Dans les années 1990, le mot Palm signifiait PDA comme le mot iPod a signifié baladeur numérique pendant les années 2000 ou le mot iPhone symbolise aujourd'hui l'archétype du smartphone à écran tactile. Fondé en 1992, Palm a connu une histoire troublée qui s'est achevée avec son acquisition pour HP, qui vient de mettre fin à la marque. Pour autant HP a de grands projets pour webOS.
Palm : une société d'anciens d'Apple proche de HP
C'est le spécialiste de la reconnaissance d'écriture manuscrite Jeffrey Hawkins qui fonde Palm Computing en janvier 1992. Dix ans plus tôt, il avait rejoint GRiD, la société qui a pour ainsi dire inventé l'ordinateur portable, le Compass 1101, conçu en 1979 et commercialisé en avril 1982 (deux ans avant le HP 110, huit ans avant le Macintosh Portable).
Tandy (aujourd'hui connu sous le nom de RadioShack) fait l'acquisition de GRiD de 1988 : vice-président responsable de la recherche, Hawkins veut développer un ordinateur à stylet et système de reconnaissance d'écriture. Tandy investit dans l'idée de l'ingénieur qui crée alors Palm Computing en compagnie de Donna Dubinsky et Ed Colligan.
Ed Colligan a commencé sa carrière chez Radius, société fondée par Burrell Smith, Andy Hertzfled et d'autres membres de l'équipe ayant conçu le Macintosh. Radius a développé les premiers écrans de grande taille, a inventé le concept du bureau étendu sur plusieurs écrans (Macintosh II), et a été un des partenaires les plus proches d'Apple pendant les années 1990, au point de devenir le premier fournisseur de clones.
Donna Dubinsky a elle-aussi des liens avec Apple : elle a commencé sa carrière à l'assistance client avant de gérer une grande partie du réseau de distribution de la firme de Cupertino. En 1986, elle fait partie des cadres qui partent former Claris, le bras logiciel d'Apple (MacWrite, MacPaint, MacDraw, Works, FileMaker).
Au début des années 1990, certaines technologies sont suffisamment mûres pour que l'on puisse développer un assistant personnel portable : en 1993, Palm présente le Zoomer, quelques mois après qu'Apple a présenté le Newton MessagePad ou que HP et Toshiba ont mis sur le marché des produits similaires. Le Zoomer est fabriqué par Tandy, distribué par Casio, alors que Geoworks fournit son OS — Palm se contente de fournir les logiciels qui en font un PDA.
Tous ces appareils sont des échecs cuisants : Palm ne survit qu'en fournissant Graffiti à HP et Apple. Graffiti est une des grandes idées de Hawkins, qui l'a développé sous le nom de PalmPrint : alors que les systèmes de reconnaissance d'écriture existants se reposent sur l'écriture de gauche à droite, Graffiti permet d'écrire les lettres les unes au-dessus des autres, ce qui libère de la contrainte de la taille de l'écran. Ce système nécessite d'écrire toutes les lettres en un seul trait, mais permettait aussi de déclencher certaines actions. Bref, c'était un alphabet dédié à l'informatique et au stylet.
Les PDAs de HP utilisant le même système que le Zoomer (un OS dérivé de GEOS, le clone de Mac OS pour Commodore 64), Palm n'eut aucun mal à proposer à HP d'utiliser Graffiti, pas plus qu'elle n'eut de mal à convaincre Apple, dont le système de reconnaissance d'écriture dans sa première mouture était une véritable catastrophe. Ce répit momentané permit à Hawkins de développer le projet Touchdown, qui serait le premier PDA dont le matériel et le logiciel seraient conçus par Palm. Las, en manque de liquidités, la société dut accepter une offre de US Robotics, qui en fit l'acquisition pour 44 millions de dollars en 1995. En mars 1996 naissait le PalmPIlot 1000, le premier PDA à connaître un large succès.
Du PDA au smartphone : la lente agonie de Palm
Avec son écran monochrome tactile et ses 128 Ko de mémoire, le PalmPilot 1000 est un succès auquel participe grandement son prix de 299 $. Le PalmPilot 5000 capitalise sur les acquis en passant à 512 Ko de mémoire, tandis que les PalmPilot Personal et Professional seront les premiers à utiliser un écran rétroéclairé.
