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Android Wear : Google montre la voie

Stéphane Moussie

mercredi 26 mars 2014 à 11:40 • 94

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Après avoir envahi la grande majorité des smartphones, Android s'attaque à l'informatique vestimentaire. Première cible du robot vert : les montres, sur lesquels beaucoup de constructeurs se sont cassé les dents en voulant leur ajouter des fonctions connectées. Nom du plan d'attaque : Android Wear. On ne tient plus Android dans sa main, avec le risque de l'échapper, on le porte maintenant sur soi, accroché à son poignet. Qu'est-ce que Google peut bien avoir à nous offrir pour qu'on l'accepte à bras le corps ?

La G Watch est une Nexus qui ne dit pas son nom. LG a réalisé cette montre en collaboration avec Google. Sortie prévue au prochain trimestre.

« OK Google, c'est quoi Android Wear ? »

Android Wear répond à un problème : Android n'est pas encore partout. Dans son billet de présentation, Sundar Pichai annonce que les smartphones ne sont que le début de la révolution mobile et que le prochain « next big thing » est l'informatique vestimentaire, c'est-à-dire les appareils connectés que l'on porte sur soi. « Ils comprennent votre environnement, et vous pouvez interagir avec simplement et rapidement, d'un simple coup d'oeil ou d'une parole », explique le patron d'Android qui oublie un peu vite que le très malin Moto X est capable d'en faire tout autant.

L'inconvénient du Moto X, du point de vue de Google, c'est qu'il n'est pas tout le temps à proximité de son propriétaire, tandis qu'une montre, on ne la quitte jamais ou presque. Mais qu'est-ce que pourrait faire Android dans un si petit cadran ? Sundar Pichai liste quatre fonctions :

  • Des informations utiles quand vous en avez vraiment besoin. Android Wear vous montre les infos et les suggestions dont vous avez besoin, au moment où il vous les faut. [...]
  • Des réponses claires aux questions orales. Dites juste "OK Google" pour poser des questions, comme le nombre de calories contenues dans un avocat, à quelle heure votre avion décolle, et le résultat d'un match. [...]
  • La capacité de mieux surveiller votre santé et votre condition physique. Réalisez vos entraînements sportifs avec des rappels et des comptes rendus provenant d'Android Wear. [...]
  • Votre clé sur un monde multi-écran. Android Wear vous permet d'accéder et de contrôler d'autres appareils de votre poignet...

À première vue, Google ne propose rien d'inédit. Cette liste est même identique aux caractéristiques de la Galaxy Gear mises en avant par Samsung (lire : Galaxy Gear, encore une montre qui retarde). La Galaxy Gear affiche des notifications, répond à la voix grâce à S Voice, partage ses données d'activité avec des apps de fitness et est capable d'interagir avec un smartphone, pour prendre un appel par exemple. La montre sud-coréenne en fait même plus puisqu'elle est dotée d'un appareil photo. Malgré tout cela et une grosse campagne marketing, la Galaxy Gear a fait un four. Le dernier chiffre que Samsung a communiqué est 800 000 unités expédiées, et donc pas forcément toutes vendues. Depuis ce chiffre qui date de novembre, deux nouvelles versions ont déjà été présentées.

Android Wear n'est pas pour autant une resucée des montres connectées déjà présentes sur le marché, et ce, pour deux raisons. La première, c'est qu'il ne s'agit pas d'une montre à proprement parler, mais d'un système d'exploitation. Les fabricants avançaient jusqu'à présent en rang désordonné, chacun y allant de son interprétation d'Android qui entraînait une fragmentation matérielle et logicielle de l'écosystème.

Avec Android Wear, Google siffle la fin de la récré. La firme de Mountain View se positionne en chef de file, avec derrière elle ses fidèles partenaires technologiques (Motorola, Qualcomm, Samsung, LG, HTC, Intel...), mais aussi un premier collaborateur du monde de la mode, Fossil. À tous ses camarades, Google met à disposition une solution logicielle capable de mieux tirer parti des terminaux Android existants que leurs bricolages. À eux ensuite de fabriquer un appareil autour de ce système. L'avantage, c'est qu'on n'aura plus à se demander « si j'achète cette montre Samsung, est-ce que je pourrais l'utiliser avec mon téléphone HTC ? », on achètera une montre propulsée par Android Wear qui fonctionnera avec n'importe quel mobile au robot vert.

