Tim Sweeney, le fondateur et patron d'Epic, a ouvert le bal des témoins juste après la présentation des arguments d'Epic Games et d'Apple hier. Sa déposition est désormais terminée et elle a révélé quelques unes des contradictions de l'éditeur de Fortnite.
L'avocat d'Apple a fait passer le message selon lequel le constructeur avait tout fait pour faciliter la vie d'Epic. Notamment en permettant aux joueurs de dépenser des V-Bucks achetés sur d'autres plateformes dans la version iOS de Fortnite. Ces achats ne rapportent rien à Apple. La Pomme a autorisé le jeu cross-play (inter-plateformes) et les transactions cross-wallet, ce qui n'est pas le cas de toutes.
Sweeney a confirmé que des négociations se sont tenues en 2018 entre Epic et Sony afin de permettre le jeu cross-play, avec un argument choc : interdire à un gamin de jouer avec ses amis présents sur d'autres plateformes placerait le constructeur de la PlayStation dans une « position intenable ». Sony serait accusé de « détruire des amitiés » et cela pourrait même ne pas être légal. Sous la pression, Sony a fini par autoriser le jeu inter-plateformes mais pas l'utilisation de V-Bucks achetés ailleurs que dans le jeu PlayStation. Une facilité pourtant offerte par Apple.
La défense d'Apple a passé un bon moment à parler des relations entre Sony et Epic. Si iOS ne représente que 5,5% des revenus générés par Fortnite en 2020, la PlayStation étant la plateforme dominante pour le jeu, aussi bien en terme de nombre de joueurs que de chiffre d'affaires. Si l'éditeur était si inquiet de la commission de 30%, pourquoi ne pas s'attaquer directement à la plateforme qui pèse le plus lourd dans les comptes ? Car Sony prélève la même commission qu'Apple.
Tim Sweeney a expliqué que les constructeurs de consoles sont plus ouverts à la négociation, ce qui rend le ratio 70/30 plus supportable. Microsoft par exemple n'hésite jamais à mettre le paquet sur le marketing, les partenariats et les petits avantages. Le patron d'Epic indique même n'avoir jamais négocié une baisse de la commission avec les consoleux.
Le principal argument qui, selon lui, différencie les consoles de jeux de l'iPhone, c'est que les premières sont largement des appareils qui ne servent qu'à jouer, tandis que le second est multi-usage. L'iPhone est même parfois le seul ordinateur que possède une personne. De plus, les constructeurs produisent leurs consoles à perte et se refont ensuite sur les ventes de jeux et donc, sur leurs commissions.
Tim Sweeney s'est peut-être tiré une balle dans le pied lorsqu'un des avocats d'Epic lui a demandé s'il aurait accepté un accord avec Apple pour baisser la commission de l'App Store. Un accord dont les termes n'auraient profité qu'à l'éditeur et à aucun autre développeur, un peu du même genre que celui signé avec Amazon : « Oui, je l'aurais fait », a-t-il répondu. On ne pourra pas lui reprocher sa franchise, mais en même temps qui aurait refusé ?
Dans des documents publiés à l'occasion du procès, on apprend par ailleurs que le patron d'Epic a conseillé directement à Tim Cook de transformer iOS en plateforme ouverte. Dans le courriel, Sweeney admet que l'App Store a fait « beaucoup de bien à l'industrie » mais qu'Apple ne pouvait plus être « le seul arbitre de l'expression et du commerce sur une plateforme [de distribution] d'apps qui approche le milliard d'utilisateurs ».
Sweeney suggère de séparer l'éditorialisation de l'App Store de la distribution des apps, qui seraient eux mêmes séparés du processus d'examen des applications. Dans ce schéma, Apple ne gérerait plus que les fonctions de sécurité sur sa plateforme, en décentralisant la distribution des applications. Bien sûr, Apple n'en a rien fait.
Dans sa réponse à Phil Schiller qui avait fait suivre le message de Sweeney, Tim Cook a simplement écrit : « Est-ce que c'est le gars qui était à une de nos répétitions ? » (sans doute une manière subtile de ne pas écrire : « C'est qui ce mec ? »). Trois semaines avant cet e-mail, une équipe d'Epic présentait la version Mac de Fortnite sur la scène de la WWDC…