Comme à chaque fois que les résultats trimestriels déçoivent et que les choses sont un petit peu difficiles pour l’action du groupe, Tim Cook envoie un communiqué interne ou s’invite dans une émission de télé. Et puisqu’il faut actuellement sauver le soldat AAPL, le CEO d’Apple est allé prêcher la bonne parole sur CNBC, où il était l’invité de Jim Cramer.
L’action qui a dévissé ? « Je pense qu’il s’agit d’une réaction beaucoup trop forte, car nous avons eu un trimestre incroyable », remet-il en perspective en rappelant les résultats d’Apple au premier trimestre : 50 milliards de dollars de revenus, 10 milliards de profits. Mais « clairement, ce n’était pas ce qu’attendait Wall Street ».
Les difficultés en Chine
Tim Cook se veut toujours très optimiste concernant le marché chinois et la progression constante d’une classe moyenne toujours plus avide d’iPhone. Le patron d’Apple reconnait une « erreur » de sa part de n’avoir pas suffisamment insisté sur ce point. « Je pense que la thèse du long terme reste intacte, il n’y a jamais rien eu d’équivalent dans l’histoire humaine » : de 50 millions il y a cinq ans, « ce sont presque 500 millions de personnes » qui font désormais partie de la classe moyenne en Chine. « C’est une croissance sans précédent de la classe moyenne ».
En attendant, il faut faire avec les difficultés passagères : un ralentissement de l’économie chinoise, la hausse du dollar, et un taux de renouvellement d’iPhone qui s’est assagi.
Cependant, voilà comment je vois les choses. Il y a deux ans, nous avons réalisé d’énormes ventes. L’an dernier, nous avons fait encore mieux, 80% de mieux. Donc nous avons connu une progression des ventes de 80% sur l’année précédente. Mais cette année, en devise constante en Chine continentale, nous baissons de 7%. Donc si vous prenez comme base les deux années [2015 et 2016], Apple a connu une croissance de 70% en Chine. Impossible de dire que ce sont de mauvais résultats
Tim Cook se félicite du taux de switcheurs d'Android vers iOS en Chine : 40% de plus durant les six premiers mois de 2015, souligne-t-il. Et puis : « Je pense que ce que l’on voit en Chine, c’est qu’en général, l’industrie du smartphone ne connait pas de croissance ».
Pourtant, Apple est le seul constructeur à souffrir d’un contexte difficile en Chine : deux "régionaux de l’étape", à savoir OPPO et Vivo, ont connu une croissance au premier trimestre à trois chiffres (lire : IDC : Apple est le seul constructeur à souffrir du contexte économique mondial).
Tim Cook est aussi revenu rapidement sur la fermeture inopinée de l’iBooks Store et de l’iTunes Movie Store, sur ordre des autorités : « Actuellement, ces deux boutiques sont fermées. Ce que je peux vous dire, c’est que nous travaillons avec les administrations du gouvernement et d’autres entreprises et nous sommes confiants et optimistes dans le fait qu’elles seront bientôt de retour pour proposer leurs contenus à nos clients chinois. »
L’Inde est venue sur le tapis, beaucoup voyant dans cet immense pays un relais de croissance quand la Chine n’assurera plus son rôle de locomotive de la croissance d’Apple. « L’Inde sera le pays le plus peuplé au monde en 2022. En Inde aujourd’hui, 50% de la population a moins de 25 ans ». Et tout ce petit monde « veut des smartphones ».
La LTE a commencé à s’y déployer, ce qui représente une opportunité pour Apple. Mais cela prendra encore du temps avant que l’iPhone ne se retrouve dans toutes les poches, sans oublier les obstacles du législateur.
Ils sont toutefois en train de tomber (lire : En Inde, Apple va recevoir le feu vert pour ses Apple Store), et le marché est en train de se constituer… « Il y a beaucoup de travail à faire, mais au dernier trimestre les ventes d’iPhone ont connu une croissance de 56% ».
