Tim Cook voit l’Inde comme un pays « incroyablement excitant » pour les affaires d’Apple et cela ne plaît pas du tout aux fabricants locaux de smartphones. Ils font du lobbying auprès du gouvernement pour contrecarrer l’un des projets de leur adversaire. Leur cible sont les iPhone reconditionnés qu’Apple entend vendre à des prix plus abordables. Ses détracteurs font vibrer la corde nationale et déroulent des arguments environnementaux pour s’opposer à cette arrivée.
Il faut rappeler les propos de Tim Cook lors de la présentation des résultats du dernier trimestre 2015 pour mesurer l’appétit d’Apple à l’égard de l’Inde.
Ce marché, où elle ne pèse que 2 % avec ses téléphones, s’apparente en quelque sorte à la prochaine Chine, mais il est dominé par les téléphones de Samsung et des acteurs locaux. Au dernier trimestre 2015, Samsung a obtenu une part de marché de 46% contre 35% un an plus tôt. Sur les modèles 4G le sud-coréen représente 62% du marché.
Pour plus de la moitié (53 %) les utilisateurs optent encore pour des téléphones classiques à petits prix, et 47 % pour des smartphones. Il y a donc un réservoir encore très important de clients pour tous les fabricants.
L'Inde sera la prochaine Chine
Tim Cook avait rappelé que ce pays était le troisième au monde derrière la Chine et les Etats-Unis pour les ventes de smartphones. Sur ce trimestre de fin d’année, les ventes d’iPhone y ont augmenté de 76 % comparé à 2014 (+18 % pour la Chine). Le chiffre d’affaires d’Apple y a progressé de 38 % (48% à taux de devises constants).
Cook se montrait également épaté par le profil démographique du pays, un critère important lorsqu’on s’affiche comme une marque qui se veut cool, innovante et tendance :
La population de l'Inde est incroyablement jeune. L'âge moyen y est de 27 ans. Je pense qu'en Chine l'âge moyen pour les jeunes est de 36, 37 ans, dès lors 27 ans c'est incroyable. Presque la moitié des gens en Inde a moins de 25 ans. Je considère que les données démographiques sont incroyables pour une marque grand public et pour les gens qui veulent vraiment les meilleurs produits.
Apple a plusieurs initiatives en cours en Inde, cela va de la mise en place d’un réseau de boutiques à la création d’un centre de développement pour son service Plans.
Le nouvel iPhone SE semble bien taillé pour ce marché. En 2015, le prix moyen des smartphones vendus en Inde oscillait entre 75 000 et 80 000 roupies. Le dernier petit iPhone coûtera entre 39 000 et 49 000 roupies selon la capacité de stockage.
Ce tarif n’en est pas moins encore élevé pour une catégorie de la population. Samsung par exemple vend ses premiers smartphones à partir de 4 000 roupies.
Demande de visa pour les iPhone reconditionnés
Apple entend donc écouler des modèles reconditionnés en plus des iPhone neufs. Il peut s’agir par exemple de ces iPhone que les clients américains remplacent régulièrement en vertu du nouveau programme d’échange automatique lancé l’année dernière aux États-Unis.
Mais pour cela, Apple doit obtenir une autorisation d’importation et de vente de téléphones d’occasion, explique Bloomberg. Elle avait échoué l’année dernière en essuyant un refus du Ministère de l’environnement.
Cette fois, elle fait face à une levée de boucliers de ses concurrents. Sudhir Hasija, le patron du fabricant de téléphones et tablettes Karbonn Mobiles parle d’un label « Fabriqué en Inde qui pourrait devenir Jeté en Inde ». Allusion au statut de ces iPhone qui viendront finir leur deuxième vie en Inde.
Un groupe de lobbying autour des sujets qui intéressent l’industrie mobile indienne a été formé à la fin mars. Le Mobiles and Communications Council comprend des acteurs comme Samsung, Panasonic et de gros fabricants nationaux tels que Micromax et Intex. Le président de ce groupe s’est ainsi ému de la perspective de voir les iPhone reconditionnés obtenir un visa d’entrée dans le pays sans frais supplémentaires alors que d’autres biens « comme les voitures sont taxés à hauteur de 300 % en douane ».
D’autres arguments sont avancés pour bloquer l’octroi de cette autorisation. Le fait par exemple que cela encouragerait l’importation de téléphones fabriqués à l’étranger, contredisant ainsi la volonté du gouvernement de développer une telle industrie sur le sol national.
Sunil Vachani, le patron de Dixon Technologies, qui assemble les téléphones de différentes marques s’interroge sur le devenir de certains composants « Il faudra changer la batterie de ces millions de téléphones d’occasion importés, que fera-t-on de ces batteries, où iront-elles ? ». Et de se déclarer fermement opposé à toute évolution de la législation sur cette catégorie de produits.
Apple a anticipé l’attaque. Dans sa demande de dérogation, elle parle de mettre en place des usines de démontage et de recyclage des composants de ses téléphones. On se souvient qu’elle a fait grand cas de cette politique lors de sa dernière conférence, avec la présentation d’un robot qui automatise et perfectionne ces tâches.
Si les concurrents d’Apple jouent sur la fibre patriotique ou font valoir des critères environnementaux, leur inquiétude est bien sûr aussi économique. Le patron de Karbonn Mobiles ne s’en cache pas, Apple est d’abord un redoutable concurrent qui n’est pas là pour faire de la figuration : « Même si les iPhone reconditionnés sont vendus un peu plus de 10 000 roupies (130 € environ) cela aura un impact négatif sur nos ventes parce que les indiens pourraient préférer Apple pour le côté snob ».
Source : Bloomberg, Seeking Alpha