Google Wear

L'autre raison qui rend si différent Android Wear des montres connectées existantes, c'est que le logiciel a été conçu par et pour Google. La SmartWatch de Sony affiche des notifications ? Android Wear présente des notifications contextuelles. S Voice permet d'envoyer un message ? Google Now répond à des questions complexes. La principale différence se situe là. Placé au cœur de la vie numérique de l'utilisateur, Google est capable de fournir des informations pertinentes comme aucune autre entreprise.

En piochant des données dans chacun de ses services, Mountain View parvient à construire un profil extrêmement complet de l'utilisateur. Gmail révèle les réservations, Google Maps l'emplacement géographique, YouTube les centres d'intérêt, Hangouts les contacts... Plus besoin de demander à Google le résultat de son club de foot préféré, Google Now, qui synthétise toutes ces informations, envoie automatiquement une notification dès la fin du match.

Le géant du Net insiste lourdement sur cette fonction dans sa vidéo de présentation d'Android Wear, et il aurait tort de s'en priver. Qui d'autre que lui est aujourd'hui capable d'envoyer une notification au bon moment pour prévenir qu'il faudra 30 min au lieu de 15 pour aller au travail à cause d'un accident sur la route ? Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

La fonction principale d'Android Wear, « des informations pertinentes quand vous en avez besoin », se confond d'ailleurs avec celle de Google Now, « recevez automatiquement des informations utiles, tout au long de la journée. » Android Wear porte mal son nom, Google (Now) Wear aurait été plus juste.

Cela ne veut pas dire que les applications Android ne vont pas jouer un rôle important dans ces montres. Les APIs vont permettre aux développeurs tiers de faire des choses intéressantes. L'application de lecture différée Pocket a donné un bon exemple : d'un glissement de doigt sur le cadran on pourra sauvegarder un article envoyé par un ami.

Si Google Wear est plus juste qu'Android Wear, c'est parce que l'ouverture qui caractérisait Android se réduit comme peau de chagrin. Android Wear va-t-il être versé dans AOSP, la partie open source d'Android ? L'entreprise ne le précise pas. Les fabricants pourront-ils réaliser une montre Android Wear sans Google Now ? Cela paraît improbable tant l'assistant personnel fait partie du concept. Sans compter que Google impose de plus en plus ses services à ses partenaires, directement ou par des moyens déviés (lire : Comment Google est en train de reprendre le contrôle d'Android et Android : les conditions imposées par Google aux fabricants révélés).

Même si ça fait crisser des dents à Mountain View, dans un smartphone, Samsung peut caser sans peine ses services maison à côté des apps Google Play imposées. Sur un cadran de montre, c'est plus compliqué.

À voir la Moto 360, la montre de Motorola qui a fait forte impression en choisissant d'imiter un modèle traditionnel, Google pourrait laisser une certaine latitude aux fabricants au niveau de l'interface. L'écran de l'appareil simulera en effet des aiguilles, un élément qui ne fait pas partie de l'interface de base d'Android Wear. Au mieux, la firme de Mountain View pourrait donc permettre aux constructeurs de proposer des écrans d'accueil personnalisés. Mais il est illusoire de croire qu'elle va proposer beaucoup plus de marge de manœuvre. Elle a tout intérêt à ce que Google Now se retrouve à tous les poignets pour en savoir toujours plus sur ses utilisateurs... et afficher de la pub sur un nouveau support.

L'heure de la pub

Votre montre connectée à tensiomètre intégré analyse votre pouls et indique que vous êtes en état de stress ou d'angoisse ? Hop une pub pour du Lexomil.

Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en Sciences de l'information et de la communication, prévient de ce à quoi les montres connectées vont servir à l'avenir : « on va cette fois d'abord analyser notre humeur du moment pour ensuite nous proposer des publicités adaptées. »

Google s'en cache pour le moment, mais tous les éléments sont déjà en place pour afficher de la publicité hyper-ciblée sur Android Wear, via Google Now justement. L'assistant personnel n'intègre pas d'annonces aujourd'hui, mais ce n'est qu'une question de mois ou d'années tout au plus. Des « publicités pertinentes » ont bien fini par arriver dans Google Maps l'été dernier. Un format publicitaire pourrait être particulièrement adapté à Android Wear : +Post.

