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Dix enseignements à retenir de la WWDC 2018

Christophe Laporte

lundi 11 juin 2018 à 20:30 • 59

AAPL

Pour chaque WWDC, c'est toujours la même chose : il y a la déflagration des nouveautés présentées durant le keynote, puis la lente montée en charge consécutive à leur intégration dans les systèmes d'exploitation et les applications tierces.

Pas de nouveautés matérielles en 2018, mais beaucoup de changements, grands et petits, pour les systèmes d'exploitation d'Apple. macOS, iOS, watchOS, tvOS, chacun bénéficie d'ajouts appréciables que nous sommes encore loin d'avoir exploré de fond en comble — et, plus que jamais, Apple s'appuie sur sa communauté de développeurs pour donner encore plus de chair à ses OS.

Lors du keynote, macOS s’est fait désirer. Il a fallu attendre la toute fin de la grande messe d’Apple pour avoir des nouvelles de son système d’exploitation légendaire. Alors, Tim Cook a-t-il souhaité garder le meilleur pour la fin ou est-ce que cela donne une idée du niveau de priorité de macOS au sein des équipes d’Apple ?

Ceux qui préfèrent voir le verre à moitié vide ne manqueront pas de souligner qu’après avoir (difficilement) gravi les montagnes de la Sierra Nevada voilà qu’il se lance dans une (longue) traversée du désert. Tout un programme !

macOS entame sa traversée du désert

On ne pourra pas reprocher à Craig Federighi d’avoir esquivé la question sur l’avenir de son système d’exploitation pour Mac. Sa réponse est sans équivoque : non. macOS ne sera pas annexé par iOS. Mais en même temps, il présente un framework qui sera disponible l’année prochaine et qui permettra de faire des applications de deuxième classe à partir d’apps existantes sur iOS. C’est la quatrième roue du carrosse en quelque sorte.

Sa présentation de macOS est d’ailleurs assez intéressante. C’est en quelque sorte un super iOS, plus polyvalent et plus flexible. Alors, macOS ne va pas être mangé par son petit frère, mais les frontières sous le capot ne cessent d’être plus floues. Nombre de décisions et d’annonces faites par Apple peuvent par exemple faciliter l’adaptation de macOS sur architecture ARM.

macOS Mojave : un digne successeur de Leopard

On pourra longtemps bavarder sur l’évolution de macOS, mais nombre de nouveautés présentées la semaine dernière sont intéressantes et pourront ravir aussi bien les débutants que les utilisateurs plus expérimentés (lire : Visite guidée : les principales nouveautés de macOS Mojave) . On a l’impression d’être revenu au temps des premières versions de Mac OS X où Apple multipliait les fonctionnalités facilitant la vie de l’utilisateur.

Est-ce un clin d’œil assumé, mais certaines nouveautés introduites sont des remises à plat de fonctionnalités qui avaient fait le bonheur des utilisateurs Mac sous Leopard, notamment :

  • Les piles que l’on connaissait dans le Dock, sont intégrées au niveau du Finder ;
  • Quick Look et ses fonctions d’édition qui vont faire gagner beaucoup de temps à bien des utilisateurs ;
  • Cover Flow qui fait son grand retour alors qu’on l’avait (presque) oublié.

macOS continue plus que jamais de s’inspirer des fonctionnalités issues d’iOS. On pense notamment au nouveau système de captures d’écran et aux applications portées grâce au rapprochement entre macOS et iOS (lire : « Marzipan » : Apple veut-elle fusionner iOS et macOS ?) . Seule surprise finalement : l’apparition d’un mode nuit, que l’on aurait imaginé atterrir en priorité sur iOS… à moins qu'Apple en ait gardé sous la pédale pour iOS 12.1 ! Reste à savoir si toutes ces nouveautés permettront à Apple de se réconcilier avec les utilisateurs échaudés par High Sierra.