En 1997, US Robotics fusionne avec 3Com : l'un comme l'autre sont des spécialistes du modem et du routeur. À peine un an plus tard, la société japonaise Pilot Pens attaque 3Com, qui doit renommer le PalmPilot « Palm ». Sortent alors Palm OS 3, le Palm III, la série des Palm V, arrivent les premiers écrans couleurs… Mais les itérations très progressives ne sont pas du goût de Hawkins, Dubinsky et Colligan, qui quittent Palm pour fonder Handspring, une société destinée à produire des PDAs qui utiliseront l'OS de Palm.
En l'espace de quelques années, Palm va lentement sombrer : alors que la concurrence s'organise et que la convergence entre le PDA et le téléphone commence (Nokia, Ericsson), quatre sociétés différentes vont porter le nom Palm en l'espace de cinq ans.
Tandis que Handspring met sur le marché le Visor (dont les extensions sont l'ancêtre des applications de nos smartphones modernes), 3Com réfléchit à faire de Palm Computing une société indépendante. 5 millions de Palm se sont vendus, et c'est alors la division de 3Com qui possède la plus forte croissance. Le 1er mars 2000, Palm, Inc. entre en bourse, en pleine bulle « dot com » : son niveau à la clôture du premier jour (95,06 $) sera son plus haut historique — un an plus tard, l'action PALM s'échange autour des 6 $.
En 2002, Palm se sépare de sa branche logicielle, qui devient en 2003 une société indépendante sous le nom de PalmSource, chargée de distribuer des licences de Palm OS (et de BeOS, acquis en 2001). Dans le même temps, Palm fait l'acquisition de Handspring et devient PalmOne. PalmOne prend une licence sur Palm OS à PalmSource, les deux sociétés se partageant les droits sur la marque Palm. Quelques mois avant son acquisition par Palm, Handspring avait développé le Treo : alors que RIM a transformé son pager BlackBerry en téléphone, Handspring transforme le PDA en smartphone.
En 2005, nouveau changement de nom : PalmOne achète à PalmSource sa part des droits sur la marque Palm pour 30 millions de dollars et redevient Palm, Inc. avec un nouveau logo paré d'orange. Quelques mois plus tard, la société japonaise Access fait l'acquisition de PalmSource, de Palm OS et de BeOS : on attend encore aujourd'hui la sortie d'un produit sous Access Linux, l'OS développé sur cette base. À l'époque, le PDG de PalmOne est un certain Todd Bradley, qui passe la main à Ed Colligan, seul fondateur de Palm à être resté, pour partir chez HP.
Palm va alors embrasser le marché du smartphone, mais le vieillissant Palm OS peine à se renouveler : le Treo 700w, qui sort en janvier 2006, utilise Windows Mobile. Le Palm Centro, commercialisé en octobre 2007, utilise quant à lui Palm OS 5 : appareil d'entrée de gamme, il connut un succès tel qu'il représenta à lui seul jusqu'à 14,7 % du trafic Internet généré par les smartphones aux États-Unis, seulement dépassé par le BlackBerry Pearl à l'été 2008. Mais l'iPhone était déjà sur ses talons.
De premières rumeurs circulent sur une possible vente de Palm : c'est en fait le fonds d'investissement Elevation Partners qui acquiert 25 % des parts de Palm pour 325 millions de dollars en juin 2007. Deux ans plus tard, Ed Colligan rejoint Elevation Partners et est remplacé au poste de PDG de Palm par Jon Rubinstein, qui sort de sa retraite après avoir été vice-président d'Apple responsable de l'ingénierie matérielle. Il applique une méthode qu'il connaît bien pour en avoir été le témoin chez Apple au retour de Jobs : réduction des coûts, rationalisation de la gamme, annulation de plusieurs projets (dont le Foléo, qui aurait pu être le premier netbook) et relance de l'innovation.
