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« Les produits Apple sont une aubaine pour le monde de l'entreprise et de l'éducation »

Stéphane Moussie

mercredi 20 avril 2016 à 11:30 • 126

AAPL

25 milliards de dollars, c'est ce que pèse le monde de l'entreprise dans le chiffre d'affaires annuel d'Apple. C'est faible dans l'absolu — le CA 2015 fut de 233 milliards — mais c'est en progression de 40 % sur un an.

Le partenariat avec IBM a-t-il entraîné un essor des produits Apple en entreprise ? La confrontation avec le FBI a-t-elle eu un impact sur la réputation d'Apple ? Nous avons posé ces questions à Yoann Gini, consultant et formateur certifié, qui nous explique également la démarche derrière son service de DSI externalisée récemment lancé.

Yoann Gini est également l'auteur d'un livre sur OS X Server édité par MacGeneration

MacGeneration : Le FBI a fini par déverrouiller l'iPhone 5c du tueur de San Bernardino, mais après des semaines de recherche et de bataille contre Apple. De plus, la méthode employée ne fonctionne pas avec les iPhone plus récents. Au bout du compte, est-ce que cette affaire n'est pas une excellente campagne marketing — involontaire — pour Apple auprès des directions des systèmes d'information (DSI) ?

Yoann Gini : Dans les milieux à forte implication sécuritaire, iOS avait déjà fait ses preuves. Par exemple, d'après les informations à ma disposition, l’OTAN avait formellement interdit l’usage d’Android dans ses bureaux au bénéfice d’iOS (je ne sais pas si c’est toujours le cas aujourd'hui). Seuls les DSI ayant des problèmes de territorialité et ayant mal lu la documentation du MDM (mobile device management, logiciel permettant de gérer une flotte d'appareils, ndlr) ont des problèmes avec iOS aujourd’hui.

Avec cette affaire du FBI, Apple étend effectivement sa notoriété auprès des DSI moins impliqués dans la sécurité et auprès du grand public, et c’est une bonne chose !

Il faut rappeler que l'iPhone 5c en question était un appareil professionnel appartenant au comté de San Bernardino, l'employeur du terroriste. Cet iPhone n'était pas configuré avec un MDM. Est-ce que ça t'étonne qu'une administration publique ne gère pas les appareils de ses employés avec un MDM ? Qu'est-ce que cela aurait changé si cet iPhone avait été administré de la sorte ?

Ça ne m’étonne pas, ici comme ailleurs les organisations privées et publiques sont à la traine sur la gestion de terminaux mobiles. Les équipes IT ont toujours du mal à se faire aux nouvelles pratiques et quand il est question de réfléchir avec autre chose que des GPO (stratégies de groupe, ndlr) Windows, ça devient toujours compliqué. Surtout que le côté anti Apple est encore présent aujourd’hui.

Dans le cas qui nous intéresse, disposer d’un MDM aurait tout simplement permis à l’entreprise de déverrouiller l’iPhone en un clic et sans aucune perte de données.

Pourquoi ce côté « anti Apple » est-il toujours présent aujourd'hui ? Est-ce qu'Apple n'en fait pas assez ou s'y prend mal pour avoir les faveurs des DSI ?

Apple a fait ce qu’il faut et s’y prend bien auprès des DSI. Le problème c’est le refus de la formation de la part des informaticiens. Cette tendance n’est pas propre au monde PC, c’est exactement la même chose dans le monde Apple.

Prenez un IT habitué à faire du Mac depuis des années et parlez-lui de flotte d’iPad et de MDM, il vous dira qu’il n’est pas là pour jouer. Proposez-lui de se former à la gestion de terminaux Apple avec l’aide des programmes VPP (programme d'achat d'apps en volume, ndlr), DEP et d’un MDM et il vous dira qu’il ne voit vraiment pas l’intérêt. C’est la même chose dans le monde PC.

Image Apple

Une partie de ton travail est donc aussi de faire de l'évangélisation en faveur des produits Apple ?

Pas forcément en faveur des produits Apple, mais d’une informatique raisonnée. Le système d’information d’une entreprise est un réseau complexe qui va coûter de l’argent à l’origine, durant son fonctionnement, et s’il est bien conçu il va en rapporter également.

