En août 2020, Phil Schiller abandonnait son poste de patron du marketing mondial à Greg Joswiak, tout en gagnant le titre honorifique de « Apple Fellow ». On pensait que le compagnon de route du constructeur — il y est entré en 1987 — allait lever le pied et s'occuper de projets plus personnels. Mais en fait, pas du tout !
En 2016, il prenait la place d'Eddy Cue à la tête de l'App Store, et il n'a pas lâché les rênes de la boutique depuis, malgré l'annonce d'il y a deux ans qui a fait penser un temps à une semi-retraite. En fait, il n'en est rien comme l'avance The Information sur la base de plusieurs entretiens avec des collègues d'Apple.
Phil Schiller continue de passer de longues heures au travail, où contrairement à Eddy Cue qui déléguait volontiers, il s'implique très directement par exemple dans le choix des visuels publiés par l'équipe éditoriale de l'App Store. On apprend aussi que Schiller est très prudent dans la promotion de jeux violents.
Une de ses premières décisions a d'ailleurs été d'arrêter purement et simplement de mettre en avant ce genre de jeux. Cela s'est fait au détriment d'un titre comme Bully: Anniversary Edition, qui sous Eddy Cue a bénéficié d'un gros coup de projecteur, avant que les lumières s'éteignent soudain avec Schiller. Le studio Rockstar a eu du mal à avaler la pilule, il avait en effet travaillé dur pour respecter le calendrier d'Apple.
Les FPS (jeux de tir à la première personne) ont finalement fait leur retour dans les mises en avant de la boutique, mais ils sont soumis à l'actualité du moment : pas question de promouvoir un FPS après une tuerie aux États-Unis.
Le tenancier de l'App Store refuse aussi de faire la promo des jeux de casino en raison du risque d'addiction qu'ils peuvent susciter. Au passage, on se demande bien pourquoi il accepte sans sourciller de parler de jeux contenant des loot box, considérées comme des jeux d'argent dans plusieurs pays. Au grand dam de l'équipe en charge du business, car ce genre de jeux génère des millions de dollars de revenus.
Le lancement de la refonte de l'App Store en 2017, qui a transformé la boutique en une sorte de magazine avec la page d'accueil Aujourd'hui et les efforts d'éditorialisation, a été l'occasion d'une passe d'armes entre Eddy Cue et Phil Schiller. Le premier trouvait que c'était une perte d'argent — il a en effet fallu créer de nouveaux postes pour enrichir ces pages. Il y avait aussi des personnes qui, chez Apple, auraient préféré que ce soit le moteur de recherche qui s'affiche à l'ouverture de l'App Store…
De son côté, Schiller estimait que le magasin avait perdu sa spontanéité des débuts et le plaisir de la découverte de nouvelles apps. Le big boss a également refusé que l'éditorial mette en lumière les applications de certains développeurs désignés par l'équipe en charge du business. La sélection est laissée aux bons soins des rédacteurs.
Phil Schiller a également soutenu le développement de la fonction d'App Tracking Transparency (ATT) qui s'est finalement concrétisée avec iOS 14.5… même si cette demande de suivi peut représenter de lourdes pertes pour l'App Store. L'« Apple Fellow » n'en a cure : cette fonction qui renforce la confidentialité a été la chose à faire pour les utilisateurs et les annonceurs s'adapteront à ce changement, selon les propos recueillis par The Information. Une position bienveillante, mais d'un autre côté cela n'empêche pas l'App Store d'afficher toujours plus de réclames.
En tant que patron de l'App Store, Phil Schiller est au cœur des tempêtes qui soufflent à Bruxelles et à Washington, où les régulateurs enquêtent sur les pratiques d'Apple envers les développeurs et la concurrence.