On comprend toutefois, au détour d’une question sur les marchés émergents, qu’Apple n’a toujours pas l’intention de se lancer sur le marché de l’entrée de gamme. « Vous savez, il se trouve que dans tous les pays du monde, il existe un marché de clients qui veulent le meilleur produit et la meilleure expérience. Et c’est ce que nous leur proposons. Et nous nous en sortons plutôt bien en Chine, on s’en sort bien, malgré les turbulences à court terme ».
Au service de l’innovation, ou l’innovation des services
En plus d’être un concepteur de matériels et un éditeur de logiciels, Apple se dépeint maintenant comme une entreprise de services. Le relais de croissance de l’iPhone n’existant pas encore, il faut bien montrer une nouvelle facette de la Pomme (lire : Apple : le jour où les services s'éveilleront).
Tim Cook reconnait « en toute franchise » qu’Apple n’a pas beaucoup parlé des services jusqu’à très récemment. « Les services représentent maintenant le deuxième segment de revenus le plus important pour Apple […] au dernier trimestre, nous étions à 6 milliards, soit 20% de mieux. »
Comme d’habitude, Tim Cook n’a pas évoqué les futurs projets dans les tuyaux ; il s’en est tenu à sa phrase fétiche : « Je veux vous dire que nous sommes vraiment enthousiastes avec les produits sur lesquels nous travaillons. Incroyablement enthousiastes ». Mais évidemment, « Je ne peux pas être plus précis ».
De nouveaux iPhones qui vous, ainsi qu'à des personnes qui ont déjà des iPhones aujourd'hui, inciteront à passer à un nouveau modèle. Nous allons vous apporter des choses dont vous ne pourrez pas vous passer, et dont vous ignorez aujourd'hui que c'est le cas. Cela a toujours été l'objectif d'Apple, concevoir des produits qui enrichissent vraiment la vie des gens. Rétrospectivement, vous vous demanderez comment vous avez pu vivre sans.
Il explique aussi en creux que les produits qui sont sortis des lignes de production d’Apple n’ont peut-être pas, sur le moment, provoqué l’impact qu’ils ont obtenu par la suite.
« Je pense que ce sera le cas de l’Apple Watch », enchaîne-t-il « parce que si vous regardez l’iPod, à l’époque, il n’était pas perçu comme un succès. Mais aujourd’hui, c’est vu comme un succès immédiat. Et c’est pareil pour l’iPhone. Les gens disaient qu’il n’avait pas de clavier physique. Évidemment, personne n’en voudrait ».
Dans quelques années, on regardera en arrière et les gens se diront : "Mais comment j’ai pu penser que je ne porterai jamais d’Apple Watch ?". Parce qu’elle fait tant de choses pour vous. Et soudainement, cette montre deviendra un succès instantané.
Si Apple est toujours en tête — et largement — du classement des constructeurs de montres connectées, c’est uniquement par la grâce du doigt mouillé des cabinets d’études. Le constructeur ne donne toujours pas de chiffres, à moins de lire entre les lignes des résultats (lire : Le succès mutique et cyclique de l’Apple Watch). C’est qu’Apple est toujours en phase de chauffe sur ce marché naissant.
« Nous voulions y aller lentement », décrit-il. « Aujourd’hui, pour remettre tout cela en perspective, vous pouvez acheter une Apple Watch chez 14 000 détaillants. Et vous pouvez acheter un iPhone chez 200 000 détaillants. Nous sommes toujours en mode "apprentissage". Mais nous apprenons assez rapidement. Nous en savons beaucoup plus qu’il y a un an. Et vous verrez que l’Apple Watch va s’améliorer ».
Le patron d'Apple a réitéré qu'il était toujours aux aguets si l'opportunité de faire une grosse acquisition se présentait. Un rythme de croisière dans ce domaine s'est établi : « Nous avons acheté beaucoup d'entreprises. En général nous en achetons une toutes les 3 à 4 semaines en moyenne. »
Tim Cook invite surtout à regarder le tableau dans son ensemble, pas uniquement ce que l’on a devant le nez et qui peut interroger sur la viabilité de la stratégie actuelle. « Nous avons d’énormes opportunités géographiques. Nous avons beaucoup de super innovations dans les tuyaux. Les gens adorent nos produits, ils adorent utiliser nos services. Tout cela, pour moi, signifie de grandes opportunités ».