Mon travail en tant que DSI conseil est d’expliquer à mes clients les choix stratégiques dans leur gestion de l’information numérique. Pour qu’à la fin, l’outil informatique soit vu comme un avantage et non une contrainte.

En cela, les produits Apple sont une aubaine. Ils ne coûtent quasiment rien à l’exploitation, la majorité des logiciels nécessaires à leur gestion en PME sont gratuits et ils offrent un confort de fonctionnement pour l’utilisateur final qui est inégalable. Si l’entreprise investit correctement dans la formation de ses employés (qui reste un passage obligé quand on parle d’usage professionnel, même sous Mac) le rapport gain de productivité/investissement sera sans pareil.

Tu as récemment créé une société, Abelionni, qui fournit un service de type DSI externalisé aux PME. Pourquoi s'être lancé dans cette démarche ?

J’exerce depuis 2008 en tant que « simple » consultant et force est de constater que sur le marché européen nous avons un souci : que ce soit dans le monde PC ou encore plus dans le monde Mac, il n’y a pas d’acteur sérieux capable d’apporter une prestation adaptée au monde des PME.

Ma vision du monde est simple, et elle est partagée par mes clients : une PME doit exprimer un besoin fonctionnel, à charge du prestataire de faire en sorte que ça marche dans les contraintes données.

Un exemple très simple, je pense pouvoir dire que la majorité des décideurs qui liront cet article et ayant un partage de fichiers dans leur entreprise n’auront jamais entendu des questions comme : quel est le cycle de vie de vos données ? Quelles sont les interactions entre services ? Quelles sont vos contraintes règlementaires ? Avez-vous réfléchi aux problématiques d’auteur, de relecteur et de propriétaire d’un document ? Ces questions sont des points préalables à toute gestion de données et ne sont quasiment jamais abordées.

De la même manière, il est du devoir du prestataire d’aider le client à comprendre les tenants et aboutissants du XaaS (anything as a service, ndlr) en matière de stratégie d’entreprise. La plupart des prestataires laisseront le choix ou orienteront sur la solution qui leur rapporte le plus.

Pour ma part, je prends toujours le temps d’expliquer à mes clients les implications économiques et stratégiques de ces choix. De mon point de vue, OS X, iOS, Windows et tout le reste, c’est de la matière première. C'est au prestataire d’assembler et de configurer cela dans l’intérêt du client final.

J’ai créé Abelionni dans cette optique. À noter que mon entreprise ne fait que du conseil, je ne revends pas de matériel ou de licences logicielles et ne touche aucune commission d’apporteur d’affaires. C’est un choix que je m’impose afin de rester le plus neutre et objectif dans mon travail.

À quelles PME s'adresse Abelionni ?

Principalement celles qui n’ont pas de DSI ou qui cherchent à l’externaliser. Et bien évidemment à celles qui disposent d’un service d’infogérance simple et qui souhaitent mieux.

À savoir que mon offre de DSI externalisée est en quantité limitée. Une centaine de Mac m’occupe environ deux jours par mois de travail en gestion, plus les éventuelles réunions avec les comités de direction. De fait je limite le nombre d’entreprises sous contrat à 5 ou 6 par personne physique. Pour le moment je suis seul et au fil des demandes je chercherai à embaucher.

Image Apple

Pourquoi une PME voudrait-elle externaliser sa DSI ? Est-ce qu'une DSI externe, comme tu le proposes, peut être aussi efficace qu'une interne ?

L’intérêt d’une DSI externe se trouve dans le détail. Selon la taille de l’entreprise, le budget sera le même que pour une ou deux personnes qualifiées embauchées à plein temps, mais les compétences ne seront pas les mêmes. L’expérience dont je dispose ainsi que la variété de situations auxquelles je fais face tous les jours fait qu’il est impossible à une personne interne d’être au même niveau. Le problème ne vient pas de la personne, mais de son quotidien.

Dans mon activité de DSI externe, je n’ai pas un seul jour identique, et même si je mutualise les procédures techniques entre mes clients pour avoir un ensemble homogène et robuste, les procédures métiers sont différentes. De fait, lorsqu’un client me soumet une question j’ai toutes les chances de l’avoir déjà rencontré. Et si ce n’est pas le cas, j’ai à ma disposition un panel de situations éventuellement analogues qui me permet de répondre efficacement.

Mais est-ce qu'une DSI externe n'a pas une réactivité et une connaissance de l'entreprise inférieures à une DSI interne ?

