Pour l’équipe d’Apple, ce keynote devait avoir un caractère assez particulier. L’iPad et le Mac ont au moins un point commun : tous deux vivent dans l’ombre de l’iPhone. Les derniers résultats trimestriels ont eu le mérite de rappeler à quel point l’iPhone est la vache à lait d’Apple, pour le meilleur et pour le pire.
Un keynote de seconde zone, mais à haute valeur symbolique
Le keynote de cette semaine était plus symbolique qu’autre chose. En forçant le trait, la firme de Cupertino aurait pu se contenter d’un communiqué de presse ou d’inviter quelques journalistes et autres personnes influentes à une petite sauterie privée pour partager ses dernières nouveautés.
Mais l’ambition derrière ce keynote était sans doute de se rapprocher d’une partie de sa clientèle, les professionnels et les créatifs notamment, qui traînent un vague à l’âme depuis quelques années. C’est plus symbolique qu’autre chose, mais Apple a fait l’effort de se déplacer à New York pour organiser cet évènement plutôt que d’inviter tout le monde dans son nouveau campus. Preuve aussi que ce keynote était un évènement d’importance moindre pour le Californien, son animation a été confiée à des seconds couteaux.
Ce keynote s’inscrit dans une opération de reconquête entamée en avril 2017. C’est à ce moment-là que Phil Schiller a reconnu qu’Apple avait fait fausse route concernant le Mac Pro (lire : Phil Schiller : « Nous allons complètement repenser le Mac Pro ») . Non seulement, Apple avait fait son mea-culpa, mais avait promis par la même occasion un tout nouveau Mac Pro pour 2019 (a priori).
Depuis, Apple tente plus ou moins régulièrement de maintenir le contact avec sa « clientèle historique ». Elle a commencé son opération de reconquête avec l’iMac Pro, sorti il y a quasiment un an. En attendant la présentation de sa nouvelle station de travail, Apple a voulu poursuivre son offensive avec deux machines « historiques » de la gamme Mac : le Mac mini et le MacBook Air.
L’instant warholien du Mac mini
Les mauvaises langues insisteront sur le fait que peut-être, jamais depuis sa première présentation en 2005, le Mac mini n’avait eu droit à une telle mise en avant lors d’un keynote. En attendant, avec cette nouvelle génération, Apple a tout juste, ou presque : des processeurs puissants, l’arrivée du Thunderbolt 3, une connectique toujours riche, le processeur T2…
Apple a tout mis en oeuvre pour séduire la clientèle historique du Mac mini. Mieux encore, elle a cédé sur la mémoire en offrant à nouveau à l’utilisateur la possibilité de la changer lui-même. Tout y est et la hausse de prix est au final assez limitée, surtout vu la nouvelle orientation de cette machine qui se tourne un peu plus vers les pros. Le seul reproche qu’on pourra faire à Apple, c’est surtout de ne pas avoir présenté cette machine plus tôt.
MacBook Air : la plus grosse révision depuis 2010
La renaissance du MacBook Air est peut-être plus inattendue. Les premières rumeurs il y a plus d’un an, annonçant sa modernisation, avaient laissé perplexe. On espérait alors que les ingénieurs d’Apple tirent les leçons du MacBook.
À bien des égards, ils l’ont fait. L’ordinateur de voyage d’Apple dispose de deux ports qui ont la bonne idée d’être Thunderbolt 3, équipés de la fameuse puce T2 et il est extensible (à condition de payer le prix fort) en RAM ainsi qu'en capacité de stockage. La véritable interrogation relative à cette machine, reste le processeur. Quel est son niveau de puissance exact ? Vivement le test pour se faire une idée précise. Pour l’instant, cela semble honorable si l’on en croit les premiers benchs (lire : MacBook Air 2018 : des performances entre le MacBook 12" et le MacBook Pro 13 »).
Le vrai faux débat sur les prix
Beaucoup ont pointé la politique tarifaire d’Apple, parfois à tort, parfois à raison. Quoi qu’on en dise, le Mac mini et le MacBook Air ont tous deux été revus en profondeur. Lorsqu’Apple inclut de gros changements sur un produit, elle a toujours tendance — et c’est logique — à augmenter les prix avant de les baisser au fil des mises à jour.
