Dans la course à l’intelligence artificielle, alors que tous les acteurs achètent des camions entiers de cartes graphiques Nvidia pour entraîner leurs modèles, Apple se tient le plus à l’écart possible de la firme au caméléon. Cette défiance ne date pas d’aujourd’hui, comme le relate The Information dans une grande enquête.
L’un des premiers contentieux entre Apple et Nvidia intervient autour de 2001. Si cette année-là Steve Jobs se réjouit publiquement d’accueillir les GPU de la firme de Santa Clara dans des Mac, en coulisses, les relations sont tendues. Au cours d’une réunion, le CEO d’Apple accuse son partenaire d’employer une technologie de Pixar (dont Jobs est alors propriétaire) de manière indue dans ses GPU. Un cadre de Nvidia rétorque que Pixar détient moins de brevets et que c’est cette boîte qui devrait être poursuivie en justice. Si le différend ne va pas plus loin, pendant le reste de la réunion, Steve Jobs ignore ostensiblement cet employé de Nvidia.
Dans les années qui suivent, les employés de Nvidia considèrent Apple comme un client trop exigeant au regard de son poids sur le marché. Le CEO Jensen Huang lui-même ne veut pas accorder beaucoup de ressources aux Mac compte tenu des faibles revenus que son entreprise en tire. Alors côté Apple, il faut faire des pieds et des mains pour obtenir des ingénieurs de Nvidia qu’ils contribuent au contrôle qualité.
Le point de rupture se produit en 2007-2008, quand les GeForce 8600M GT des MacBook Pro se révèlent gravement défaillantes. Nvidia refuse au départ d’endosser la responsabilité du défaut, tandis qu’Apple est obligé d’étendre la garantie des machines concernées. Cet épisode, qui rend Steve Jobs furieux, pousse en partie Apple à changer de fournisseur. AMD, qui a alors besoin de nouveaux clients, se montre plus flexible que son concurrent tant au niveau des tarifs que de la personnalisation des puces.
Pour ne rien arranger, au début des années 2010, Nvidia tente de faire payer à Apple et à d’autres marques des royalties pour l’utilisation de GPU dans les terminaux mobiles. Jensen Huang estime que les circuits graphiques employés dans les smartphones violent ses brevets. Nvidia perd finalement son procès contre Samsung et ne risque pas une nouvelle déconvenue face à la Pomme.
Plus récemment, c’est donc dans le domaine de l’intelligence artificielle qu’Apple se tient à distance de Nvidia. The Information raconte que quand John Giannandrea prend les rênes de l’IA à Cupertino en 2018 après un passage chez Google, l’une des premières choses demandées par ses équipes est un gros lot de GPU Nvidia. À la place, John Giannandrea leur offre des puces conçues par… Google.
Les liens entre le caméléon et la pomme ne sont pas complètement rompus, en témoigne cette collaboration très récente sur l’amélioration des performances des GPU, mais l’utilisation de puces Amazon et le projet de puces maison pour les serveurs montrent bien qu’Apple veut vraiment continuer de tracer sa route dans l’IA sans dépendre de Nvidia.