Il a entre-temps présenté webOS, un système d'exploitation mobile basé sur Linux utilisant WebKit comme moteur d'interface. webOS est au moment de sa présentation extrêmement bien reçu par les critiques : il est le premier OS conçu pour le tactile à apporter une réponse se différenciant de la proposition d'Apple en utilisant une métaphore originale de cartes pour un système multitâche central dans l'interface. Las, Palm ne pousse pas son avantage, et le premier téléphone utilisant webOS, le Palm Pre, sort six mois après sa présentation chez un opérateur mineur. Dans le même temps, Apple présente l'iPhone 3GS.
Ce calendrier décalé, une campagne de publicité ratée, des appareils prometteurs, mais pénalisés par un matériel moyen aggravent la situation de Palm, malgré son excellent OS (lire : Test du Palm Pixi Plus). Le 28 avril 2010, HP annonce l'acquisition de Palm pour 1,2 milliard de dollars. Jon Rubinstein devient vice-président de HP responsable de l'unité opérationnelle webOS plus de vingt ans après avoir commencé sa carrière à Palo Alto. Palm retrouve aussi Todd Bradley, vice-président de HP responsable de la division grand public, celle là même qui fait de HP le numéro un mondial des ordinateurs personnels, celle là aussi qui chapeaute désormais Palm. Il ne fait aucun mystère sur ses intentions : webOS est appelé à un rôle central dans le futur de HP.
Le futur de webOS, le futur de HP
Ce 9 février, HP a donc dévoilé la stratégie découlant de l'acquisition de Palm : elle est centrée sur webOS, et à ce titre, la marque Palm a fait long feu. Ne l'appelez donc plus Palm webOS mais HP webOS — 1992-2010, RIP Palm.
La stratégie produit de HP emprunte pourtant beaucoup à celle de Palm : il y avait le couple Centro/Treo, le couple Pixi/Pre, il y a désormais le couple Veer/Pre^3. HP a le courage d'en rester au pari de Palm qui est celui de la pertinence du clavier physique, tout en réglant le problème chronique qu'étaient les configurations matérielles un peu faiblardes. Le seul problème est donc encore et toujours le calendrier : deux des trois produits présentés ne seront disponibles qu'à l'été, une éternité dans le domaine.
Le Veer est doté d'un écran 2,6" 320x400 : lorsque son clavier est replié, il a la taille d'une carte de crédit ; lorsque son clavier est déplié, il a celle d'un BlackBerry. Disponible au printemps pour un prix encore indéterminé, le Veer embarque un processeur Qualcomm Snapdragon 7230 cadencé à 800 MHz (l'équivalent d'un Snapdragon 1 GHz de 2010), 512 Mo de RAM, 8 Go de stockage et un capteur 5MP (vidéo HD). HP fait le pari qu'une partie des utilisateurs cherchent un téléphone compact, mais intelligent, si compact que son clavier semble minuscule et qu'il ne possède pas de sortie jack (il faut en passer par un adaptateur à fixation magnétique).
Le Pre^3 emprunte le chemin inverse : il possède le plus grand clavier complet jamais disponible sur un Palm, puisqu'il se loge derrière un écran 3,6" 800x480. Il dispose d'un capteur 5MP (vidéo HD) au dos, VGA en façade (pour les appels vidéo), de 512 Mo de RAM mais aussi et surtout d'un processeur Qualcomm Snapdragon MSM 8x555 cadencé à 1,4 GHz et d'un chipset graphique Adreno 205 réputé très performant. La capacité de la batterie a été revue en conséquence. Le Pre^3 n'arrivera qu'à l'été, pour un prix encore indéterminé, en variantes 8 et 16 Go, 3G+ et CDMA.
L'annonce de la tablette TouchPad était évidemment attendue. D'un point de vue matériel, le TouchPad ressemble incroyablement à l'iPad : alors que les concurrents ont opté pour des écrans 7 ou 10" au format 16:9 ou 16:10, le TouchPad utilise un écran 9,7" d'une définition de 1024x768px (au format 4:3 donc) — ses dimensions et son poids sont à peu de choses près les mêmes que celles de l'iPad. Elle possède cependant l'avantage d'avoir été conçue en 2010 pour une commercialisation à l'été 2011 : elle embarquera donc un processeur Qualcomm Snapdragon APQ8060 à deux cœurs cadencés à 1,2 GHz, 1 Go de RAM, 16 ou 32 Go de stockage et un capteur 1,3MP en façade pour les appels vidéo (pas au dos).
