« Nous croyons fermement que les lois et les pratiques actuelles [de surveillance] doivent être réformées ». AOL, Apple, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Twitter et Yahoo appellent aujourd'hui à une « réforme globale de la surveillance gouvernementale ». À la suite des révélations d'Edward Snowden, l'ex-consultant informatique qui a fait fuiter des documents confidentiels de la NSA, les huit géants de l'informatique veulent redorer leur blason entaché par des soupçons de coopération avec l'agence de renseignement américain.
La coalition prodigue cinq principes pour réformer un système de surveillance totalement hors de contrôle aujourd'hui :
limiter le pouvoir de collecte des informations des utilisateurs par les gouvernements : les huit entreprises demandent aux gouvernements de trouver un équilibre entre leurs besoins de données, le respect de la vie privée et l'impact de ces pratiques sur la confiance dans l'Internet. Ironiquement, cette demande intervient seulement quelques jours après le vote par l'Assemblée nationale du projet de loi de programmation militaire qui autorise les interceptions de correspondances émises via communication électronique sans intervention préalable d'un juge (lire Comment va s'organiser la surveillance d'Internet en France par PC INpact). De plus, voir Google et Facebook enjoindre aux gouvernements d'y aller plus doucement sur la collecte de données est tout aussi ironique. Ces deux entreprises ont basé leur modèle économique sur l'exploitation des données des utilisateurs et ne s'embarrassent pas des remontrances des autorités de protection de la vie privée.
supervision et responsabilisation : il s'agirait d'établir un cadre légal strict sur la collecte d'informations. Les opérations importantes devraient être rendues publiques dans un temps raisonnable.
transparence sur les demandes gouvernementales : « les gouvernements devraient permettre aux entreprises de publier le nombre et la nature de leurs demandes d'informations d'utilisateurs. En outre, les gouvernements devraient aussi rendre rapidement ces données publiques. » De nombreuses entreprises, dont Apple, Google, Microsoft et Facebook, avaient déjà interpellé le président des États-Unis en juillet sur ce point. Depuis, Apple a publié un document synthétisant les demandes qu'elle a reçues de la part des différents gouvernements. À l'exception d'AOL, les autres entreprises communiquent aussi ce type d'informations.
respecter la libre circulation de l'information : « Les gouvernements ne devraient pas empêcher l'accès aux entreprises et aux particuliers à l'information légalement disponible qui est stockée à l'extérieur du pays. Les gouvernements ne devraient pas imposer aux prestataires de services d'implanter leurs infrastructures à l'intérieur du pays ou d'opérer localement. » Avec ce principe les entreprises s'attaquent à la censure. Cet argumentaire cache aussi des enjeux économiques très importants, comme la possibilité de pénétrer l'immense marché chinois et la liberté de s'implanter dans un pays fiscalement avantageux.
éviter les conflits entre les gouvernements : pour que ces quatre premiers principes fonctionnent, il est nécessaire que les gouvernements du monde entier coopèrent, indiquent en substance Apple et consorts. Cela pourrait passer par un traité d'assistance judiciaire mutuelle (MLAT), comme il en existe déjà entre les États-Unis et l'Union européenne.
Les dirigeants et responsables juridiques de sept des huit entreprises (Apple fait exception) ont pris leur plume pour appuyer ces cinq principes. « Les gens ne vont pas utiliser une technologie dans laquelle ils n'ont pas confiance », écrit Brad Smith de Microsoft, tandis que Mark Zuckerberg appelle « le gouvernement américain à saisir cette occasion pour mener cet effort de réforme et faire des choses justes. » Cette lettre ouverte a été publiée dans plusieurs grands quotidiens américains (New York Times, Washington Post...).
Microsoft a annoncé la semaine dernière qu'elle allait renforcer la sécurité de ses services pour préserver la confidentialité des données des utilisateurs vis-à-vis des gouvernements. Yahoo et Google sont allés dans le même sens quelques semaines plus tôt.
En juillet, soit un mois après la révélation du programme de surveillance PRISM, Mozilla avait lancé l'initiative Stop Watching Us, soutenue par de nombreuses organisations, visant à ce que le Congrès américain fasse toute la lumière sur les programmes de surveillance de la NSA.
Depuis, la Maison-Blanche a mis en place un groupe d'experts qui audite les programmes de surveillance. Seulement, c'est James Clapper, le directeur national du renseignement qui chapeaute notamment la NSA, qui a formé ce groupe d'experts. Autrement dit, le renseignement est audité par lui-même. Les conclusions de l'enquête sont attendues d'ici le 15 décembre.