Mac App Store : le grand renouveau

Décembre 2015 : Phil Schiller reprenait sous sa coupe la direction des App Store (lire : App Store : Apple fait sa petite révolution). En l’espace de deux ans et demi, la situation a radicalement changé pour les plateformes de distribution d’Apple. Cela fait une éternité qu’on n’a pas entendu parler de problèmes de délai de validation. Peu avant la WWDC, les développeurs d’Ulysses étaient surpris de voir leur application validée en moins de 8 heures.

Après avoir longtemps fait la course aux chiffres, l’App Store cherche davantage à faire dans la qualité. Le nouvel App Store, introduit avec iOS 11, en est l’illustration même. Il y a un travail éditorial remarquable pour inciter les possesseurs de terminaux iOS à découvrir de nouvelles apps. Résultat, la boutique enchaîne les records : l’App Store accueille chaque semaine plus de 500 millions de visiteurs (peu de services peuvent se targuer de telles statistiques) et a reversé depuis sa création voilà dix ans plus de 100 milliards de dollars aux développeurs.

Lors de cette WWDC, Apple a bouclé la boucle : le Mac App Store nouveau arrive et hérite des améliorations arrivées sous iOS 11 : un Mac App Store plus graphique, plus éditorial, mais aussi qui répond à bon nombre de doléances des éditeurs, notamment concernant les versions de démonstration.

Avec les App Store d’Apple, il y a toujours deux écoles : ceux qui râlent systématiquement (lire : Le système de démos désormais autorisé par l'App Store est-il si intéressant ?) et ceux qui parviennent toujours à trouver des solutions, et qui avec un peu d’ingéniosité, s’en sortent toujours. Apple s'est tout simplement contentée de valider en partie les recettes imaginées de longue date par The Omni Group (lire : OmniFocus 3 est disponible sur l’App Store).

Apple aura eu le mérite (le courage ?) de reprendre le dialogue avec les éditeurs, de leur montrer ce qu’il était possible ou non d'accomplir… et de faire éventuellement quelques concessions. Résultat, la liste des programmes qui s’apprêtent à débarquer ou à faire leur retour est assez impressionnante : Transmit, BBEdit, Lightroom CC ou encore Office 365… Microsoft et Apple ont peut-être topé-là un échange donnant-donnant : iTunes sur le Microsoft Store, Office sur l'App Store…

iOS est-il devenu ennuyeux ?

Chaque année, la même question revient : faut-il installer la nouvelle version d’iOS sur un « ancien » terminal ? Une fois n’est pas coutume, la réponse devrait être nette et rapide. En effet, pour la première fois de son histoire, une nouvelle version d’iOS est sensiblement plus rapide que son prédécesseur (lire : iOS 12 redonne bien un coup de fouet aux anciens iPhone et iPad).

Mine de rien, cela en dit beaucoup sur l’état de la plateforme. Difficile de soutenir qu’iOS n’est pas mature. Cela se voit aussi à travers les nouveautés présentées. On en est arrivé au point où Apple se retrouve à blinder les contrôles parentaux et à instaurer des garde-fous pour rendre ses utilisateurs moins accrocs (lire : iOS 12 : découverte de "Temps d'écran" la fonction pour se désintoxiquer de l'iPhone) !

En septembre, on va (re)découvrir avec les statistiques compilées par iOS 12 que le smartphone est la cigarette de notre époque. Au passage, le keynote avait un côté burlesque. Quelques minutes après avoir eu le droit au quart d’heure de morale sur le côté addictif du smartphone, on a eu le droit juste après à une formidable démonstration montrant l’étendue des possibilités de watchOS 5 dans le cadre d’un exercice physique. Aura-t-on le droit dans watchOS 6 à des notifications parce que l’on regarde trop souvent l’heure sur sa montre ?

Mais ne boudons pas notre plaisir sur certaines nouveautés et plus particulièrement sur Siri Shortcuts. L’acquisition de Workflow va permettre de donner un peu plus d’épaisseur à Siri. Non seulement l’assistant d’Apple va devenir proactif, mais la suggestion de raccourcis va permettre au grand public de goûter aux joies de l’automatisation. De ce point de vue, Siri Shortcuts va autrement plus loin qu’Automator ou AppleScripts. Avec le recul, on comprend mieux pourquoi Apple délaissait ces technologies…

Une dernière chose concernant iOS 12. Cette mise à jour vient confirmer le théorème récent autour de l’iPad. Apple apporte des nouveautés importantes à son logiciel système pour les tablettes uniquement pendant les années impaires. Rendez-vous l’année prochaine, avec un iOS 13 prometteur sur le plan des nouveautés pour les tablettes !

