L'accord autour du Digital Markets Act (DMA) européen n'était visiblement qu'une formalité : aussi bien le Parlement européen que le Conseil européen, qui regroupe les chefs d'État et de gouvernement des 27 États membres, veulent que le texte soit validé rapidement. Un accord est donc intervenu ce jeudi soir, et il est d'importance puisqu'il établit de nouvelles règles du jeu pour les grandes plateformes.
Aux termes du trilogue entre les négociateurs des deux institutions et de la Commission européenne, les législateurs ont établi quelles allaient être les entreprises « contrôleur d'accès » (« gatekeeper ») visées par le texte, et les mesures de régulation qui vont leur tomber sur le nez. Sont donc concernés les groupes fournissant un service de plateforme dit « essentiel » (moteurs de recherche, réseaux sociaux… « les plus sujets aux pratiques commerciales déloyales ») qui ont une capitalisation boursière d'au moins 75 milliards d'euros, ou un chiffre d'affaires annuel de 7,5 milliards d'euros.
Pour être désigné comme « contrôleur d'accès », ces entreprises doivent également fournir des services comme des navigateurs web, des messageries ou des réseaux sociaux comptant au moins 45 millions d'utilisateurs chaque mois dans l'UE. Parmi les points qui ont été validés ce soir, le DMA exige que les grands services de messagerie (WhatsApp, Facebook Messenger ou encore iMessage) doivent s'ouvrir et deviennent interopérables avec les plus petits services.
Les utilisateurs de toutes les plateformes, petites et grandes, devront être en mesure d'échanger des messages, d'envoyer des fichiers et de passer des appels vidéo entre eux, peu importe leur application de prédilection. Les utilisateurs vont y gagner, mais bonjour l'implémentation technique ! Les réseaux sociaux également devront améliorer leur interopérabilité, même si là encore le diable se cachera probablement dans les détails.
Les utilisateurs devront également être en mesure de choisir librement leur navigateur, leur assistant virtuel et leur moteur de recherche par défaut. On n'a pas fini de décortiquer ce texte touffu, mais une disposition du DMA est de permettre à l'utilisateur d'un smartphone d'installer des applications directement (en sideloading) ou via des boutiques alternatives. Le lobbying d'Apple n'a pas pesé bien lourd même si là encore, il faudra attendre de connaitre tous les détails techniques, notamment sur tout ce qui est sécurité.
Europe : la menace du sideloading s'approche dangereusement d'Apple
Toujours au rayon de l'App Store, les fabricants de smartphones ne pourront plus obliger les développeurs d'apps à utiliser leur système de paiement. Autre dispositif visant directement le constructeur de Cupertino : l'ouverture de la NFC de l'iPhone. Le DMA veut en effet simplifier les fonctionnalités sans contact pour, par exemple, permettre de badger un pass Navigo avec un smartphone.
Si un « gatekeeper » ne se plie pas aux règles du DMA, la Commission européenne peut infliger une sanction financière à hauteur de 10 % du chiffre d'affaires mondial de la plateforme, et même 20 % en cas de récidive. En cas d'infractions systématiques, Bruxelles a la possibilité d'interdire à la plateforme d'acheter d'autres sociétés pendant un certain temps.
L'une des raisons d'être du DMA est d'éviter le genre de pratique d'Apple aux Pays-Bas. Le constructeur préfère en effet collectionner les amendes et jouer la montre plutôt que de respecter les règles du régulateur néerlandais sur les systèmes de paiement alternatifs.
La course d'obstacles du DMA n'est pas encore tout à fait terminée. Le texte doit désormais être finalisé au niveau technique et être approuvé formellement à la fois par le Parlement européen et le Conseil européen. Une fois le processus terminé, les règles qu'il institue devront être observées six mois après leur publication au Journal officiel de l'UE. A priori, ce sera plutôt en 2023.