Invité par Europe 1 ce matin, Arnaud Montebourg a a priori révélé un peu trop en avance que Numericable avait finalement obtenu un accord pour acheter SFR. Jusque-là, c’est l’offre de Bouygues Telecom qui jouait les rôles de favori, mais le ministre du Redressement productif a déclaré : « J’ai cru comprendre que les dirigeants de Vivendi ont décidé coûte que coûte de vendre SFR à Numericable ». Notons toutefois que la décision n’a pas encore été prise : le conseil de surveillance de Vivendi doit prendre une décision aujourd’hui quant à l’avenir de l’opérateur.
[MàJ 14/03/2014 14h13] : l'information est désormais officielle.
Le ministre n’a pas manqué de critiquer le choix de SFR et reste ainsi sur ses positions. Indiquant que cette décision allait poser problème, il a relevé plusieurs problèmes, à commencer par la taille de Numericable. Le câblo-opérateur est, de fait, beaucoup plus petit que SFR et Arnaud Montebourg laisse entendre que l’endettement nécessaire (à hauteur de dix milliards d’euros) pour acheter l’opérateur au carré rouge pourrait mettre en danger l’entreprise. Il a par ailleurs critiqué assez violemment la technologie utilisée par Numericable :
La fibre est ce qui va permettre aux Français d’avoir un Giga chez eux et de lutter contre la fracture numérique. Nous n’avons pas besoin de câble, qui est le système d’avant, mais de fibre qui est la technologie du futur.
Ce qui le gêne d’abord, c’est toutefois le problème de la concurrence. Contrairement à l'ARCEP, le gouvernement, explique-t-il, reste « favorable à un retour à trois opérateurs. », ce qu’aurait permis l’acquisition de SFR par Bouygues Telecom. Si Numericable finit par acheter SFR, on restera à quatre opérateurs, puisque l’opérateur de Martin Bouygues ne pourra pas acheter SFR, ce qui signifie aussi que Free ne pourra pas reprendre une partie du réseau mobile de Bouygues Telecom. L’accord signé entre les deux entreprises posait en effet comme condition préalable l’acquisition de SFR par Bouygues (lire : Free achète le réseau de Bouygues pour pas grand-chose (1,8 milliard d’euros)).
Dernier point soulevé par le ministre, la fiscalité : Numericable est une entreprise française à l’origine, mais elle est aujourd’hui basée au Luxembourg et cotée à la bourse d’Amsterdam. Et Arnaud Montebourg de se faire menaçant : « Il faut que monsieur Drahi [PDG de Numericable, Ndlr] rapatrie l’ensemble de ses possessions et de ses biens en France et nous aurons des questions fiscales à lui poser »
Si les informations du ministre du Redressement productif sont exactes et si Numericable finit bien par acheter SFR, c’est d’abord un camouflet pour Arnaud Montebourg qui s’était personnellement engagé en faveur de Bouygues Telecom. Ce dernier n’est pas dans la meilleure posture non plus : l’opérateur comptait beaucoup sur la récupération de SFR pour se constituer un réseau fixe digne de ce nom. À défaut, il doit compter sur l’accord signé avec Numericable, qui deviendra a priori un concurrent également sur le mobile.
Free est également perdant et il suffit, pour s’en convaincre, de lire cette interview de Xavier Niel pendant laquelle il s’attache longuement à défendre Bouygues Telecom et attaquer Numericable. Le PDG a également attaqué le réseau câble de l’opérateur, le qualifiant de « Canada Dry de la fibre » et même de « technologie haussmannienne ». Il critique aussi le manque d’investissements de Numericable (40 millions d’euros dans la fibre selon lui), mais aussi son endettement élevé et même sa politique sociale, faisant planer la menace de licenciements en masse chez SFR après l’acquisition.
Même si Xavier Niel a quelques arguments recevables contre Numericable, il convient aussi de relever que le câblo-opérateur est complémentaire de SFR, alors que Bouygues Telecom était beaucoup plus similaire. Le nouveau propriétaire du carré rouge peut compter sur un réseau de boutiques extrêmement dense qui lui manque aujourd’hui, par exemple.
Numericable profitera naturellement d’un excellent réseau mobile qui reste parmi les meilleurs en France, même si SFR a pris un peu de retard en 4G. À l’inverse, et quoi qu’en disent Arnaud Montebourg et Xavier Niel, le réseau câblé fournit plus de connexions rapides que ses concurrents. Et s’il est, de fait, souvent vétuste, il fonctionne malgré tout très bien et devrait offrir de meilleurs débits encore à l’avenir (lire : Numericable va généraliser le gigabit au troisième trimestre).