Cette année encore, le lancement de nouveaux produits va provoquer chez Apple un embouteillage monstre entre septembre et, disons, novembre. Ces trois mois sont ceux de tous les dangers, non seulement pour le constructeur mais aussi… pour le compte en banque des clients !
Jusqu’à présent, la formule d’Apple a été gagnante pour s’assurer une bonne santé financière : regrouper le lancement de ses produits vedette à l’automne, puis profiter de la période des fêtes pour multiplier les ventes. La machine infernale tourne alors plein pot, quitte à frôler la surchauffe quand les quantités produites sont insuffisantes pour étancher la demande. Mais c’est là un problème que toute entreprise rêve d’avoir.
Le danger de cet agenda bien huilé, c’est de déséquilibrer totalement le reste de l’année où, il faut bien le reconnaitre, on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. C’est encore le cas pour 2016, durant laquelle le premier semestre s’est montré plutôt pauvre en nouveautés, même si le grand chapeau d’Apple n’a pas été complètement vide.
Six mois à la diète
Du côté des produits mobiles, l’honnêteté commande d’admettre que le bilan n’a pas été totalement nul. Le keynote du mois de mars a levé le voile sur deux nouveautés intéressantes : l’iPad Pro 9,7 pouces et l’iPhone SE. Pas de quoi crier au génie, certes, car ces deux produits ne sont que des déclinaisons de ce que l’on connait déjà, mais la tablette contient des fonctionnalités que l’on pourrait retrouver dans de futurs smartphones (l’écran True Tone en particulier), tandis que l’iPhone SE a fait la preuve de son intérêt, comme l’a démontré notre Timeline sur le sujet – le succès commercial semble même au rendez-vous.
Nous avons aussi eu droit aux bracelets en nylon pour l’Apple Watch, une nouveauté anecdotique pour beaucoup, mais qui permet de patienter en attendant la seconde génération de la montre connectée. Et puis il faut reconnaître qu’Apple a bien fait les choses et que si l’on voulait jouer la carte de la provoc’, on dirait que ces bracelets sont sans doute le meilleur produit sorti par la Pomme depuis le début de l’année !
Du côté des Mac, ce sont les portables qui ont eu droit à quelques mignardises. Le MacBook Air 13’’ est désormais proposé avec 8 Go de RAM en standard, et Apple a mis à jour sa gamme de MacBook 12’’ Retina. Dans les deux cas, ce sont des renouvellements matériels bienvenus, mais qui ne bouleversent pas l’équilibre du monde.
Les membres de la famille de MacBook Air ont la tête sur le billot et ces 8 Go de RAM ressemblent au dernier repas du condamné (le 11’’ n’a d’ailleurs eu droit à rien du tout). Quant au MacBook 12’’ Retina, le surcroît de puissance apporté par les MHz supplémentaires ne change rien à ces machines au demeurant sympathiques, mais encore limitées par leur fermeture et des processeurs poussifs (lire : Test du MacBook 12" début 2016 Core m7).
Le tableau présenté par Apple pour ces six premiers mois de l’année n’est donc pas complètement vide ou sans intérêt. Mais face au feu d’artifice qui doit débuter dès le mois de septembre, la récolte paraît bien maigre.
iPhone : du neuf avec du vieux
Reprendre les rumeurs sur les nouveautés attendues au troisième trimestre est un exercice qui donne le vertige. On s’attend évidemment à la présentation de nouveaux iPhone, qui ne viendront sans doute pas bousculer une gamme bien établie depuis deux ans. Avec un design calqué sur celui de l’iPhone 6, on ne devrait pas se retourner sur votre passage dans la rue ; mais même en l’absence d’effet whaou, ces nouveaux smartphones devraient inaugurer quelques changements de taille, à commencer par la disparition du port jack.
Pour les utilisateurs d’iPhone attachés à la prise jack, la transition vers un monde tout numérique s’annonce délicate. On ne doute pas que les adaptateurs Lightning vers jack vont fleurir à tous les prix, mais le prix à payer devrait être assez lourd, au sens propre comme au figuré. Nul doute qu’il faudra prévoir un petit budget pour acheter un tel accessoire… Et accepter un encombrement supplémentaire. L’adaptateur USB-C/jack à destination du Moto Z n’a vraiment rien de sexy...
Quant à celui qu’Apple aurait dans ses tuyaux, il n’est pas spécialement joli non plus (lire L'adaptateur jack/Lightning d'Apple en photos et en vidéo ?) :
Au-delà de la béquille de l’adaptateur, cette transition va aussi pousser l’industrie des casques à investir dans le Bluetooth et, bien évidemment, dans le Lightning. Pour le plus grand profit des constructeurs et d’Apple, qui ne va sans doute pas manquer de commercialiser au prix fort de nouveaux écouteurs Lightning, voire des produits Bluetooth. Beats est évidemment en première ligne dans cette révolution.
