Apprendre à programmer lorsqu'on est très jeune, oui mille fois oui, mais fréquenter les réseaux sociaux, non. C'est en substance le message de Tim Cook la semaine dernière, alors qu'Apple annonçait l'élargissement à l'Europe (et à la France) de son programme « Tout le monde peut coder », pour maîtriser les fondements du langage Swift dès le plus jeune âge, avec le concours d'établissements scolaires.
The Guardian a rapporté quelques-uns des propos du patron d'Apple, en déplacement dans un établissement scolaire près de Londres. « Je ne crois pas en une utilisation exagérée de la technologie. Je ne suis pas de ceux qui estiment que l'on a réussi dès lors qu'on l'utilise en permanence. Je n'adhère pas du tout à cette façon de voir les choses » a expliqué Tim Cook.
Même dans certains domaines, comme la création graphique, où l'informatique est devenue un outil incontournable, elle ne doit pas s'imposer en permanence : « Il y a toujours des concepts dont il est nécessaire de débattre et qu'il faut comprendre. En cours de littérature, est-ce qu'il me semble nécessaire de beaucoup utiliser la technologie ? Probablement pas ».
La pratique de la programmation informatique dès le plus jeune âge est à l'inverse une nécessité de son point de vue. Plus importante même, dans certaines circonstances, que d'apprendre une autre langue. Un sujet sur lequel il admet volontiers ne pas être au diapason de tout le monde :
« Je pense que si vous deviez faire un choix, il est plus important d'apprendre à programmer que d'apprendre une autre langue. Je sais que des gens sont en désaccord avec moi sur ce point. Mais la programmation est un langage global ; c'est par ce biais que vous pouvez discuter avec 7 milliards d'individus ».
Une position qui n'est pas nouvelle et qu'il faut interpréter à l'aune de l'explosion des apps mobiles. Lors de ses conférences développeurs annuelles, Apple insiste toujours sur la capacité des apps à s'insérer dans la vie courante d'un innombrable public à travers le monde. Ces apps font aujourd'hui partie de notre routine quotidienne. D'une certaine manière, et c'est probablement ce que veut dire Cook : apprendre à les concevoir c'est aussi établir une forme de dialogue avec leurs utilisateurs. Plaidant pour une plus grande égalité hommes/femmes, il ajoute :
Instaurer la programmation à un âge toujours plus bas aidera aussi à améliorer la représentation entre les sexes. Lorsqu'on regarde aujourd'hui l'état de cette diversité dans de nombreuses universités enseignant l'informatique, elle n'est pas satisfaisante<».
Faut-il pour autant mettre sur un même pied d'égalité et, partant de là, de comparaison, un langage informatique avec des langues étrangères ? Le débat est ouvert.
Apprendre à coder très tôt, oui, mais l'usage des smartphones et tablettes doit être sérieusement encadré dès lors qu'il s'agit des réseaux sociaux. Tim Cook n'a pas d'enfants mais il a un neveu dont il racontait il y a deux ans qu'il allait financer ses études supérieures (le garçon doit avoir 12 ans actuellement) :
Je n'ai pas d'enfant mais j'ai un neveu à qui j'impose des limites. Il y a certaines choses que je ne permettrai pas ; je ne veux pas qu'ils aillent sur les réseaux sociaux.
Ce n'est pas foncièrement étonnant de la part d'un patron d'entreprise high-tech. Steve Jobs avait raconté à un journaliste du New York Times que l'utilisation des objets technologiques était très encadrée chez lui. Plusieurs mois après la sortie du premier iPad, en 2010, le cofondateur d'Apple disait même que ses enfants n'utilisaient pas la tablette.
Tim Cook a par contre éludé les questions autour des "Paradise Papers" (le Guardian faisait partie des journaux qui ont détaillé cette fuite de documents décrivant les activités offshore de particuliers et de multinationales, lire Paradise Papers : les milliards d'Apple sur l'île de Jersey ) : « Je n'ai probablement pas lu tout ce qui a été écrit, je me garderai d'émettre un jugement. ». Il s'en est tenu à plaider de nouveau pour une approche globale sur la définition des taxes et impôts qui touchent les grandes entreprises :
La bonne façon de s'attaquer aux taxes des multinationales c'est de le faire à un niveau mondial, si on ne le fait pas, ça devient une course à l'échalote entre les pays qui disent : "je veux ceci, je veux cela".
Taiseux sur le sujet d'Apple et de ses activités offshores, Cook s'est présenté comme un supporter inconditionnel de la liberté de la presse : « La presse est indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie. J'en suis un fervent supporter ».