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Avant APFS : les tribulations sans avenir de ZFS chez Apple

Mickaël Bazoge

vendredi 22 juillet 2016 à 10:45 • 33

AAPL

Après avoir sué sang et eau sur l’adaptation de ZFS pour ses Mac durant des années, Apple a finalement abandonné le système de fichiers imaginé par Sun pour créer le sien, APFS, annoncé durant la WWDC cette année. Pourtant, entre 2007 et 2010, tel un serpent de mer, ZFS a fait à plusieurs reprises son apparition dans la chronique Apple et les fiches techniques de ses produits.

On a longtemps cru que le successeur de HFS+, maintes fois annoncé, n’avait pas pu devenir le système de fichiers d’OS X à cause de problèmes juridiques. Mais les raisons pour lesquelles ZFS s’est finalement retrouvé sur le bas-côté sont plus complexes.

Adam Leventhal est le développeur de DTrace, un outil de détection de bugs en temps réel intégré dans Solaris 10 en 2005, puis dans Mac OS X Leopard en 2007 (à la manière d’Apple : en secret et sans l’aide du créateur du logiciel). Il a rejoint ensuite l’équipe de développement de Solaris chez Sun, où il a pu suivre en témoin privilégié la grande histoire entre Apple et ZFS… mais aussi les coulisses un peu crapoteuses dévoilées sur son blog (via ArsTechnica).

La bourde de Sun

La rumeur du portage de ZFS dans OS X a commencé à courir quelques semaines avant la WWDC de 2007. Intégrité des données, cheksums, redondance, instantanés… Toutes ces fonctions modernes allaient enfin apparaitre dans le système d’exploitation des Mac ! Mais voilà, tout n’est pas allé comme prévu. Première bourde, un peu avant l’ouverture de la conférence, le CEO de Sun, Jonathan Schwartz, grille la politesse à Steve Jobs en annonçant que ZFS allait bel et bien devenir le système de fichiers d’OS X.

Jonathan Schwartz, CEO de Sun en 2007. Image CC BY James Davidson.

Autant dire que cette indiscrétion tonitruante faite sans l’accord d’Apple n’a pas été très bien accueillie à Cupertino, où c’est le privilège du grand patron de dévoiler les annonces les plus importantes. Et celle-ci en était une, d’évidence. Mesure de rétorsion ou technologie pas prête ? Toujours est-il que si ZFS est présent dans Leopard, ce n’est pas le système de fichiers par défaut et il n’est proposé qu’en lecture seule… même si on peut y écrire des données dans la bêta qui suit ! Mais voilà, la version finale se contente de la lecture seule.

Le grand pardon, et le grand oubli

L’année suivante à la WWDC, Apple avait pardonné son mauvais geste à Sun en annonçant que ZFS sera bel et bien de la partie dans Snow Leopard, dont la version finale sortira en 2009… enfin, dans la version Server. Le système de fichiers est nommément cité dans la page du site web d’Apple, et cette fois en lecture et en écriture :

Mais voilà, à la WWDC 2009, ZFS brille par son absence, le site web d’Apple ayant purgé les références au système de fichiers, et pire encore, le support de la lecture seule, pourtant disponible dans Leopard client et serveur, ne sera pas de la partie dans Snow Leopard.

Bref, le flirt entre ZFS et OS X, c’était désormais du passé. La raison évoquée à l’époque était d’ordre juridique. En 2007, la société NetApp portait plainte contre Sun concernant l’ouverture du système de fichiers. L’affaire suivait encore son cours alors qu’Oracle était en train de finaliser l’acquisition de Sun, ce qui ajoutait encore à la complexité de l’affaire. Pour Apple, l’adaptation de ZFS à ses besoins représentait donc une insécurité juridique, sans compter l’aspect open source qui était alors moins en vogue du côté de Cupertino qu’aujourd’hui.

Il y avait également un problème de licence : Apple souhaitait obtenir une licence personnalisée de la part de Sun, alors que ZFS était distribué sous licence CDDL… à l’instar de DTrace, sans que cela ne dérange la Pomme outre mesure (lire : ZFS : chronique d'un abandon).

Une licence toxique

Adam Leventhal rapporte aussi des problèmes de cuisine interne. Plutôt que d’adopter un système de fichiers provenant de l’extérieur, plusieurs cadres et directeurs d’Apple préféraient en effet bâtir leur propre système, totalement adapté aux besoins de l’entreprise et de ses utilisateurs. Ce n’était pas qu’un caprice : ZFS a certes beaucoup d’atouts, mais qui concernaient surtout les serveurs.

Peut-être valait-il mieux concevoir un système de fichiers en partant de zéro pour les ordinateurs de bureau et les portables d’Apple, ainsi que pour les produits en gestation (iPhone, iPad). Même si, dans le secret des labos d’Apple ZFS fonctionnait sur iPhone, comme l’écrit Leventhal…

Toutes ces raisons, les bonnes comme les mauvaises, ont fini par avoir la peau de ce projet. Leventhal explique qu’aujourd’hui encore, les personnes avec qui il est en contact chez Apple perçoivent toujours la licence de ZFS comme « abominable et toxique », alors que cette même licence (avec les mêmes autorisations et restrictions) appliquée à DTrace ne leur pose aucun souci…

Malgré tout, ce n’était pas tout à fait mort et enterré pour ZFS. Sun et Apple n’avaient pas coupé les ponts, mieux : dans le courant de l’année 2010, des discussions se déroulaient au plus haut niveau pour faire redémarrer la machine du portage de ZFS chez Apple ! L’idée était la suivante : Apple recevrait un support privilégié et une indemnité pour utiliser le système de fichiers, en échange de quoi Sun obtiendrait un accès à l’Apple File Protocol (AFP) qu’APFS pousse d’ailleurs à la retraite anticipée. La sauvegarde de millions de produits mobiles aurait été assurée par des produits Sun sous ZFS.

Du rififi entre les deux amis

Les versions divergent ensuite. D’après Leventhal, Larry Ellison le patron d’Oracle — désormais propriétaire de Sun — aurait refusé de signer le deal avec Apple. La raison de ce revirement ? « Je vais vous dire quelque chose concernant les affaires avec mon meilleur ami Steve Jobs », aurait alors expliqué Ellison. « Je ne fais pas d’affaires avec mon meilleur ami Steve Jobs ».

Une autre version de cette anecdote circule, entendue dans les couloirs de la WWDC cette année : ce serait en fait Steve Jobs qui ne voulait pas faire d’affaires avec Larry Ellison. Une troisième version explique de son côté que Jobs aurait tout simplement dit à son « meilleur ami » d’aller se « faire foutre ».

Depuis, Apple a choisi de faire évoluer HFS+ tout en bidouillant « au moins » deux remplaçants pour son système de fichiers lancé en 1998 — aucun d’entre eux n’a vu le jour. En 2014, le développement d’APFS a débuté puis présenté aux développeurs deux ans plus tard. APFS sera au cœur de toutes les plateformes d’Apple d’ici la fin de l’année prochaine.

Source : Photo de Une : William Warby

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