Apple et TSMC, chacun à la pointe dans son domaine, forment depuis plusieurs années un couple inséparable. Le premier conçoit les processeurs que le second fabrique par dizaines de millions pour ses iPhone, ses iPad et depuis trois ans pour ses Mac. Dans un portrait de Morris Chang, 92 ans, fondateur du géant taïwanais des semi-conducteurs, le New York Times réserve un passage à la naissance de ce partenariat.
En 2017, à l'occasion des 30 ans de TSMC, Jeff Williams, bras droit de Tim Cook, racontait que ce rapprochement avait commencé à se nouer à l'occasion d'un dîner chez le couple Chang :
Nous savions qu'il y aurait de formidables possibilités si nous pouvions utiliser des techniques de pointe et les marier à nos ambitions. Et ce qui peut sembler évident aujourd'hui ne l'était pas alors, les risques étaient assez importants.
Le New York Times entre dans les détails et explique qu'en 2010, Jeff Williams prit contact avec Sophie Chang, l'épouse du fondateur de TSMC, laquelle était une amie de Terry Gou, le fondateur de Foxconn. Le quatuor se retrouvera autour d'une table un dimanche et les négociations débutèrent le lendemain entre Apple et TSMC.
La Pomme cherchait un nouveau fabricant pour les puces destinées à ses iPhone. Samsung, qui s'occupait d'elles jusque-là, était entre temps devenu un formidable concurrent pour Apple dans les smartphones.
Très tôt, Morris Chang, qui avait roulé sa bosse dans l'industrie du semi-conducteur aux États-Unis, avait compris qu'il était plus judicieux de laisser à d'autres le soin de concevoir les processeurs pour ne s'occuper que de leur fabrication.
Les investissements n'en sont pas moins importants, ils sont même faramineux. Mais TSMC pouvait devenir partenaire de n'importe quel concepteur de semi-conducteurs, indépendamment des luttes entre les protagonistes, et de qui l'emporterait sur l'autre. Peu importe le champion du moment, TSMC serait là pour la fabrication.
Cette neutralité convenait à Apple et faisait de TSMC un sérieux candidat pour emporter le contrat. Les discussions prirent néanmoins des mois : « Le contrat en lui-même était très complexe. C'était la première fois que nous avions affaire à ce genre de chose » se souvient Morris Chang.
Un jour, Apple annonça une pause de deux mois dans les négocations. Morris Chang eut vent d'une possible interférence d'Intel. Il s'envola alors pour Cupertino afin de rencontrer Tim Cook, qui le rassura. Intel ne serait pas un problème.
Le fondeur, qui était enfin parvenu à s'installer dans les Mac, trouvait le prix proposé par Apple pour les puces d'iPhone trop insuffisant. Un mauvais calcul qui conduisit à une piètre décision concéda plus tard Paul Ottelini, le PDG d'Intel :
Ce dont il faut se souvenir c'est qu'on était avant le lancement de l'iPhone et personne ne savait ce qui allait se passer avec l'iPhone… Il y avait une puce qui les intéressait [Apple, ndlr] et qu'ils étaient disposés à payer un certain prix, mais pas un centime de plus et ce prix était en dessous de nos projections de coûts. Je ne voyais pas comment on pouvait le faire. Ce n'était pas quelque chose avec laquelle on aurait pu se rattraper sur les volumes. Avec le recul, l'évaluation des coûts était fausse et le volume fut 100 fois supérieur à ce que tout le monde avait imaginé.
Apple ne faisait aucun cadeau sur les termes de ce contrat, avec des prix inférieurs à ceux payés par d'autres, mais Morris Chang dit avoir compris que l'ampleur de ce partenariat lui permettrait de prendre un avantage technique sur ses concurrents et qu'il fallait l'envisager sur le long terme. Plus TSMC produirait de puces, plus il améliorerait et perfectionnerait ses méthodes et capacités de production.
Le contrat avec Apple signé, Morris Chang emprunta 7 milliards de dollars pour construire les lignes de fabrication. Aujourd'hui, Apple pèse pour 20 % environ du chiffre d'affaires de TSMC et celui-ci lui réserve ses avancées technologiques.
TSMC : dans les coulisses du géant des semi-conducteurs