Après cinq ans de débats, le Congrès américain a finalement voté un « congé fiscal » pendant lequel le taux d’imposition des bénéfices internationaux des entreprises américaines passera à 15,5 %, contre 30 à 35 % habituellement. Apple compte bien profiter de l’occasion pour rapatrier la quasi-totalité de son trésor de guerre sur le sol américain — et le dépenser.
À la fin de l’année 2017, Apple possédait 269 milliards de dollars de liquidités hors des États-Unis, dont elle va rapatrier une grande partie à l’occasion de ce « congé fiscal ». « Environ 38 milliards de dollars » iront dans les caisses de l’État américain : le président-promoteur Trump veut les allouer aux grands travaux d’infrastructure, qui ne pourront être réalisés sans compromis avec l’opposition démocrate.
Le précédent congé, instauré par les Républicains en 2004, avait montré les limites de la volonté politique. Plutôt que de contribuer directement à l’économie réelle, les grands groupes avaient préféré gonfler leur dividende et racheter des actions, alors même que la loi était censée l’interdire. Apple dit vouloir injecter « 350 milliards de dollars dans l’économie américaine ces cinq prochaines années », mais compte surtout récompenser la patience de ses actionnaires institutionnels, parmi lesquels les principaux fonds de pension.
Apple a « rendu » près de 250 milliards de dollars aux actionnaires ces six dernières années. Le plafond des 300 milliards de dollars sera bientôt atteint, mais sera relevé au printemps. « Notre trésorerie s’établit à 163 milliards de dollars », explique Luca Maestri, le directeur financier d’Apple. En effet, Apple détient 285 milliards de dollars de liquidités, mais a contracté 122 milliards de dollars de dettes pour financer son programme de rachat d’actions et de versement d’un dividende.
« Étant donné la plus grande flexibilité financière et opérationnelle » apportée par le rapatriement des liquidités, « nous avons l’intention de réduire notre trésorerie progressivement » jusqu’à ce qu’elle devienne peu ou prou nulle. Autrement dit : Apple va dépenser sans compter, tout en continuant à emprunter à taux avantageux. Et les premiers bénéficiaires seront les actionnaires, qui recevront « 100 % du flux de trésorerie », à commencer par une rallonge de 50 milliards de dollars au printemps.
Où sont les 350 milliards de dollars promis à l’économie américaine ? Il n’a jamais été question qu’ils proviennent de l’argent rapatrié : il s’agit tout simplement des dépenses opérationnelles et des acquisitions d’actifs durables, auxquelles s’ajoutent quelques investissements dans l’éducation ou l’industrie… pour préparer le futur de la société. Vingt milliards seront ainsi consacrés à la construction d’un nouveau campus et l’embauche de 20 000 personnes, et dix milliards à l’ouverture de nouveaux data centers.
Le gros de la somme correspond au carnet de commandes : rien qu’en 2018, la firme de Cupertino achètera pour 55 milliards de dollars de composants à ses fournisseurs américains. Des fournisseurs qui recevront quatre milliards de dollars supplémentaires, par l’intermédiaire d’un fond d’innovation, pour rénover leur appareil de production. Des dépenses facilitées par le « congé fiscal », mais qui ne sont pas directement liées et auraient été engagées.
Apple révisera ses prévisions dans les mois et les années qui viennent, après avoir « complètement compris les tenants et les aboutissants de la loi », et en fonction de la situation. À la faveur du « congé fiscal », le taux d’imposition d’Apple tombera à 15 % cette année, contre 25 à 26 % en moyenne ces dernières années.