Une publicité Google Maps dans une montre Android Wear - Montage MacGeneration

+Post, c'est le nom des posts Google+ qui sont transformés (moyennant paiement) en annonces par les marques. Ces publicités sont interactives : « Les internautes peuvent participer à un Hangout en direct, ajouter un commentaire, suivre votre marque ou attribuer un +1, directement à partir de l'annonce. » Exemple concret : votre avion vient d'atterrir, vous êtes à l'aéroport et vous devez vous rendre à l'hôtel. Google Now, qui connaît tous ces paramètres, va afficher une notification sponsorisée de Hertz. D'un glissement de doigt sur le cadran, on pourra soit ignorer la pub, soit lancer un appel téléphonique pour contacter le loueur de voitures.

Sans aller jusqu'à +Post, Google Now pourrait afficher des pubs via le Knowledge Graph, le graphe de connaissance qui permet au moteur de recherche de répondre directement aux requêtes des utilisateurs. Il se trouve que Mountain View teste depuis un moment l'intégration de pubs dans les résultats du graphe. Et Google Now s'appuie sur ce système pour répondre aux questions. À terme, un dialogue avec l'assistant pourrait ressembler à cela :

  • OK Google, quelle est la distance entre Lyon et Paris ?
  • Il y a 465 km. Il faut 4 heures en voiture.
  • Et en train ?
  • Un trajet en TGV prend 2 heures. La SNCF vous propose une offre spéciale : 10 € de remise sur deux billets TGV achetés.

Androïde Wear

Olivier Ertzscheid souligne une autre problématique d'Android Wear, et plus largement de l'informatique vestimentaire, le trop-plein d'informations :

Nous allons disposer d'une somme d'informations et de connaissances sur nous-mêmes jusqu'ici jamais atteinte : du nombre de kilomètres parcourus dans la journée au nombre de calories consommées et brûlées en passant par nos chances d'avoir tel ou tel type de maladie, nous allons entrer dans une nouvelle phase d'infobésité, de surcharge informationnelle ; de l'information sur nous-mêmes, produite par nous-mêmes, n'intéressant que nous-mêmes. Et cette information, nous allons l'aimer, la savourer, l'adorer. Car nous nous aimons profondément. Ce ne sera plus du "quantified self" mais du "self overload". Et comme pour la surcharge cognitive (cognitive overload), comme pour l'infobésité informationnelle, nous commencerons par avoir besoin d'applications pour nous aider à faire exactement l'inverse de ce que nous demandions hier aux mêmes applications.

Hier nous voulions que nos amis sachent où nous sommes, aujourd'hui nous voulons qu'ils l'ignorent. L'important n'est pas ce que nous voulons. L'important n'est pas la contradiction de nos pulsions. L'important est qu'il existe une application pour chacune d'entre elles.

Et l'enseignant-chercheur de réfléchir sur la place de l'utilisateur dans Android Wear :

[Un système d'exploitation est] "un ensemble de programmes qui dirige l'utilisation des capacités d'un ordinateur par des logiciels applicatifs." Ok. Android Wear est un OS pour les objets connectés (montres, vêtements, et demain frigos, cafetières, vélos, no limit ...). On va donc avoir - on a déjà - des programmes qui vont demander/permettre à ces objets d'effectuer certaines tâches, de répondre à certaines requêtes, tâches et requêtes transmises par différents logiciels applicatifs. [...] Cet ordinateur, pour l'essentiel, et pas seulement métaphoriquement ou symboliquement, c'est... nous.

L'OS Android Wear sera logiquement amené à diriger l'utilisation de nos propres capacités cognitives par des logiciels applicatifs. Il le fera de deux manières : en extrayant et en nous proposant sans cesse de l'information de/sur nous-mêmes (nous sommes une sorte de suite de 0 et de 1), et en mobilisant notre capacité attentionnelle, c'est à dire en nous allouant des plages mémoire.

L'homme se transformerait-il en androïde ?

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