La décision de Vivendi d’entrer en négociations exclusives avec Altice, le propriétaire de Numericable, continue à faire des remous. Et cela peut se comprendre : une telle opération si elle va effectivement à son terme va remodeler le paysage français des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d’accès à Internet.
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Fatalement, Bouygues Telecom est le grand perdant de l’affaire. Le numéro trois de la téléphonie mobile avait pourtant tout mis en oeuvre afin que son offre soit acceptée : accord avec Free Mobile, bénédiction d’Arnaud Montebourg et une offre revue assez sensiblement à la hausse en fin de semaine. Mais le conseil de surveillance de Vivendi en a décidé autrement. Si ce dernier était assez divisé, Numericable a-t-on appris a toujours fait la course en tête. Le cablo-opérateur offrait plus de cash que Bouygues et l’opération avait l’avantage d’être plus simple à réaliser qu’un rapprochement avec le numéro trois de la téléphonie mobile.
Cet échec va tôt ou tard remettre en question la stratégie de Bouygues Telecom. L’acquisition de SFR semblait être la réponse à tous les maux que connaît l’opérateur depuis l’arrivée de Free Mobile. En tout cas, les dirigeants de Bouygues en étaient (à tort ?) convaincus (lire : SFR à tout prix).
Depuis le lancement de son offre 4G, Bouygues est très agressive sur le plan commercial. L’opérateur a récemment décidé d’ouvrir un nouveau front celui du fixe où Free (notamment) réalise de confortables marges. Nombre d’observateurs se demandent cependant si l’opérateur a les moyens de mener une telle guerre sur la durée.
Suivant de très près le dossier SFR, Free Mobile aurait pu frapper un grand coup si Vivendi avait choisi Bouygues. Mais pour la société de Xavier Niel, il s’agissait juste d’une (très belle) opportunité. Il y en aura d’autres. C’est ce que pense en substance Cyril Poidatz, le Président du Conseil d’Administration. La fusion de Numericable et SFR si elle va à son terme donnera naissance à un géant, mais un géant aux pieds d’argile, qui devra composer avec un très fort endettement. Iliad en est parfaitement conscient.
Cette affaire a eu le mérite également de rappeler que tous les rebondissements sont possibles dans le monde des télécoms, y compris un rapprochement entre Free Mobile et Bouygues.
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Dernier grand perdant et pas des moindres : Arnaud Montebourg. Le ministre du Redressement productif a tout mis en oeuvre pour faire pencher la balance du côté de Bouygues. Dans cette affaire, il fait même figure de mauvais perdant. Il a déclaré sur France 2 que le rapprochement entre les deux groupes n’était pas encore acquis, évoquant pêle-mêle les réticences que pourraient avoir les banques, les recours ouverts à la concurrence et les décisions que pourraient prendre les autorités françaises et européennes de la concurrence.
Indéniablement, le grand vainqueur dans cette affaire, c’est Patrick Drahi. Contrairement à Bouygues, le président fondateur du groupe Altice fomentait son coup depuis des mois. Maintenant, le plus dur commence pour cet homme d’affaires méconnu du grand public. Non seulement il va falloir mener cette fusion à bien, mais être compétitif dans un univers où la concurrence fait rage. Son objectif ? Créer un champion national et européen du Très haut débit fixe et mobile.
Si les négociations aboutissent, la fusion en tant que telle ne devrait pas avoir lieu avant la fin de l’année. Mais on l’a vu dans cette affaire, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Une phrase glissée dans le communiqué de Vivendi montre qu’un retour en arrière est tout sauf impossible : « A l’issue de trois semaines, le Conseil de surveillance se réunira à nouveau pour examiner les suites à donner et s’il doit en conséquence mettre un terme aux autres options envisagées ».