On imagine d’ailleurs assez bien voir Apple et Beats lancer des nouveautés "son" juste avant les fêtes, histoire de pousser à « l’achat-cadeau ». Cela avait été le cas pour le dock Apple Watch et l’étui/batterie pour iPhone 6, lancés opportunément quelques semaines avant la date fatidique.
Il est même probable qu’Apple appuie à fond sur l’accessoire histoire de palier des ventes d’iPhone qui s’annoncent moins fortes qu’à l’habitude. La présence du port Smart Connector au dos de la future phablette annonce des nouveautés intéressantes, voire pourquoi pas la réponse d’Apple à la problématique de la modularité portée par Google (projet Ara), LG (G5) et Motorola (Moto Z). Là aussi, il faut s’attendre à l’apparition de plusieurs accessoires, et on espère des produits plus innovants que les claviers de l’iPad Pro.
Back to the Mac
L’iPhone représentant les trois quarts des revenus d’Apple, il apparait naturel que le constructeur mette, une fois de plus, le paquet pour la gamme 2016 de son smartphone. Mais le Mac ne devrait pas être oublié. D’ici la fin de l’année, le constructeur devrait dévoiler des MacBook Pro flambant neufs qui proposeront des fonctionnalités très originales.
La reconnaissance des empreintes digitales devrait ainsi être de la partie, ce qui techniquement sera très intéressant à suivre. Sur iPhone et iPad, le fonctionnement de Touch ID est étroitement lié au processeur ARM et à l’enclave sécurisée ; comment cela va-t-il s’incarner sur des ordinateurs équipés de processeurs Intel ?
L’autre nouveauté particulièrement intrigante de cette future gamme, c’est bien sûr le "ruban" OLED tactile qui remplacerait les touches de fonction et s’adapterait aux applications. On verra si tout cela sera de nature à relancer les ventes de Mac qui sont à la peine, car avec toutes ces nouveautés, Apple risque bien d’avoir la main lourde sur l’étiquette.
Pour le reste, on ne parierait pas grand-chose sur le renouvellement d’un Mac Pro qui ne cesse de désespérer les pros. Les iMac aussi auraient bien besoin d’un petit coup de pouce (on espère sans trop y croire la fin définitive des disques durs à plateaux…), tout comme les Mac mini. On sent que le MacBook Air n’en a plus pour très longtemps. En gros, et à l’exception peut-être du MacBook 12’’ Retina, ce sont tous les Mac qui mériteraient d’être mis à jour.
Du côté des périphériques, Apple a mis un point final à l’aventure de l’écran Thunderbolt, sans proposer de remplaçant. Un nouveau modèle semble toutefois être en développement, avec un écran 5K de 27 pouces (sans doute la même dalle que l’iMac) ainsi que son propre GPU afin de palier les cartes graphiques habituellement anémiques qu’inflige Apple à ses Mac. Mais là encore, il faudra sans doute prévoir un petit sérieux budget : après tout, l’écran Thunderbolt coûtait toujours 1 149 € à la fin de sa vie, malgré son retard technologique.
Enfin, il reste le cas des bornes AirPort et Time Capsule qui n’ont pas été mises à jour depuis des lustres. En ce qui concerne les Time Capsule, il est probable qu’il faille attendre encore une bonne année, le temps qu’Apple finalise le développement de son nouveau système de fichiers APFS qui implique de gros changements dans le mécanisme de sauvegarde (lire : APFS : le futur système de fichiers d’Apple qui va changer votre vie).
Apple Watch : il est temps
L’Apple Watch pourrait elle aussi être revue en profondeur cet automne. Le lancement effectif de la montre connectée date d’avril 2015, après une première présentation en septembre 2014. Cela commence à être un peu long, même si Apple a multiplié les collections de bracelets (Hermès, nylon, nouveaux coloris) afin de donner le change, sans oublier une baisse de prix pour la gamme Sport, ce qui a eu son petit effet.
Les rumeurs ne sont pas particulièrement prolixes au sujet de cette seconde génération. On a ainsi évoqué un design affiné, de meilleures performances avec un nouveau processeur (S2 ?) et une puce réseau plus puissante, éventuellement une caméra FaceTime…Sans oublier de nouveaux matériaux pour créer des paliers tarifaires supplémentaires.
Ces Apple Watch pourraient s’accompagner de nouveaux bracelets en tout genre, et à tous les prix. Si ce printemps a été marqué par la collection nylon toute légère, cet automne Apple pourrait remettre au goût du jour ses bracelets en cuir, par exemple. Et pourquoi pas d’autres matériaux.
Et l’iPad ?
Depuis le lancement des iPad Pro l’an dernier (pour le 13 pouces) et en mars (pour le 9,7 pouces), l’actualité autour des tablettes n’a pas été très riche. Les différentes bêtas d’iOS 10 n’ont pas montré de nouvelles fonctions spectaculaires, à l’inverse d’iOS 9, et au rayon des rumeurs, l’encéphalogramme est tristement plat – exception faite de ces captures d’écran censées provenir d’un iPad Pro 13 pouces de deuxième génération.
