En repoussant à une période indéterminée de 2025 l'arrivée de son tout nouveau Siri, Apple suggère que la démonstration faite l'été dernier n'était en réalité que du vent.
Le 10 juin dernier, lors de la conférence d'ouverture de la WWDC, Craig Federighi et une autre responsable consacrent une partie du propos sur Apple Intelligence à la démonstration du futur Siri et plus spécifiquement ses fonctions personnelles les plus avancées. L'assistant va être refait de pied en cap, dopé à l'intelligence artificielle et capable d'exploiter vos données personnelles et les informations affichées sur votre écran. 10 mois plus tard, cette partie majeure d'Apple Intelligence et ce volet de Siri sont toujours aux abonnés absents, même sous la forme d'une bêta qui aurait pu être réservée d'abord aux testeurs américains.

Dans un billet rageur sur Daring Fireball, John Gruber, habituellement accommodant avec Apple, tire à boulets rouges sur la cascade de décisions qui ont conduit à présenter cette fonction comme s'il s'agissait d'un développement bien entamé puis à l'inclure quelques mois plus tard dans le marketing entourant les nouveaux iPhone 16, à en faire un thème publicitaire pour Apple Intelligence puis annoncer, entre deux portes, que ce Siri n'arrivera que l'année prochaine. Sans plus de précisions. Cela pouvant être dans les premiers mois de 2026 comme bien après la sortie d'iOS 19.

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Avec le recul, il y avait pourtant des signes annonciateurs, explique Gruber, qui se flagelle de ne pas l'avoir compris plus tôt. Lors de la WWDC, devant des médias invités, Apple avait fait la présentation de quelques-unes des fonctions d'IA dévoilées lors du keynote. Mais du nouveau Siri, il ne fut aucunement question. Pas même dans le cadre d'une démonstration assurée par le représentant d'Apple. Par comparaison, à l'annonce du Vision Pro, les journalistes avaient pu enfiler le casque même si leur démonstration était très fléchée. Le produit avait une réalité tangible.
Même chose lorsque les iPhone 16 sont mis entre les mains des médias sur place et alors qu'Apple Intelligence entoure à nouveau le lancement des nouveaux téléphones. Apple ne montre toujours rien du nouveau Siri alors que 4 mois se sont écoulés et qu'elle diffuse une pub mettant en scène certaines possibilités de l'assistant. On ne peut qu'en déduire que la présentation faite en juin ne reposait sur rien de concret, ce n'était que du vent, l'illustration complètement fabriquée d'une intention :
Ce qu'Apple a présenté à la WWDC à propos de son futur « Siri personnalisé » n'était pas une démo. C'était une vidéo conceptuelle. Les vidéos conceptuelles sont du n'importe quoi et témoignent d'une entreprise en pleine déroute, voire en crise.
Depuis quelques semaines, Apple Intelligence a été déployé en version bêta dans une première vague de nouveaux pays, mais l'histoire se répète, le Siri des 10 prochaines années reste en cale sèche et bien caché chez Apple. Il est arrivé par le passé qu'Apple admette avoir fait une erreur de jugement et convié la presse pour une mise au point. Ce fut le cas avec l'échec du Mac Pro de 2013 et les inquiétudes quant à la stratégie pour les Mac des professionnels.

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Il est également arrivé qu'Apple se presse d'annoncer un produit dont il s'avèrera qu'il était impossible à réaliser. Gruber rappelle le précédent de l'AirPower. Toutefois une entreprise comme Apple peut se remettre aisément d'un écueil de cet ordre. Le tapis de recharge était, dans tous les sens du terme, un accessoire.
Dans le cas de Siri on passe à une tout autre échelle. L'avenir des IA est en train de s'écrire et les difficultés d'Apple peuvent peser bien davantage. La Pomme a pu pécher par orgueil. Prise de court par l'explosion soudaine de cette nouvelle forme d'IA, elle aura pu vouloir marquer sa différence et promettre au-delà de ce qu'elle était capable dans les conditions de fonctionnement et les délais qu'elle s'était imposés :
Le fiasco ici n'est pas qu'Apple soit en retard sur l'IA. Ce n'est pas non plus qu'ils aient dû annoncer la semaine dernière un retard gênant sur des fonctionnalités promises. Ce sont des problèmes, pas des fiascos, et les problèmes sont monnaie courante. Ils sont inévitables. Les dirigeants prouvent leur courage et bâtissent leur héritage non pas par leur façon de gérer les succès, mais par leur façon de gérer – d'identifier, de comprendre, de s'adapter et de résoudre – les problèmes. Le fiasco, c'est qu'Apple a présenté une histoire qui était fausse, une histoire que certains au sein de l'entreprise ont certainement acceptée comme telle, et sur cette base qu'ils ont établi leur stratégie.
Ce qui amène à la question de la responsabilité et des dégâts occasionnés. Sur le second point, Apple, qui aime à se présenter comme une entreprise réglée au millimètre, a terni sa crédibilité. Dorénavant et pour longtemps, toute annonce d'une fonction ambitieuse sera entourée de méfiance si aucune preuve rapide de son existence réelle n'est fournie.
Quant au premier point, il faut d'abord remarquer qu'Apple a martelé son message sur l'arrivée de ce nouveau Siri pendant plusieurs mois alors que de toute évidence, l'ingénierie accusait un sérieux décalage avec le marketing. Il en est allé de même avec une fonction destinée aux développeurs, là encore imprégnée d'IA et pour laquelle aussi on pourrait émettre un avis de recherche (lire Apple semble avoir oublié Swift Assist, son outil dopé à l’IA pour créer des apps).

Au sommet de la pyramide décisionnelle, il y a inévitablement Tim Cook que l'on suppose avoir validé chacune de ces étapes de communication. Est-ce que le patron d'Apple a donné trop de crédit à des informations trop optimistes ? Cela rappelle un autre fiasco, celui de MobileMe (lire aussi MobileMe : les dessous d'un lancement raté). Steve Jobs, surpris par la catastrophe, avait poussé un coup de gueule et congédié les responsables. S'agissant de Siri, on ne sait encore s'il y a eu une reprise en main vigoureuse au sein des équipes en charge de ce Siri — placées sous la tutelle de John Giannandrea et non de Craig Federighi — et si les responsabilités ont été établies.