Tim Cook a accordé un long entretien au magazine Le Point, dans lequel il revient sur les dossiers du moment. Technologies, concurrence, immigration, confidentialité, tout y passe.
Tout d'abord et parce qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien, Tim Cook apprécie la France : Apple est « naturellement » proche du pays, de sa culture, de sa créativité. Il loue Station F, « un des plus grands centres d'accompagnement de start-ups du monde », ainsi que « l'esprit entrepreneurial nouveau en France » depuis l'élection d'Emmanuel Macron (les deux hommes se sont déjà rencontrés).
L'interview au complet est à lire ici (Le Point propose un résumé à cette adresse). Voici quelques extraits choisis.
À propos de la réalité augmentée — Tim Cook donne un exemple intéressant de l'utilisation concrète de la réalité augmentée… qui pourrait bien donner une idée de ce sur quoi travaille Apple actuellement.
« La réalité, c'est quoi ? Vous et moi sommes ici et nous avons une conversation intéressante. Mais, grâce à la réalité augmentée, notre conversation pourrait être encore plus riche. On pourrait évoquer un objet, un chantier architectural, un scanner de vos poumons si l'on parlait de médecine, ou encore les esquisses d'un dessin de Picasso et le voir apparaitre dans notre champ de vision tout en restant assis et en continuant de converser ».
D'ici à imaginer — par exemple — une paire de lunettes capable d'afficher ces objets « dans notre champ de vision », il n'y a plus guère qu'un pas !
À propos de la concurrence — Tim Cook estime qu'Apple n'est en position de monopole nulle part, « dans aucun pays du monde », et surtout pas en France. Le constructeur détient 15% du marché français du smartphone, explique-t-il. Un chiffre « encore plus bas » pour ce qui concerne les ordinateurs.
« Apple ne dispose pas d'un pouvoir excessif sur les marchés », martèle-t-il. Un élément de langage qui sera certainement répété à l'envi auprès des régulateurs américain et européen qui enquêtent sur le sujet.
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Le patron d'Apple pense en revanche qu'il est « normal et juste » que les grandes entreprises soient « mises sous surveillance » par les États.
Les propositions de démantèlement des GAFA qui fleurissent en cette période pré-électorale aux États-Unis ne sont pas une solution pour Tim Cook. « Ou alors il faudrait une raison vraiment sérieuse pour le faire ».
À propos de la vie privée — Cheval de bataille de Tim Cook depuis plusieurs années, le respect de la confidentialité demeure toujours aussi important pour lui. « Nous sommes contre l'idée d'établir un profil détaillé de chaque personne, de le traiter comme un produit puis de le monnayer. Les gens ne veulent pas être traités de cette manière ».
Il vilipende les sociétés qui cachent « l'essentiel » de l'exploitation des données des utilisateurs « au milieu de dix pages de documents juridiques ». Des propos qui prennent une teinte particulière après la controverse sur le programme d'écoute des extraits audio de Siri : certes, on pouvait savoir que des humains écoutaient aux portes… en fouillant dans le livre blanc sur la sécurité d'iOS, un pensum plein d'explications techniques.
La technologie n'est pas une « fin en soi », relève-t-il également, elle doit « rendre service à l'humanité » et ne pas avoir comme seul but de « faire des profits ».
À propos des bonnes œuvres d'Apple — En octobre 2017, Tim Cook était de passage en France, où il a pu affirmer de nouveau qu'apprendre le code était très important, à tel point qu'il serait plus judicieux pour un écolier français de 10 ans d'apprendre à programmer avant d'apprendre l'anglais.
Dans l'interview au Point, le patron d'Apple revient sur le sujet : « Apprendre les bases du code informatique me parait très important ». Mais cela ne remplace pas la « nécessité d'apprendre des langues étrangères », souligne-t-il. À ce propos, il trouve le français « très élégant » et espère s'y mettre un jour !
Sur un versant plus social, Tim Cook estime qu'Apple est une « entreprise responsable et active dans la culture du don ». La Pomme abonde les dons de ses employés du même montant, rappelle-t-il en évoquant aussi les initiatives en faveur de l'environnement et de l'éducation.
Les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis sont particulièrement dégradées. Tim Cook reprend à son compte la maxime de Tom Watson qui a permis à IBM de devenir le géant qu'il est aujourd'hui : « Le commerce international est bon pour la paix entre les nations ». Selon le CEO, « les affaires et le commerce jouent un rôle déterminant pour créer des liens entre les gens ».
Il admet néanmoins que les bénéfices de ce commerce ont été « souvent distribués de manière inégale ». Cook plaide pour « plus d'égalité dans le partage des fruits de la croissance » (des propos à rapprocher des pratiques d'optimisation fiscale très agressives de l'entreprise…). « La solution n'est sûrement pas de couper tous les liens commerciaux dans le monde ».
Dans le même ordre d'idée, il estime que l'immigration est une des choses « essentielles qui rendent un pays ou une entreprise unique ». Pour Apple, c'est tout simplement « vital ».
À propos des nouvelles technologies — L'interview du Point a cette qualité de faire parler Tim Cook sur des sujets sur lesquels on l'entend assez peu. Ainsi, il estime que la blockchain est un mot « utilisé un peu à tort et à travers », mais que le principe de décentralisation est intéressant : elle permet de « créer la confiance entre deux personnes », un principe « très puissant ».
Pas question en revanche de créer une cryptomonnaie comme Facebook, même si le sujet intéresse Apple. « Notre rôle est de faire en sorte que les monnaies soient faciles à utiliser et à transférer tout en limitant les coûts (…) de faire encore que la vie soit plus simple pour le consommateur ».
Tim Cook explique ne pas vouloir que le constructeur se mette à produire de l'information : « Utiliser Apple est pertinent pour agréger les informations et les rendre disponibles ». Malgré tout, Apple créé de l'information au travers de l'éditorial de l'App Store ou de la section Newsroom de son site web qui a tous les atours d'un magazine vantant le « style de vie » d'Apple.
Le CEO ne veut pas trop s'engager en revanche sur des technologies plus lointaines comme la communication de cerveau à cerveau (« Je ne suis pas sûr d'avoir envie de faire du brain to brain avec qui que ce soit ! »), les voyages sur Mars (« J'adore la Terre et les gens qui y vivent ») ou l'informatique quantique (« de belles perspectives mais contient aussi des dangers »).
L'interview, bien plus longue, couvre d'autres domaines. Elle est chaudement recommandée !