsung a noué des ententes illicites avec des pseudo-concurrents sur le marché des dalles CRT (condamné en 2011 et 2012 aux États-Unis et en Europe), de la DRAM (condamné en 2005 aux États-Unis) et des écrans LCD (condamné aux États-Unis en 2006). Cette dernière condamnation est particulièrement intéressante, puisqu'elle intéresse Apple au premier chef.

Une entreprise anonyme baptisée NYer par les dirigeants de Samsung soupçonnait un délit d'entente entre ses fournisseurs d'écrans LCD. Cette victime de la hausse des prix orchestrée notamment par le géant de l'électronique, n'était autre qu'Apple, qui aurait alors pu se tourner vers les autorités antitrust américaines. Plutôt que de risquer une telle infamie, Samsung préféra alors s'adresser en personne au Department of Justice afin de bénéficier d'un programme de « clémence »… non sans balancer au passage les noms des sociétés conspiratrices complices. Samsung a tout de même dû verser des centaines de millions de dollars pour obtenir un arrangement à l'amiable dans ce dossier.

Kim Yong-chul, ancien directeur des affaires juridiques de Samsung. Crédit Reuters/Jae-Ho.

Ces ententes illégales et les condamnations afférentes ont eu le mérite de pousser l'entreprise à coucher sur le papier des règles de bonne conduite, dont elle se pare à la moindre occasion. Malheureusement, il y a souvent loin de la coupe aux lèvres : en 2007, l'incorruptible directeur des affaires juridiques de Samsung Kim Yong-chul dénonce un système de corruption massif : des soupçons de blanchiment d'argent, de collusion, de vol, de falsification de preuves ternissent l'image de marque de l'entreprise dans son pays. La société était visiblement atteinte par la gangrène de la corruption : le président de Samsung a ainsi été convaincu de fraude fiscale à hauteur de 37 millions de dollars.

À la décharge de Samsung, l'entreprise a eu le mérite de placer un chevalier blanc pour faire le ménage dans ses rangs. Mais en sa qualité d'État dans l'État, le mastodonte a largement su passer entre les mailles du filet de la justice coréenne. Kim Yong-chul a rapporté des témoignages — qui n'ont pas abouti en justice — édifiants : certains dirigeants de Samsung n'hésitaient pas à offrir quand il le fallait des sacs de golf bourrés de billets pour calmer les ardeurs de certains responsables de l'État.

Une stratégie prédatrice

Les ententes illicites ayant fini par coûter très cher, Samsung passe en 2010 à une nouvelle stratégie : le vol de propriété intellectuelle. Cette année, la cour de La Haye, aux Pays-Bas, juge que Samsung a enfreint les brevets de Sharp sur la technologie LCD et décide de stopper l'importation en Europe des produits du constructeur qui enfreignent ces brevets. Dans le même temps, l'ITC (le gendarme du commerce aux États-Unis) prend lui aussi la décision de bloquer l'importation des téléviseurs à écran plat du groupe. Pris à la gorge, Samsung noue finalement un arrangement à l'amiable avec Sharp… non sans avoir multiplié les parts de marché au détriment de son concurrent : fin 2009, Samsung détenait 23,6% du marché global des téléviseurs, contre 5,4% pour Sharp.

Un écran plasma de Pioneer, le PDP-5030HD.

Des manigances qui ont déjà été exposées au milieu des années 2000 sur le marché du téléviseur plasma, dont Pioneer est un des pionniers. En 2006, le constructeur japonais porte plainte contre Samsung qui une fois de plus, ne s'est pas privé de mettre à profit les brevets liés à cette technologie — la bataille judiciaire a duré des années, bien que Samsung ait été assez tôt convaincu de l'infraction. Résultat : en 2010, Pioneer ferme sa branche télévision et met à la porte 10 000 personnes.

Cette stratégie prédatrice, qui consiste à piocher sans vergogne dans la propriété intellectuelle de la concurrence puis à multiplier les recours en justice afin de repousser l'inévitable arrangement à l'amiable, a été érigé en modèle économique. Il permet de spolier les constructeurs adverses (qui servent de labos de recherche et développement gracieux) des revenus qu'ils auraient générés si leurs produits innovants n'avaient pas été mis en concurrence déloyale par des copies moins chères.

Il faut rappeler ici que Samsung est un des plus grands détenteurs de brevets au monde. Aux États-Unis en 2013, l'entreprise a ainsi déposé 4 683 demandes de brevets, derrière IBM (2 000 brevets de plus)… et loin devant Apple (1 501 brevets déposés l'an dernier). Longtemps, Samsung a eu une attitude effacée pour la gestion de ses brevets : tant qu'un concurrent n'attaquait pas le groupe en raison d'une infraction à des brevets, Samsung n'allait pas batailler en cour le premier. Cela a changé avec l'iPhone.

