Mise au pied du mur par l'Europe pour ouvrir à la concurrence plusieurs de ses services majeurs, Apple buterait encore sur l'obstacle de l'interopérabilité d'iMessages avec les plateformes équivalentes.
Ce début de semaine, Bloomberg faisait un état des lieux des gros chantiers en cours chez Apple pour se conformer aux règles du Digital Markets Act (DMA). Un texte voté par la Commission européenne en début d'année et prévu pour entrer en vigueur dans deux ans.
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Parmi les obligations faites aux grandes plateformes de l'internet, il y a celle d'une interopérabilité entre leurs services de messagerie (WhatsApp, Messages, Facebook Messenger, Snapchat, etc) avec de plus petits acteurs. Une gageure. Facebook qui en détient trois à lui seul, en incluant celle d'Instagram, les conserve encore au sein de trois silos.
Pour l'Europe, ces séparations n'ont plus lieu d'être et l'utilisateur d'un service chez Facebook doit pouvoir converser, échanger des fichiers ou discuter en audio/visio avec un contact sur l'un des autres services de ce même Facebook ou avec l'un de ses concurrents, petit ou grand, comme Apple.
C'est une demande claire des institutions européennes, formulée en mars dernier :
Lors de ce trilogue (discussions tripartites entre le Parlement, le Conseil et la Commission), les législateurs de l’UE ont convenu que les plus grands services de messagerie (tels que Whatsapp, Facebook Messenger ou iMessage) devront s’ouvrir et être interopérables avec les plus petites plateformes de messagerie, si elles en font la demande.
De la théorie à la pratique il y a loin et le sujet pose des problèmes chez Apple, d'après Bloomberg, et l'on peut supposer qu'il en va de même chez ses voisins :
La société n'a cependant pas pris de décision sur la manière dont elle peut ouvrir iMessage et son application Messages à des services tiers — une autre exigence de la loi sur les marchés numériques. Les ingénieurs pensent qu'un tel changement pourrait nuire au chiffrement de bout en bout et aux autres fonctionnalités de confidentialité offertes par iMessage.
À ce stade, Apple n'envisagerait pas non plus de recourir au protocole RCS, promu par Google et que ce dernier veut absolument voir inclus dans iMessages (lire aussi Google : sans RCS, Apple est bloquée dans les années 90).
Faire communiquer des services concurrents, développés à l'origine sans la préoccupation de les faire se comprendre, et en respectant la sécurité des échanges est un énorme challenge, expliquaient des spécialistes après la décision européenne.
DMA : la question sensible de l'interopérabilité des messageries
Chacun a fait les choses à sa manière et il est impossible pour ces sociétés de faire machine arrière par exemple sur le chiffrement complet des échanges. Elles en ont fait leur maître-mot depuis des années et, encore tout récemment, Apple a élargi le chiffrement de bout en bout sur iCloud (pour 2023 en France).
Cette obligation va obliger les uns et les autres à se mettre autour d'une table alors que chacun a pris soin jusque-là de faire de sa messagerie un espace fermé et des concessions seront probablement nécessaires. Mais on a vu sur d'autres sujets — la domotique est le dernier en date — qu'une collaboration — décidée ou imposée — entre concurrents n'était pas inenvisageable.
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Si l'objectif d'interopérabilité des messageries a été validé par l'Europe, les obligations auxquelles devront se soumettre les principaux intéressés n'ont pas encore été arrêtées, elles ne le seront que dans le courant de l'année prochaine. Le chantier ne fait que commencer.