Le TouchPad utilise webOS 3.0 qui reprend les fondamentaux de webOS (cartes et piles, notifications discrètes, lire : Aperçu de HP webOS et du Palm Pre 2) tout en construisant par-dessus. Ainsi, les notifications sont désormais « attachées » à la barre d'outils et s'affichent dans un popup, tandis que le clavier virtuel est disponible dans plusieurs tailles. Le paradigme de l'interface divisée en deux panneaux inauguré par iOS sur iPad est ici appliqué à l'essentiel des applications, jusqu'à l'album photo ou le navigateur.
HP présente webOS comme la pierre angulaire permettant de créer un écosystème intégré : la fonction Tap-to-share permet de partager une session de surf entre le Pre et le TouchPad et vice-versa. Pour peu que l'on utilise le TouchStone (chargeur à induction), les SMS et appels arrivant sur le Pre seront transférés à la tablette, tablette qui peut imprimer sans-fil sur les imprimantes ePrint HP. L'annonce du jour n'était donc pas tant ces trois appareils que l'arrivée prochaine de webOS sur d'autres appareils, netbooks et PC au format traditionnel.
Numéro 1 mondial de l'informatique personnelle, HP est certes un partenaire privilégié de Microsoft, mais aussi un spécialiste de l'UNIX, de HP-UX à Tru64 en passant maintenant par webOS. Le fabricant de Palo Alto a ces dernières années tenté de se différencier avec la gamme d'ordinateurs tactiles TouchSmart et sa surcouche graphique à Windows. Selon un porte-parole de HP, la société ne compte pas remplacer Windows par webOS, mais pourrait utiliser webOS par-dessus Windows pour les contextes tactiles. Reste qu'avec un webOS léger, dont l'interface se met à l'échelle facilement et qui fait appel au nuage, HP tient là de quoi modifier substantiellement le paysage de l'informatique personnelle, son poids lui permettant déjà d'attirer les développeurs. La vision originale de Hawkins n'est peut-être pas morte avec la mort de Palm.
Palm : une société d'anciens d'Apple proche de HP
C'est le spécialiste de la reconnaissance d'écriture manuscrite Jeffrey Hawkins qui fonde Palm Computing en janvier 1992. Dix ans plus tôt, il avait rejoint GRiD, la société qui a pour ainsi dire inventé l'ordinateur portable, le Compass 1101, conçu en 1979 et commercialisé en avril 1982 (deux ans avant le HP 110, huit ans avant le Macintosh Portable).
Le Compass 1101 de GRiD, premier ordinateur portable commercialisé. L'idée géniale d'évidence de GRiD était celle de l'écran se rabattant par-dessus le clavier.
Tandy (aujourd'hui connu sous le nom de RadioShack) fait l'acquisition de GRiD de 1988 : vice-président responsable de la recherche, Hawkins veut développer un ordinateur à stylet et système de reconnaissance d'écriture. Tandy investit dans l'idée de l'ingénieur qui crée alors Palm Computing en compagnie de Donna Dubinsky et Ed Colligan.
Ed Colligan a commencé sa carrière chez Radius, société fondée par Burrell Smith, Andy Hertzfled et d'autres membres de l'équipe ayant conçu le Macintosh. Radius a développé les premiers écrans de grande taille, a inventé le concept du bureau étendu sur plusieurs écrans (Macintosh II), et a été un des partenaires les plus proches d'Apple pendant les années 1990, au point de devenir le premier fournisseur de clones.
Jeffrey Hawkins.
Donna Dubinsky a elle-aussi des liens avec Apple : elle a commencé sa carrière à l'assistance client avant de gérer une grande partie du réseau de distribution de la firme de Cupertino. En 1986, elle fait partie des cadres qui partent former Claris, le bras logiciel d'Apple (MacWrite, MacPaint, MacDraw, Works, FileMaker).
Au début des années 1990, certaines technologies sont suffisamment mûres pour que l'on puisse développer un assistant personnel portable : en 1993, Palm présente le Zoomer, quelques mois après qu'Apple a présenté le Newton MessagePad ou que HP et Toshiba ont mis sur le marché des produits similaires. Le Zoomer est fabriqué par Tandy, distribué par Casio, alors que Geoworks fournit son OS — Palm se contente de fournir les logiciels qui en font un PDA.
