Les anecdotes amusantes de John Carmack sur Steve Jobs ont rafraîchi la mémoire de Jim Black. À la fin des années 90, il œuvrait comme « évangélisateur technologique » chez Apple (il travaille désormais pour le compte de Magic Leap) ; par conséquent, il était amené à bosser de près avec les développeurs. John Carmack a été le premier développeur de jeux vidéo à qui il s'est frotté, et il a été le témoin privilégié de la première rencontre — et de la première prise de becs — entre le créateur de Doom et Steve Jobs.
L'histoire se déroule peu après le lancement du premier iMac, en 1998, et pas loin de celui de Quake III Arena pour lequel Carmack avait promis la parité des fonctions entre les versions Mac et PC. À l'époque, il planchait sur le portage du jeu sur Rhapsody, le système basé sur OpenStep de NeXT, dont le code allait être intégré dans Darwin le noyau open-source de Mac OS X. À cette occasion, il est invité à Cupertino par Jim pour rencontrer des ingénieurs d'Apple et le grand manitou, Steve Jobs.
La rencontre commence mal. Non seulement Carmack porte un t-shirt arborant un smiley portant sur son front des impacts de balles ensanglantés, mais encore le fondateur d'Apple confond l'évangélisateur (ils ne se connaissaient pas) avec le développeur de jeux. Une fois les présentations dument faites, et devant un Steve Jobs aux mâchoires serrées à cause du t-shirt peu amène de Carmack, ce dernier se lance dans une critique de Mac OS et en particulier de la gestion des permissions et de la sécurité d'OpenGL.
Dans son esprit, Apple avait besoin d'une meilleure solution que celle qui lui avait été présentée la veille, lors d'une réunion avec l'équipe graphique. Après avoir écouté son hôte, Jobs déclara de manière abrupte : « Mais ce n'est pas ce que nous faisons ! ». Il se tourne alors vers les trois employés d'Apple présents dans la pièce et leur lance : « C'est le cas ? ».
Le patron décide alors de prendre le téléphone pour joindre le directeur de l'ingénierie : « Je suis là avec un développeur graphique. Je veux que tu lui dises tout ce que nous faisons dans Mac OS X pour l'architecture graphique ». Cet ingénieur a réalisé que le développeur en question n'était autre que John Carmack… et qu'il allait devoir défendre ses décisions face à Jobs.
« John », a fini par dire le malheureux, « ce que tu voudrais, c'est l'idéal… ». Il n'a pas eu le temps de finir sa phrase (peut-être voulait-il dire « l'idéal à atteindre ? ») que Jobs s'est mis à crier : « NON ! Ce que John dit ce n'est pas l'idéal. Ce que John dit, c'est ce que nous devons faire ! Pourquoi est-ce qu'on fait ça ? Pourquoi s'embêter à construire ce navire quand tu lui balances une TORPILLE DANS LA COQUE ?!? ».
Carmack, assis à côté, n'a pas bougé le petit doigt. Quant à Jobs, il venait de prendre le parti d'un petit gars avec son t-shirt fantaisie contre son propre ingénieur. « Steve a écouté les deux parties et passé un coup de fil qui allait avoir d'importantes implications pour macOS », explique Jim.
L'histoire ne s'arrête pas là. John Carmak s'est aussi plaint de l'atroce souris ronde qui était fournie avec l'iMac. Steve a réprimé un soupir et expliqué que « l'iMac se destine à ceux qui n'ont jamais eu d'ordinateur et toutes les études montrent que si vous mettez plus d'un bouton sur la souris, l'utilisateur finit par la regarder fixement ». John est resté sans expression pendant deux secondes, puis il a changé de sujet.
Plus tard, Jim a demandé à son invité ce qu'il avait pensé de la réponse de Jobs sur la souris. « Je voulais lui demander ce qu'il se passerait si vous mettiez plus d'une touche sur un clavier. Mais je n'ai rien dit ». C'était certainement la chose à faire…