Siri : Apple enfin pragmatique ?

Avec Siri, Apple a toujours cherché à placer la barre très haut, un peu trop peut-être. L’intelligence artificielle de l’assistant d’Apple a ses limites contingentées par l'exigence de confidentialité des données de l'utilisateur. Demandez lui la même chose avec deux phrases similaires (voire identiques), et Siri selon son humeur est capable de vous donner des réponses bien différentes. Parfois contradictoires ou à côté de la plaque…

La philosophie d’Apple est simple et la plus pratique : c’est à lui de s’adapter, pas à vous, mais entre la théorie et la réalité… Celle d’Alexa qui arrive cette semaine en France est quasiment à l'opposé. Si vous répétez exactement la phrase à laquelle il sait répondre, l’assistante d’Amazon ne vous décevra (quasiment) jamais.

Avec les Siri Shorcuts, que vous définissez vous-même avec vos mots à vous, cette frustration devrait en grande partie s’estomper.

Facebook : le nouvel ennemi d’Apple

Les mauvaises langues diront qu’avec le RGPD, l’Union européenne a surtout contribué à défigurer un peu plus le web. Celui-ci pullulait déjà de messages intrusifs relatifs aux cookies. On est passé depuis quelques semaines à la vitesse supérieure. Mais à ce petit jeu, on peut se demander si Apple n’est pas autrement plus efficace pour protéger ses clients des entreprises qui s’intéressent d’un peu trop près à vos données.

Les annonces de la WWDC ont dû être diversement appréciées chez les Facebook, Twitter & Cie… On rappellera que déjà l’année dernière, les changements apportés par Safari avaient provoqué un manque à gagner important chez Criteo (lire : Le ciblage publicitaire de Criteo mis à mal par les fonctions anti-traçage d'Apple).

Ce keynote cachait une véritable déclaration de guerre à Facebook. La marque à la pomme cherche à vous désintoxiquer des réseaux sociaux : Craig Federighi a ainsi pris comme exemple Instagram, propriété de Facebook, pour illustrer les fonctionnalités du système App Limits.

Mais ce n’est sans doute pas le dispositif qui a dû énerver le plus les responsables de Facebook. Ils ont certainement beaucoup moins apprécié le fait que les boutons "Like" et "Share" ainsi que les modules de commentaires soient automatiquement bloqués par Safari. Ces dispositifs permettaient de remonter des informations très intéressantes à Facebook. À cela, il faut ajouter l’intégration de nouveaux mécanismes pour empêcher les géants de l’internet de tracer les utilisateurs.

Enfin, cerise sur le gâteau, Apple a décidé de retirer l’intégration dans macOS Mojave de Facebook et Twitter, suivant en cela iOS 11 l'an dernier. Il est loin le temps où Apple, certes à reculons, intégrait Facebook au cœur de son système.

Apple toujours moins Open

Les débuts de MacOS X ont longtemps été synonymes d’un support sans faille d’OpenGL, du moins lors des grands discours. Mais entre OpenGL et le système d’exploitation d’Apple, cela a souvent été compliqué : performances en berne, retard dans la prise en charge des spécifications…

Apple a parfois tenté de renverser la tendance, mais en bout de course, à l’heure où la firme de Cupertino cherche plus que jamais à maîtriser le logiciel et le matériel (Apple conçoit depuis peu ses propres GPU avec ses puces Ax), il était plus simple pour elle de concevoir sa propre techno.

Présenté pour la première fois en 2014, Metal n’a eu de cesse de monter en puissance. Son support est d’ailleurs la condition indispensable pour faire tourner macOS Mojave. Il n’y a au final rien d’aberrant à ce qu’Apple déprécie OpenGL et s’apprête à faire sans d'ici quelques années.