Le Tandy Zoomer.
Tous ces appareils sont des échecs cuisants : Palm ne survit qu'en fournissant Graffiti à HP et Apple. Graffiti est une des grandes idées de Hawkins, qui l'a développé sous le nom de PalmPrint : alors que les systèmes de reconnaissance d'écriture existants se reposent sur l'écriture de gauche à droite, Graffiti permet d'écrire les lettres les unes au-dessus des autres, ce qui libère de la contrainte de la taille de l'écran. Ce système nécessite d'écrire toutes les lettres en un seul trait, mais permettait aussi de déclencher certaines actions. Bref, c'était un alphabet dédié à l'informatique et au stylet.
Les PDAs de HP utilisant le même système que le Zoomer (un OS dérivé de GEOS, le clone de Mac OS pour Commodore 64), Palm n'eut aucun mal à proposer à HP d'utiliser Graffiti, pas plus qu'elle n'eut de mal à convaincre Apple, dont le système de reconnaissance d'écriture dans sa première mouture était une véritable catastrophe. Ce répit momentané permit à Hawkins de développer le projet Touchdown, qui serait le premier PDA dont le matériel et le logiciel seraient conçus par Palm. Las, en manque de liquidités, la société dut accepter une offre de US Robotics, qui en fit l'acquisition pour 44 millions de dollars en 1995. En mars 1996 naissait le PalmPIlot 1000, le premier PDA à connaître un large succès.
Le Palm Pilot 1000.
Du PDA au smartphone : la lente agonie de Palm
Avec son écran monochrome tactile et ses 128 Ko de mémoire, le PalmPilot 1000 est un succès auquel participe grandement son prix de 299 $. Le PalmPilot 5000 capitalise sur les acquis en passant à 512 Ko de mémoire, tandis que les PalmPilot Personal et Professional seront les premiers à utiliser un écran rétroéclairé.
En 1997, US Robotics fusionne avec 3Com : l'un comme l'autre sont des spécialistes du modem et du routeur. À peine un an plus tard, la société japonaise Pilot Pens attaque 3Com, qui doit renommer le PalmPilot « Palm ». Sortent alors Palm OS 3, le Palm III, la série des Palm V, arrivent les premiers écrans couleurs… Mais les itérations très progressives ne sont pas du goût de Hawkins, Dubinsky et Colligan, qui quittent Palm pour fonder Handspring, une société destinée à produire des PDAs qui utiliseront l'OS de Palm.
En l'espace de quelques années, Palm va lentement sombrer : alors que la concurrence s'organise et que la convergence entre le PDA et le téléphone commence (Nokia, Ericsson), quatre sociétés différentes vont porter le nom Palm en l'espace de cinq ans.
Tandis que Handspring met sur le marché le Visor (dont les extensions sont l'ancêtre des applications de nos smartphones modernes), 3Com réfléchit à faire de Palm Computing une société indépendante. 5 millions de Palm se sont vendus, et c'est alors la division de 3Com qui possède la plus forte croissance. Le 1er mars 2000, Palm, Inc. entre en bourse, en pleine bulle « dot com » : son niveau à la clôture du premier jour (95,06 $) sera son plus haut historique — un an plus tard, l'action PALM s'échange autour des 6 $.
En 2002, Palm se sépare de sa branche logicielle, qui devient en 2003 une société indépendante sous le nom de PalmSource, chargée de distribuer des licences de Palm OS (et de BeOS, acquis en 2001). Dans le même temps, Palm fait l'acquisition de Handspring et devient PalmOne. PalmOne prend une licence sur Palm OS à PalmSource, les deux sociétés se partageant les droits sur la marque Palm. Quelques mois avant son acquisition par Palm, Handspring avait développé le Treo : alors que RIM a transformé son pager BlackBerry en téléphone, Handspring transforme le PDA en smartphone.
