Les produits d'Apple sont suffisamment chers pour n'utiliser qu'un seul Mac ou un seul iPhone au quotidien, que ce soit pour sa vie personnelle et pour le bureau. Ce qui n'est pas sans poser de sérieux problèmes de confidentialité, les données des deux sphères se mélangeant allègrement au sein d'un seul et même compte iCloud. Quand vient le moment de quitter son entreprise, la question de la gestion de ses données se pose forcément.
Apple se présente volontiers comme le champion de la vie privée, mais cette réflexion autour de la séparation des données entre la vie professionnelle et la vie personnelle semble n'avoir jamais atteint le constructeur, en dehors des flottes d'appareils gérés par les grandes entreprises, mais dans ce cas l'employé se voit attribuer un terminal spécifique pour le boulot. Dans beaucoup de structures petites et grandes, la culture est plutôt au BYOD ( « bring your own device »).
Rien n'empêche évidemment d'utiliser des logiciels et services tiers sur l'iPhone du bureau : Microsoft ou encore Google proposent des plateformes complètes de productivité qui ont fait leurs preuves, chacune disposant de son propre cloud. Mais l'intégration des services d'Apple est tellement poussée dans ses systèmes d'exploitation qu'il est presque inévitable d'utiliser Safari, Messages ou l'app Téléphone, occasionnant l'enregistrement de données professionnelles dans son compte iCloud perso (et vice-versa) : les documents liés à tels projets professionnels se retrouvent aux côtés des photos du petit dernier !
Le mauvais exemple Apple
Le mélange des genres parait donc inévitable et malheureusement la Pomme donne le plus mauvais exemple. The Verge rapporte le cas d'un ingénieur Apple à qui on a demandé de lier son compte iCloud personnel à celui du bureau. Trois ans plus tard, alors qu'il pose sa démission, il se fait confirmer que le MacBook prêté par Apple ne doit pas être réinitialisé.
La machine contenait beaucoup de documents personnels n'ayant rien à voir avec son travail chez Apple (déclarations d'impôts, contrat de prêts immobiliers…) et il lui paraissait impossible de supprimer uniquement ces fichiers sans en passer par une réinitialisation complète du Mac. Malheureusement pour lui, ce n'était pas négociable. On ne sait pas comment l'histoire de cet ingénieur s'est terminée, mais il a indiqué que cette disposition était inscrite dans une liste que son manager lui avait donnée lors de son embauche.
Cette politique comprend d'autres exigences étonnantes : certains salariés ne peuvent pas utiliser leur adresse e-mail professionnelle pour créer un compte iCloud, beaucoup utilisent donc des adresses personnelles, ce qui crée des casse-tête quand l'employé quitte l'entreprise. Bien sûr, le constructeur peut fournir un iPhone pour le travail (Apple propose aussi de payer les factures téléphoniques), l'employé pouvant en posséder un second perso. Dans les faits, c'est vite invivable pour des raisons pratiques.
Le constructeur explique à ses salariés qu'ils ne doivent s'attendre à rien en matière de confidentialité lors de l'utilisation d'un appareil personnel (ou celui de quelqu'un d'autre) avec des systèmes, logiciels ou réseaux d'Apple, au sein des locaux d'Apple. On est loin du beau discours de Tim Cook sur le respect de la vie privée !
Au-delà de ces contingences qui peuvent éventuellement se comprendre dans le cadre du contrat de travail d'Apple — même si cela passe de plus en plus mal à notre époque —, cette question de la séparation entre les sphères professionnelle et personnelle au sein de l'entreprise, quelle qu'elle soit, se pose depuis belle lurette. Nous mêmes à la rédaction, nous utilisons des iPhone et des Mac prêtés par MacGeneration, et nous les utilisons aussi bien pour rédiger des actus que pour regarder Netflix le soir ou prendre des photos de chats [ndlr : si d'ailleurs il pouvait y en avoir un peu moins dans Mattermost].
Une des solutions possibles serait de pouvoir se connecter alternativement à deux comptes iCloud sur un même iPhone ou iPad : un compte perso, un compte bureau ou, pour aller plus loin encore, permettre à plusieurs utilisateurs d'utiliser le même terminal avec leurs propres jeux de données personnelles. Certes, c'est déjà possible, mais quelle galère pour passer d'un compte à un autre : l'opération n'a rien de transparent et cela demande un certain temps. Sans oublier le chargement de la bibliothèque photos qui fait fondre la batterie ! Certes, il est toujours possible de la désactiver, mais c'est dommage de s'en priver.
En fait, sur un iPhone ou un iPad, passer d'un compte iCloud à un autre devrait être aussi facile que de basculer d'un utilisateur à un autre dans macOS (ou dans tvOS même si c'est davantage cosmétique). Dans ce monde idéal, à chaque session correspondrait des documents spécifiques sans qu'ils se mélangent avec les autres sessions, que ce soit en local ou dans le nuage. Là aussi, comme sur macOS.
Si Apple cherche une idée pour implémenter un système de gestion multi-utilisateurs, le constructeur peut jeter un œil du côté de Google qui permet en une tape de passer d'un compte à un autre très facilement. Et cela fonctionne très bien sur un iPad pour peu qu'on ne sorte pas des services et des apps Google.
Il existe déjà une solution multi-utilisateurs officielle sur iPad qui pourrait coller avec une gestion pro/perso, mais elle est réservée au secteur éducatif et à celui des entreprises. À quand pour le grand public ? En décembre dernier, un brevet redonnait un peu d'espoir 🤞. Alors Apple, il est temps d'aider l'utilisateur à retrouver un meilleur équilibre entre nos deux vies !
Brevet : Apple planche sur le multi-utilisateurs iPhone et iPad