1199 $ pour un MacBook Air (ou 1349 €) est un prix relativement raisonnable dans l’histoire du portable léger de Steve Jobs. On rappellera que lorsqu'il a présenté en 2010 le MacBook Air, débarrassé de tous ces défauts de jeunesse, celui-ci était proposé alors à 1 299 $ !
Le constat n’est pas si différent pour le Mac mini. À première vue, le modèle 2018 apparaît comme plus cher que ses prédécesseurs. Mais Apple a eu cette fois-ci le courage de se débarrasser des configurations indignes de son petit ordinateur.
Effectivement, Apple affichait auparavant un ordinateur à 499 $ dans son catalogue. Encore faut-il voir ce qu’il y avait dedans : 4 Go de RAM, un disque dur de 500 Go et un processeur anémique. Avec l’ancienne gamme, si l’on cherchait à acquérir un modèle à 8 Go de RAM avec un SSD, il fallait débourser 1 039 €. Rappelons que le modèle 2018 démarre à 899 €. Toutefois, celui-ci est doté d’un SSD de 128 Go, tandis que la précédente configuration avait deux fois plus d’espace de stockage. Mais cela donne à réfléchir et permet sans doute d’éviter des conclusions un peu trop hâtives.
De plus, si on adopte une approche comptable : le prix des Mac baisse même peut-être. Pourquoi ? La durée de vie des ordinateurs Apple augmente fortement. Pour preuve, de nombreuses personnes utilisent encore le fameux MacBook Air présenté par Steve Jobs en 2010. Entre temps, ça leur a coûté le prix d’un changement de batterie en Apple Store. Si on rapporte le prix du MacBook Air, d’un contrat AppleCare et du changement de batterie sur cette période, le coût du Mac n’a rien d’extraordinaire. Et cela n’a rien d’extravagant de penser que les machines présentées cette semaine seront toujours fonctionnelles en 2025.
Le vrai scandale sur les prix
Apple ne s’est jamais cachée qu’elle faisait son beurre (et bien plus) sur la vente d’accessoires. D’ailleurs, à ce sujet, on s’étonne que le Californien n’ait pas commercialisé d’étuis maison pour l’iPhone XR. À se demander si la Pomme n’a pas quelque chose à se reprocher face aux accessoiristes et a décidé, une fois n’est pas coutume, de leur faire une fleur.
Quoi qu’il en soit, le prix des accessoires Apple devient délirant. Bien évidemment, on peut très bien se passer de la housse en cuir du MacBook Air vendue 200 €. Il est plus difficile de faire sans le Pencil d’Apple. Le nouveau modèle coûte 35 € de plus que son prédécesseur. Le prix du Smart Keyboard est encore plus délirant. Alors certes, il permet de protéger l’arrière de la tablette, mais on frise les 200 € en 11” et 220 € en 12,9”.
Si à première vue, l’iPad Pro ne donne pas l’impression d’être excessivement cher, la photographie est très différente lorsqu'on prend en compte les accessoires adaptés. Et ce ne sont pas de « simples » accessoires, ils jouent un rôle important dans la dimension « Pro » de la tablette d’Apple.
La gamme Apple plus complexe à aborder que les forfaits SFR
Les détracteurs de Tim Cook comparent la gamme actuelle à celle des Performa, celle que l'on trouvait notamment en grande distribution, juste avant le retour de Steve Jobs. Difficile de les contredire tant la gamme actuelle est devenue incompréhensible.
Lors de cette fameuse réunion d’avril 2017 évoquée plus haut, Phil Schiller faisait part de sa volonté de simplifier la gamme. C’est tout le contraire qui s’est produit cette semaine. À quoi sert le MacBook ? Certes, il est plus léger, mais c’est bien là son seul avantage par rapport au MacBook Air. Il aurait été mis à jour avec un port Thunderbolt 3 et une puce T2, son maintien dans la gamme aurait pu s’entendre… Et que dire des MacBook Pro 13” sans Touch Bar qui n’ont pas été revus de l’année ?
Apple a raté l’occasion de simplifier sa gamme : le MacBook Air pour le grand public et le MacBook Pro 13” avec Touch Bar pour les utilisateurs professionnels.
