Alors que l'ouverture des Apple Store en France marque le pas, le réseau des Apple Premium Reseller est en phase de consolidation. Le nombre d'enseignes existantes pourrait être divisé par 3 ou 4 dans les toutes prochaines années, une évolution rendue inéluctable par la croissance d'Apple, expliquent les premiers concernés. Les occasions de participer à une inauguration d'Apple Store se tarissent : 2017 ne verra aucune ouverture — la boutique des Champs-Élysées est pour beaucoup plus tard —, Marseille et Saint-Germain ont démarré l'an dernier, 2015 a été une année sèche et il faut remonter à fin 2014 pour Lille et Aix-en-Provence.
C'est à ses partenaires Apple Premium Resellers (APR) et revendeurs agréés qu'Apple paraît vouloir confier la charge de mailler le territoire. À eux d'opérer dans les villes qu'elle juge d'une taille insuffisante pour ses affaires, ou lorsqu'elle n'a pas trouvé d'emplacement répondant à ses critères de taille et de situation.
En dehors des enseignes de grande distribution de produits électroniques, il existe une douzaine de revendeurs agréés Apple en France. Leurs tailles varient entre une, deux ou trois boutiques pour les plus petites, cinq à sept pour les moyennes et l'on en compte deux — iConcept et Bimp — qui dominent avec 12 à 14 magasins. iConcept couvre essentiellement le sud-ouest. Bimp, à force d'acquisitions, s'est étiré du nord au sud avec une forte présence dans le sud-est, et ce n'est pas fini.
Un bon connaisseur de ce milieu nous a soufflé qu'iTribu (quatre magasins sur Montpellier, Nîmes et Perpignan) allait rejoindre Bimp. Chez l'un ou chez l'autre, on ne dément pas un intérêt respectif mais rien n'est signé, tempère Fabrice Arduin, co-président de Bimp.
Fabrice Arduin, à la tête de Bimp depuis trois ans (lire : retour sur la fusion des revendeurs Apple Bimp et Ephésus), considère inévitable cette concentration des enseignes. Les mois à venir pourraient donner l'occasion de voir d'autres rapprochements, dit-il, de petites enseignes s'unissant pour grossir ou rejoignant un réseau aux épaules plus larges. Il estime que seulement quatre à cinq marques de revendeurs pourraient subsister dans les quelques années à venir.
Impossible d'y échapper, « c'est la marche de l'histoire », estime-t-il, une concentration qui se cale sur l'évolution d'Apple, laquelle a besoin d'acteurs aptes à répondre à tous les profils de clients, du grand public jusqu'aux entreprises et au secteur de l'éducation.
Il faut savoir vendre du Mac, de l'iPad et de l'iPhone mais aussi, et surtout, l'ensemble des services de conseils et d'installation, les périphériques qui vont avec, sans oublier le SAV adéquat. Même un client professionnel indépendant — photographe, architecte, vidéaste — est confronté aujourd'hui à des problématiques difficiles dès que l'on parle sauvegarde des données par exemple.
Toutes choses hors de portée des Apple Store et qui deviennent difficiles à offrir par les petites enseignes de seulement deux ou trois magasins. Cela implique d'avoir un personnel important, qualifié sur plusieurs domaines, certifié, compétent sur les produits Apple mais aussi les plates-formes concurrentes. Un statut convoité, tel que celui de spécialiste Éducation, qui donne les moyens de prospecter des établissements partout en France, implique ainsi de réaliser un chiffre d'affaires minimum et d'avoir des équipes dédiées. Bimp a ainsi créé plusieurs unités avec des compétences très verticales pour cibler différents marchés à valeur ajoutée importante.
Lorsque nous avions rencontré Fabrice Arduin il y a trois ans, il disait déjà vouloir appliquer cette méthode. Bimp comptait alors 90 salariés, ils sont maintenant 150 pour un chiffre d'affaires de 40 millions d'euros en 2016 et un objectif de passer rapidement à 50 ou 55 millions.
D'où cette stratégie d'acquisitions de sociétés de conseil et de concurrents pour grossir et étendre son périmètre et son volant de compétences. Des opérations auxquelles Apple ne s'oppose pas et qu'elle encouragerait même d'une manière indirecte.
Le responsable d'une de ces petites enseignes dont les jours s'annoncent difficiles se désolait par exemple de l'application en août prochain du nouveau contrat de relation, "New Deal 7", entre Apple et ses partenaires.
Les marges prévues favorisent les réseaux de boutiques importants, capables de gros volumes de ventes et aptes à réaliser des investissements significatifs pour mettre leurs nouveaux locaux aux normes sévères d'Apple (même la hauteur sous plafond a un minimum écrit). « Plus ça va, plus ça se durcit », pestait-il, en citant également les obligations dictées par Apple de disposer d'un stock conséquent et de se débrouiller avec lorsque les gammes sont renouvelées.
Les choses en définitive sont simples et logiques : plus vous êtes gros, plus les marges et remises sont importantes, tout comme les programmes marketing d'accompagnement. Pour Apple, l'avantage est net : moins d'interlocuteurs c'est une gestion plus simple de son réseau au fur et à mesure qu'il devient moins éclaté.
Une concentration inévitable
Dès lors, il n'y a pas d'autre solution qu'une consolidation entre ces enseignes, voulue ou subie, c'est selon. Dans ce contexte, Fabrice Arduin se défend de toute action prédatrice. À l'écouter, les marques disposées à rejoindre Bimp sont les bienvenues, il n'y a pas de raids organisés sur untel ou untel. Au pire, le temps fera son œuvre, est-on tenté de penser.
Il n'est pas exclu non plus que ces gros APR s'installent et se développent là où Apple n'a aucune intention d'aller, par choix (ville trop petite) ou par dépit devant l'absence d'un emplacement à sa mesure. C'est arrivé récemment, en janvier, avec l'ouverture du grand APR d'iConcept en plein Toulouse. Le signe que la ville rose ne risque pas de voir arriver de sitôt un Apple Store pur jus. Apple a pour politique de « bloquer » les villes pour lesquelles elle nourrit des projets : les revendeurs qui veulent s'y installer n'obtiennent pas d'agrément et doivent chercher ailleurs.
Il arrive que cela bouge dans l'autre sens et que des villes soient débloquées. Annecy, prévue à l'origine mais finalement pas assez attractive, et Grenoble, sont ainsi sorties du radar d'Apple. Bimp projette d'y ouvrir des boutiques bien plus spacieuses que celles dont elle dispose aujourd'hui.
À terme, « Apple voudra probablement que les APR ressemblent encore plus aux Apple Store », conclut Fabrice Arduin. Pour cela, il faudra avoir les reins solides et la surface financière suffisante pour absorber le coût des loyers et le personnel nécessaire. Une fuite en avant qui risque de ne pas laisser beaucoup de choix aux plus petites structures.