La décision est peut-être plus surprenante pour OpenCL, mais il ne faut pas perdre de vue que Metal est capable de remplacer ces deux technologies. À un moment donné, Apple avait beaucoup misé sur OpenCL. Les Mac Pro cylindriques avaient été spécialement conçus dans cette optique… avec le succès très modeste que l'on connait (lire : Les nouveaux Mac Pro pensés pour OpenCL).

OpenCL était très intéressant sur le papier, mais fermait des portes à Apple, notamment celles de Nvidia, qui ne voulait pas en entendre parler. Conséquence de ce choix, Apple n’avait d’autres choix pour ses ordinateurs que de se tourner vers AMD. L’année prochaine, quand elle sortira son nouveau Mac Pro, elle pourra à nouveau faire jouer la concurrence !

ARKit : le jeu de dupes continue

Tim Cook n’a de cesse de répéter que la réalité augmentée, c’est formidable. Pour pousser les développeurs et les utilisateurs à s’y mettre, Apple a redoublé d’efforts en présentant ARKit 2.0, un format de fichiers spécialement conçu pour la réalité augmentée et virtuelle, ainsi que Mesure, une application qui permettra de mesurer, hé oui, tout et n’importe quoi.

Le constat est toujours le même : les démonstrations sont souvent remarquables, mais souvent à l’exception de quelques cas précis, la réalité virtuelle reste encore quelque chose de très théorique.

Alors, oui, la réalité augmentée, c’est quelque chose de formidable, à condition d’avoir un appareil conçu pour celle-ci. Ni l’iPhone, ni l’iPad n’entrent réellement dans cette catégorie, certes on peut profiter des mondes virtuels avec ces terminaux, mais pour de courtes sessions de chasse aux Pokémons. On est encore loin de la révolution.

Si vous êtes à la recherche d'un nouveau projet professionnel, pensez au métier de kiné ! Apple va vous rendre indirectement très riche.

Reste à savoir quand Apple sortira ses lunettes. Peut-être quand les montres seront aussi matures que ses téléphones. En passant, la réalité augmentée sera sans doute très utile dans un système de conduite autonome…

watchOS : le système qui monte, qui monte…

Pendant le keynote, la démonstration la plus convaincante était peut-être celle de watchOS 5. Ce n’est pas forcément le système qui comportait les nouveautés les plus spectaculaires, mais on est très loin du discours très flou des débuts d’Apple sur le potentiel de sa montre.

Avec watchOS 5.0, Apple donne l’impression de savoir très exactement où elle veut aller. Santé et Activité sont les deux maîtres mots (complémentaires) de l’Apple Watch.

L’autre idée derrière l’Apple Watch, c’est de vous simplifier la vie et de vous faire gagner du temps : les suggestions de Siri et les notifications interactives devraient de ce point de vue être de précieuses alliées. Notez au passage que la différence avec les débuts de watchOS, c’est qu’on ne parle quasiment plus d’apps…

Une rentrée très chargée sur le plan matériel

Depuis le début de l’année, Apple a commercialisé seulement deux nouveaux produits : le HomePod et le nouvel iPad entrée de gamme. Ah, on a failli oublier les iPhone 8 RED.

La WWDC n’est pas forcément le théâtre d’annonces matérielles spectaculaires (exception faite du retentissant « Can't innovate anymore, my ass » de Phil Schiller lors de l'aperçu du Mac pro en 2013 !), mais dans les semaines qui précèdent, Apple en profite souvent pour présenter des mises à jour mineures de certains de ses produits.

On est au point mort pour le moment et cela devrait créer des embouteillages dans les mois à venir : les mois de septembre et d'octobre devraient prendre (et coûter…) cher. Comme toujours, Apple devrait présenter sa nouvelle gamme d’iPhone à la rentrée. Il devrait également être accompagné dans la foulée des nouveaux iPad Pro. Enfin, on attend toujours l’arrivée du successeur du MacBook Air. Tous ces produits ainsi qu’une nouvelle génération d’Apple Watch sont attendus entre septembre et décembre. Le programme sera très chargé !

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