« On est aujourd'hui dans une situation où le gouvernement, depuis longtemps maintenant, et pour toute une série de raisons, fonctionne moins bien et moins vite que par le passé. Dès lors, ce n'est pas seulement aux entreprises mais à d'autres parties de la société civile qu'échoit la responsabilité de s'impliquer », a déclaré Tim Cook dans une interview vendredi au New York Times.
Le patron d'Apple était à ce moment là au Texas, dernière étape d'un petit périple aux États-Unis qui l'a vu aller chez l'un de ses sous-traitants, puis annoncer la construction d'un data center, rendre visite à un incubateur de start-ups texan et, enfin, lancer un programme d'enseignement de Swift dans plusieurs groupes d'établissements à travers le pays.
Durant l'entretien, il a dressé une comparaison avec le mandat de Lyndon B. Johnson entre 1963 et 1969, à propos duquel il s'émerveille encore du nombre de lois majeures et touchant à tous les aspects du quotidien qui ont été votées (Civil Rights Act, Voting Act, Medicare, etc).
Cook explique qu'il n'avait jamais prévu de s'engager publiquement derrière certaines causes ou débats de société, mais qu'il a senti, comme d'autres de ses pairs, chefs d'entreprise, qu'il était de son devoir de s'impliquer dans les affaires de politique intérieure.
« Je pense que nous avons une responsabilité morale à aider à la croissance de l'économie, à aider à la création d'emplois, à apporter une contribution à ce pays et dans d'autres pays où nous travaillons ».
Un engagement pas forcément naturel aux yeux de tous, notamment ceux pour qui une entreprise doit s'occuper uniquement de ses affaires économiques. « Je pense qu'il y a encore pas mal de gens qui ont le sentiment que ma seule responsabilité est à l'égard de Wall Street ».
De tels propos peuvent aussi participer à une campagne de communication pour faire un peu oublier le fait que l'essentiel de la trésorerie d'Apple est à l'étranger en attente d'une fiscalité plus douce pour rentrer au pays. Et le New York Times de tempérer quelque peu ces critiques en rappelant que la Pomme a payé 28 milliards d'impôts ces deux dernières années en Amérique, au taux d'imposition moyen de 26 %.
Cook a insisté ensuite sur les efforts en matière d'environnement dont le dernier chapitre a été l'annonce d'un futur data center dans l'Iowa, qui marchera uniquement avec des énergies renouvelables. Aux États-Unis aujourd'hui « nous faisons fonctionner Apple à 100 % avec des énergies renouvelables et nous y sommes arrivés également dans 23 autres pays ».
Pour ce data center, Apple a bénéficié d'une exemption de taxes à hauteur de 208 millions de dollars pour accepter de venir dans l'Iowa. En échange, 550 emplois seront créés pendant les travaux mais, une fois ceux-ci achevés, seulement une fraction, de l'ordre de 50 personnes, suffira pour le faire fonctionner. Apple s'est aussi engagée à verser jusqu'à 100 millions de dollars pour créer différents équipements et améliorer les infrastructures de la région.
S'agissant des cours de Swift qui vont être donnés à plusieurs dizaines de milliers d'étudiants à compter de la rentrée prochaine, Cook explique qu'Apple a privilégié les "Community colleges", des cycles courts de deux ans, équivalents de nos IUT, plutôt que les colleges proposant des cycles sur quatre ans. D'une part car ces derniers sont souvent déjà bien pourvus en enseignement des sciences informatiques et afin aussi de toucher des profils d'étudiants différents.
« Ce que vous cherchez à faire c'est améliorer et accroitre la diversité des gens qui sont là, diversité raciale, diversité de genre mais aussi géographique. Actuellement il y a un déséquilibre dans certains États dans la manière dont les avantages procurés par la technologie sont redistribués ». Apprendre du Swift c'est aussi faire fructifier à terme sa propre plate-forme aux dépens de celles des concurrents qui ont leurs propres langages de développement. Cook l'admet tout en ajoutant que cet enseignement spécifique « est réutilisable dans les grandes lignes », il ajoute « on sait que parmi les gens qui font des apps mobiles, certains en feront pour iOS et pour Android aussi. Je préfèrerai qu'ils ne le fassent pas mais il le feront probablement », poursuit-il en plaisantant, « ce n'est pas comme si j'essayais de faire de l'argent avec ça. Nous faisons un don ».
Est-ce que cette petite tournée aux États-Unis est chargée d'arrière-pensées politiques, comme certains le supposent à propos de Mark Zuckerberg qui s'est donné comme objectif d'aller dans les 50 États à la manière d'un futur candidat au poste suprême ? Tim Cook balaie l'idée d'un revers de la main et semble exprimer son peu d'attrait pour la responsabilité politique à Washington : « J'ai un travail à temps complet. J'apprécie le compliment, si c'est un compliment ».