Le Treo 180
En 2005, nouveau changement de nom : PalmOne achète à PalmSource sa part des droits sur la marque Palm pour 30 millions de dollars et redevient Palm, Inc. avec un nouveau logo paré d'orange. Quelques mois plus tard, la société japonaise Access fait l'acquisition de PalmSource, de Palm OS et de BeOS : on attend encore aujourd'hui la sortie d'un produit sous Access Linux, l'OS développé sur cette base. À l'époque, le PDG de PalmOne est un certain Todd Bradley, qui passe la main à Ed Colligan, seul fondateur de Palm à être resté, pour partir chez HP.
Palm va alors embrasser le marché du smartphone, mais le vieillissant Palm OS peine à se renouveler : le Treo 700w, qui sort en janvier 2006, utilise Windows Mobile. Le Palm Centro, commercialisé en octobre 2007, utilise quant à lui Palm OS 5 : appareil d'entrée de gamme, il connut un succès tel qu'il représenta à lui seul jusqu'à 14,7 % du trafic Internet généré par les smartphones aux États-Unis, seulement dépassé par le BlackBerry Pearl à l'été 2008. Mais l'iPhone était déjà sur ses talons.
Compliquée, l'histoire de Palm ? À gauche les sociétés qui ne s'occupaient que de matériel, à droite les sociétés qui ne s'occupaient que de logiciel, au centre les sociétés unifiées.
De premières rumeurs circulent sur une possible vente de Palm : c'est en fait le fonds d'investissement Elevation Partners qui acquiert 25 % des parts de Palm pour 325 millions de dollars en juin 2007. Deux ans plus tard, Ed Colligan rejoint Elevation Partners et est remplacé au poste de PDG de Palm par Jon Rubinstein, qui sort de sa retraite après avoir été vice-président d'Apple responsable de l'ingénierie matérielle. Il applique une méthode qu'il connaît bien pour en avoir été le témoin chez Apple au retour de Jobs : réduction des coûts, rationalisation de la gamme, annulation de plusieurs projets (dont le Foléo, qui aurait pu être le premier netbook) et relance de l'innovation.
Il a entre-temps présenté webOS, un système d'exploitation mobile basé sur Linux utilisant WebKit comme moteur d'interface. webOS est au moment de sa présentation extrêmement bien reçu par les critiques : il est le premier OS conçu pour le tactile à apporter une réponse se différenciant de la proposition d'Apple en utilisant une métaphore originale de cartes pour un système multitâche central dans l'interface. Las, Palm ne pousse pas son avantage, et le premier téléphone utilisant webOS, le Palm Pre, sort six mois après sa présentation chez un opérateur mineur. Dans le même temps, Apple présente l'iPhone 3GS.
Le Palm Pre
Ce calendrier décalé, une campagne de publicité ratée, des appareils prometteurs, mais pénalisés par un matériel moyen aggravent la situation de Palm, malgré son excellent OS (lire : Test du Palm Pixi Plus). Le 28 avril 2010, HP annonce l'acquisition de Palm pour 1,2 milliard de dollars. Jon Rubinstein devient vice-président de HP responsable de l'unité opérationnelle webOS plus de vingt ans après avoir commencé sa carrière à Palo Alto. Palm retrouve aussi Todd Bradley, vice-président de HP responsable de la division grand public, celle là même qui fait de HP le numéro un mondial des ordinateurs personnels, celle là aussi qui chapeaute désormais Palm. Il ne fait aucun mystère sur ses intentions : webOS est appelé à un rôle central dans le futur de HP.
Le futur de webOS, le futur de HP
Ce 9 février, HP a donc dévoilé la stratégie découlant de l'acquisition de Palm : elle est centrée sur webOS, et à ce titre, la marque Palm a fait long feu. Ne l'appelez donc plus Palm webOS mais HP webOS — 1992-2010, RIP Palm.
La stratégie produit de HP emprunte pourtant beaucoup à celle de Palm : il y avait le couple Centro/Treo, le couple Pixi/Pre, il y a désormais le couple Veer/Pre^3. HP a le courage d'en rester au pari de Palm qui est celui de la pertinence du clavier physique, tout en réglant le problème chronique qu'étaient les configurations matérielles un peu faiblardes. Le seul problème est donc encore et toujours le calendrier : deux des trois produits présentés ne seront disponibles qu'à l'été, une éternité dans le domaine.
Le HP Veer.