Bordélique la gamme de Mac ? Celle de l’iPad l’est sans doute un peu moins, mais plus que jamais, la gamme de tablettes fait le grand écart sur le plan tarifaire : 358,40 € pour le premier modèle à 2 119 € pour l’iPad Pro 12,9” avec 1 To d’espace de stockage.
C’est d’ailleurs l’autre constatation des modèles présentés cette semaine. La fourchette des tarifs n'a jamais été aussi large. Le prix d’appel du Mac mini reste raisonnable à 899 €, mais si on a des envies de Core i7, de 64 Go de RAM et de 2 To de SSD, la facture dépasse celle d’un iMac Pro. On arrive à plus de 5 000 €, si on associe à cette configuration un contrat AppleCare. De son côté, le MacBook Air peut dépasser les 3 000 €.
L’ancien monde contre le nouveau
Les débats houleux en informatique ont toujours existé. Mac/PC, Nintendo/Sega, iOS/Android… Maintenant, il y a les modernes (les tablettes) et la vieille école (l’ordinateur). Il y a cette obsession de beaucoup de vouloir fusionner ces deux appareils ou de voir l’iPad supplanter une bonne fois pour toute le Mac.
Les personnes qui n’ont pas laissé leur raison au vestiaire, vous diront que ce sont deux outils complémentaires. Avoir un marteau c’est bien, avoir un tournevis, c’est bien également, alors pourquoi ne pas avoir les deux ?
Quoi qu’il en soit, il est fascinant de voir à quel point MacBook Air et iPad Pro sont à la fois proches et différents. Il ne fait pas de doute que la tablette d’Apple est autrement plus puissante que le MacBook Air, plus créative avec son stylet… En matière de stockage, avec une option à 1 To, elle n’a plus rien à envier à un vrai portable.
Mieux encore, elle embarque un port USB-C comme les vrais ordinateurs. On peut aussi le connecter à un écran externe comme un PC. Mais dans ces deux cas de figure, on est encore bien loin de la polyvalence d’un ordinateur classique.
Et c’est là où l’on voit que l’iPad reste toujours dans l’ombre de l’iPhone. Pour ce dernier, Apple est capable dans iOS de faire du sur-mesure dès le jour J. Pour l’iPad, il faudra faire un pari : celui de croire qu’iOS 13 sera capable de le transfigurer. Mais dans ce domaine, Apple nous a habitués à faire des petits pas, là où il faudrait en faire des grands.
Le Mac : toujours un train de retard
Il y a quand même deux ou trois choses qui fâchent lorsqu'on compare les nouveaux MacBook Air à l’iPad, notamment les performances processeurs. Le gouffre est de plus en plus grand.
L’iPad Pro et son processeur A12x sont plus rapides que « 92 % des portables en vente sur le marché » dixit le marketing d’Apple. Dans le lot, on peut sans doute inclure le MacBook et le MacBook Air…
Le potentiel du processeur A12x laisse plus que jamais à penser que la transition vers les Mac ARM est inévitable. D’ailleurs, au début, beaucoup pensaient que le meilleur candidat pour initier une telle transition serait le Mac mini ou le MacBook. Mais au train où vont les choses, certains se demandent si Apple ne pourrait pas commencer par ses stations de travail. Tout est possible après tout, mais il ne faut pas perdre de vue que ce sont les applications pro qui tirent peut-être le mieux profit de l’architecture Intel, rendant la transition plus difficile dans un premier temps.
Mais à plus court terme, le but d’Apple est sans doute de placer un co-processeur ARM dans chacun de ses ordinateurs. On ignorait si Apple allait réserver le T2 à ses machines haut de gamme. Elle vient de donner une réponse nette, claire et précise cette semaine. On ne serait guère étonné que la plupart des modèles de la gamme embarquent une puce Tx d’ici la fin de l’année prochaine.
Enfin, il est curieux de noter à quel point le Mac est déconnecté du reste. Alors qu’il a fallu un an à l’iPad pour adopter les avancées de l’iPhone X, le Mac continue petit à petit d’adopter Touch ID. L’ancien monde, on vous dit !