L'iPhone rentre en scène

Le 23 mars 2010, J. K. Shin, le patron de la division mobile de Samsung, présente sur la scène du CTIA de Las Vegas un nouveau smartphone, le Galaxy S. À Cupertino, on apprécie bien peu la nouveauté, qui du design aux fonctions en passant par l'emballage, a tout pompé sur l'iPhone. Steve Jobs, furieux comme on peut l'imaginer, et Tim Cook son second ne trouvent pas de terrain d'entente avec le président de Samsung, Jay Y. Lee.

J. K. Shin présente le Galaxy S en 2010. Crédit Reuters/Steve Marcus.

Le 4 août 2010, une délégation d'Apple se rend à un rendez-vous au siège de Samsung dans le centre-ville de Séoul. Cette représentation a pour mission de faire ouvrir les yeux des dirigeants de l'entreprise coréenne, de les mettre devant le fait accompli. Devant la démonstration des responsables d'Apple, un des vice-présidents de Samsung, Seungho Ahn, part dans une colère noire : « Comment osez-vous dire ça ! Comment osez-vous nous accuser de ça ! Nous construisons des téléphones depuis toujours. Nous avons nos propres brevets, et Apple en enfreint probablement quelques-uns ».

Durant les semaines qui ont suivi, un Steve Jobs furibard n'a pas cessé de demander comment les négociations se déroulaient entre les deux groupes, avant que finalement de nouvelles réunions soient décidées. Durant l'une d'entre elles, la délégation d'Apple met sur la table un projet de résolution : Samsung paierait des royalties sur les brevets qui ne sont pas constitutifs du caractère unique de l'iPhone, tandis que le constructeur s'engage à ne plus utiliser les brevets qui font de l'iPhone un produit à part. Peine perdue, Samsung refuse le compromis.

Soulignons qu'Apple s'était montrée particulièrement gourmande. On a ainsi appris, en amont du second procès qui a récemment opposé les deux entreprises, que le constructeur de Cupertino réclamait pas moins de 40$ par unité vendue — des royalties déraisonnables, aucune entreprise n'aurait accepté un tel compromis (lire : Apple est très gourmande sur les royalties réclamées à Samsung).

En attendant que la justice, poussée par une Pomme à bout, démêle l'affaire, Samsung joue la montre et engrange les revenus et les parts de marché au détriment d'Apple. La plainte du créateur de l'iPhone tombe finalement le 15 avril 2011, quelques semaines après la présentation d'un Galaxy Tab de 10 pouces modifié à la va-vite afin de coller au mieux avec l'iPad 2 fraîchement lancé. Samsung était visiblement prêt à cette éventualité, puisque quelques jours plus tard, la société portait plainte contre Apple en Corée du Sud… avant que la guerre judiciaire n'enflamme les tribunaux du monde entier.

Et pendant que la justice fait son travail, la stratégie de Samsung joue à plein : le constructeur est désormais le premier constructeur de smartphones (et de téléphones tout court) au monde, et le deuxième constructeur de tablettes.

Culture d'entreprise

Une anecdote incroyable rapportée par Vanity Fair montre à quel point cette culture a été intégrée par les employés de Samsung. En mars 2011, des enquêteurs des autorités antitrust se sont présentés devant l'usine Samsung de Suwon, au sud de Séoul. Ils y cherchaient des preuves d'une collusion possible entre l'entreprise et les opérateurs du pays visant à fixer les prix des téléphones portables.

Au bout de 30 minutes de palabres avec les responsables de la sécurité, l'équipe a pu finalement pénétrer dans les bâtiments. Ils y ont saisi une vidéo de sécurité montrant l'activité qui régnait alors que les enquêteurs poireautaient au-dehors : on y voit des employés détruire des documents et remplaçant à la va-vite leurs ordinateurs afin de masquer leurs agissements coupables. D'après un membre de l'équipe juridique d'Apple présent à la même époque à Séoul, et qui a eu vent du spectacle incroyable donné dans cette vidéo, un employé aurait même avalé des documents compromettants avant le raid des enquêteurs. Comment lutter contre une telle loyauté ?

Pour passionnant qu'il soit, ce long article de Vanity Fair tombe entre le verdict du second procès et les appels qui commencent à tomber : un timing que l'on peut interroger alors que visiblement, l'auteur a eu des infos de première main en provenance d'Apple. Rappelons que l'entreprise vient d'être condamnée pour infraction à un brevet de Samsung (certes racheté à Hitachi en 2011), que l'amende dont écope Samsung ne représente que 6% de ce que réclamait les avocats de Cupertino et que l'image de l'entreprise a été entachée par une condamnation récente et médiatisée pour entente sur le prix des livres numériques (et n'oublions pas le « cartel de l'embauche » qui s'est achevé sur un accord à l'amiable).

De son côté, Samsung n'a rien d'un enfant de choeur, et la longue litanie de ses méfaits, eux aussi condamnés, en témoignent. Mais ne présenter qu'une vision des choses n'est pas forcément dans le meilleur intérêt d'Apple qui, certes, a souffert des manigances de son concurrent, mais qui n'hésite jamais non plus à jouer les gros bras.

Source : image d'illustration Kārlis Dambrāns

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