Le Veer est doté d'un écran 2,6" 320x400 : lorsque son clavier est replié, il a la taille d'une carte de crédit ; lorsque son clavier est déplié, il a celle d'un BlackBerry. Disponible au printemps pour un prix encore indéterminé, le Veer embarque un processeur Qualcomm Snapdragon 7230 cadencé à 800 MHz (l'équivalent d'un Snapdragon 1 GHz de 2010), 512 Mo de RAM, 8 Go de stockage et un capteur 5MP (vidéo HD). HP fait le pari qu'une partie des utilisateurs cherchent un téléphone compact, mais intelligent, si compact que son clavier semble minuscule et qu'il ne possède pas de sortie jack (il faut en passer par un adaptateur à fixation magnétique).
Le Pre^3.
Le Pre^3 emprunte le chemin inverse : il possède le plus grand clavier complet jamais disponible sur un Palm, puisqu'il se loge derrière un écran 3,6" 800x480. Il dispose d'un capteur 5MP (vidéo HD) au dos, VGA en façade (pour les appels vidéo), de 512 Mo de RAM mais aussi et surtout d'un processeur Qualcomm Snapdragon MSM 8x555 cadencé à 1,4 GHz et d'un chipset graphique Adreno 205 réputé très performant. La capacité de la batterie a été revue en conséquence. Le Pre^3 n'arrivera qu'à l'été, pour un prix encore indéterminé, en variantes 8 et 16 Go, 3G+ et CDMA.
La TouchPad.
L'annonce de la tablette TouchPad était évidemment attendue. D'un point de vue matériel, le TouchPad ressemble incroyablement à l'iPad : alors que les concurrents ont opté pour des écrans 7 ou 10" au format 16:9 ou 16:10, le TouchPad utilise un écran 9,7" d'une définition de 1024x768px (au format 4:3 donc) — ses dimensions et son poids sont à peu de choses près les mêmes que celles de l'iPad. Elle possède cependant l'avantage d'avoir été conçue en 2010 pour une commercialisation à l'été 2011 : elle embarquera donc un processeur Qualcomm Snapdragon APQ8060 à deux cœurs cadencés à 1,2 GHz, 1 Go de RAM, 16 ou 32 Go de stockage et un capteur 1,3MP en façade pour les appels vidéo (pas au dos).
Le TouchPad utilise webOS 3.0 qui reprend les fondamentaux de webOS (cartes et piles, notifications discrètes, lire : Aperçu de HP webOS et du Palm Pre 2) tout en construisant par-dessus. Ainsi, les notifications sont désormais « attachées » à la barre d'outils et s'affichent dans un popup, tandis que le clavier virtuel est disponible dans plusieurs tailles. Le paradigme de l'interface divisée en deux panneaux inauguré par iOS sur iPad est ici appliqué à l'essentiel des applications, jusqu'à l'album photo ou le navigateur.
HP présente webOS comme la pierre angulaire permettant de créer un écosystème intégré : la fonction Tap-to-share permet de partager une session de surf entre le Pre et le TouchPad et vice-versa. Pour peu que l'on utilise le TouchStone (chargeur à induction), les SMS et appels arrivant sur le Pre seront transférés à la tablette, tablette qui peut imprimer sans-fil sur les imprimantes ePrint HP. L'annonce du jour n'était donc pas tant ces trois appareils que l'arrivée prochaine de webOS sur d'autres appareils, netbooks et PC au format traditionnel.
Numéro 1 mondial de l'informatique personnelle, HP est certes un partenaire privilégié de Microsoft, mais aussi un spécialiste de l'UNIX, de HP-UX à Tru64 en passant maintenant par webOS. Le fabricant de Palo Alto a ces dernières années tenté de se différencier avec la gamme d'ordinateurs tactiles TouchSmart et sa surcouche graphique à Windows. Selon un porte-parole de HP, la société ne compte pas remplacer Windows par webOS, mais pourrait utiliser webOS par-dessus Windows pour les contextes tactiles. Reste qu'avec un webOS léger, dont l'interface se met à l'échelle facilement et qui fait appel au nuage, HP tient là de quoi modifier substantiellement le paysage de l'informatique personnelle, son poids lui permettant déjà d'attirer les développeurs. La vision originale de Hawkins n'est peut-être pas morte avec la mort de Palm.