Pas grand chose donc à se mettre sous la dent, mais s’il y a bien une tablette qui mériterait un petit rafraîchissement automnal, c’est bien le grand modèle, qui n’intègre ni l’écran True Tone, ni la reproduction des couleurs P3, ni le duo appareil photo de 12 mégapixels/flash inaugurés avec l’iPad Pro 9,7 pouces. Alors pourquoi pas un nouveau 13 pouces ?
Le cycle de renouvellement de l’iPad se rapprochant de plus en plus de celui du Mac, Apple n’a plus nécessairement l’obligation de mettre à jour ses tablettes chaque année. Il avait d’ailleurs fallu attendre plus de deux ans entre l’iPad Air 2 et son successeur, l’iPad Pro 9,7’’. Et puis, le constructeur ne cesse de marteler le message qu’un iPad n’est rien d’autre qu’un ordinateur (lire : Pour le meilleur et pour le pire, le futur, c’est l’iPad)…
L’addition s’il vous plait
Récapitulons. En l’espace de deux à trois mois, Apple devrait lancer de nouveaux iPhone accompagnés d'accessoires inédits, de nouvelles Apple Watch, de nouveaux MacBook Pro, un nouvel écran (peut-être). Le tout s’accompagne de lancement de nouveaux systèmes d’exploitation : macOS Sierra, iOS 10, watchOS 3 et tvOS 10. Sacré sapin de Noël…
Cette débauche de nouveautés présentées en un laps de temps finalement très court n’est pas sans poser plusieurs problèmes. Le plus embêtant est qu’Apple ne se donne plus le temps d’expliquer clairement les raisons pour lesquelles on aurait besoin d’un de ses produits.
Il est loin le temps où Steve Jobs s’asseyait tranquillement dans un canapé pour décrire les principales fonctions de l’iPad : aujourd’hui, Tim Cook se contente de lever les bras au ciel pour présenter l’Apple Watch, ou lance des iPhone 6 et 6s sans expliquer pourquoi des écrans plus grands. On caricature bien sûr, et cela n’empêche pas les produits de se vendre. Mais en laissant les consommateurs se débrouiller pour essayer de comprendre la raison de tel ou tel produit, Apple pose un obstacle à un succès commercial plus grand encore.
Et il arrive que cette absence de pédagogie durant les keynotes handicape un produit. L’iPad Pro 12,9’’ aurait ainsi mérité plus de considération et surtout, plus de temps lors de sa présentation. Cette absence de narrative, comme disent les marqueteurs américains, a le goût âcre de la faute originelle (sans compter qu’iOS s’adapte mal aux écrans de 13 pouces). Avec comme résultat des produits qui manquent de substance.
Multiplier les lancements en un temps aussi serré n’aide pas à faire passer les messages. Cela n’aide pas non plus les consommateurs dont les budgets ne sont pas, par nature, extensibles à l’infini. Cette année encore, le consommateur va devoir arbitrer et cela va peser sur les résultats d’Apple.
Noël n’est pas la panacée
Loin de nous l’idée de vouloir dire à Apple quoi faire (l’entreprise se fiche bien de notre opinion par ailleurs). Mais de notre point de vue de simple consommateur, rééquilibrer l’agenda serait sans doute une bonne idée. Plutôt que de jouer tout son avenir sur deux mois, le constructeur pourrait consacrer le premier semestre aux produits pour les prosumers et les utilisateurs aguerris : Mac et iPad seraient plus à leur aise dans ce format.
Donner des nouvelles de l’iPad aux alentours du mois de mars et du Mac en juin pour la WWDC ou un peu avant histoire de faire monter la sauce et préparer la rentrée des classes, cela aurait du sens et éviterait à ces gammes de produits d’être la cinquième roue du carrosse derrière l’iPhone et l’Apple Watch. De plus, l’iPad comme le Mac sont moins soumis à la saisonnalité des ventes : quand un utilisateur professionnel a besoin de changer d’ordinateur, il n’attend pas Noël.
Ces nouveautés n’auraient même pas besoin de s’accompagner de mises à jour majeures d’iOS et de macOS : Apple peut conserver le rythme annuel de ses grosses mises à jour si elle le juge pertinent. Rien n’empêche le constructeur de proposer des versions intermédiaires de ses OS (comme iOS 9.3 avec Night Shift ou OS X 10.10.3 avec Photos) dans la foulée de ses nouveaux matériels du début d’année.
Voilà au moins qui éviterait cette impression de faire du surplace pendant dix mois, tout en évitant les embouteillages de fin d’année. Du point de vue des revendeurs, nous avons entendu le même son de cloche : une fois les grosses sorties de Noël évacuées, il est bien difficile de faire revenir les clients dans les boutiques. Visiblement, ce sera encore le cas pour la prochaine saison.