En effet, la contrepartie d’une DSI externe est le temps de réaction. Cela se compense de plusieurs manières, entre autres avec la mise en place d'une procédure d’exploitation standardisée, automatisée et robuste. J’utilise pour les parcs de mes clients des méthodes de gestion habituellement utilisées pour les grandes entreprises. Cela me permet de réduire au minimum les actions humaines lors des configurations de postes de travail ou d’environnement utilisateur. Cela, combiné avec du matériel de rechange sur place (ancien Mac déclassé par exemple) et un groupe de référents informatiques volontaires au sein de chaque client, permet un fonctionnement optimal pour le client.

S'agissant de la connaissance du client, je ne pense pas qu’il y ait une très grosse différence, entre autres parce que je limite le nombre de clients par personne physique (entre 5 et 10 selon la taille des clients). Quand cette limite est atteinte, je ne prends plus de client sous contrat de DSI tant que je n’ai pas embauché un nouveau collaborateur. Chaque collaborateur étant contraint à un planning intégrant obligatoirement un petit nombre de clients suivis, un jour par semaine de recherche et documentation, et le reste en demande ponctuelle.

Cela me permet d’appliquer à ceux qui travailleront pour moi les méthodes qui m’ont permis de gagner mon expérience actuelle et ainsi garder ma société au plus haut niveau technique possible.

Ce fonctionnement permet aussi une autre chose : je suis capable de fournir un dossier du personnel externe pour les prestations de DSI. Un certain nombre de mes clients travaillent dans des domaines fortement audités : bancaire, pharmaceutique, sécurité… Pour toutes ces entreprises (et les autres), mon fonctionnement permet de garantir une conformité règlementaire sans failles.

Le partenariat entre Apple et IBM autour de l'entreprise s'est étendu au Mac l'année dernière. Dans le même temps, IBM a annoncé qu'il allait s'équiper de 200 000 Mac. Est-ce que tu as constaté un essor particulier du Mac dans les entreprises dernièrement ?

Oui, avec l’aide des Apple Store et de leurs équipes spécialisées nos entreprises prennent de plus en plus au sérieux l’usage du Mac comme outil de travail. Il reste encore des barrières psychologiques à faire tomber et des préjugé à enterrer, mais la demande est de plus en plus forte.

Entre autres, les décideurs ont une meilleure compréhension de l’informatique et du long terme. Je rencontre de plus en plus de monde totalement à l’aise avec les choix CAPEX ou OPEX. Si le Mac peut coûter plus cher en investissement initial, il tiendra bien plus longtemps et coûtera radicalement moins en support et gestion durant l’exploitation. Il pourra également subir plusieurs cycles de vie en descendant les strates de performances nécessaires en fonction des profils.

Anecdote amusante, les produits Apple ont une telle durée de vie quand ils sont gérés par un prestataire compétent que pour un de mes clients nous avons dû mettre en place un scénario de remplacement de machine par ancienneté. Le Mac dépassant très facilement les 5 ans de durée de vie en entreprise, nous nous retrouvions avec les nouveaux employés ayant des machines neuves et les anciens des machines « moins neuves ». De sorte à valoriser l’ancienneté, le cycle d’achat lors de l’arrivée d’un nouvel employé donne la machine neuve à un employé existant et prépare la machine ancienne pour le nouvel arrivant.

Apple a récemment lancé l'iPad Pro 9,7". On voit que la firme positionne de plus en plus ses tablettes comme des outils professionnels, capables de remplacer des ordinateurs traditionnels, selon elle. Est-ce que les entreprises sont demandeuses en tablettes ?

La demande existe, mais se concrétise difficilement, le problème est la manière de gérer la donnée d’entreprise et c’est de la faute des outils de bases de données qui jusqu’à présent ont toujours échoué à s’implanter de manière efficace en entreprise.

Pour la plupart des sociétés, les données importantes sont des tableurs Excel sur un point de partage en accès direct. L’iPad impose de travailler en mode synchronisé et non en accès direct, et l’usage d’un tableur est assez difficile. C’est ce qui pose problème dans la plupart des cas, la modélisation des données de l’entreprise est trop limitante.

Les cas de déploiement de flottes d’iPad les plus courants en entreprise aujourd’hui sont dans les usages commerciaux où il est essentiellement question de présentation de brochures et de saisie de commandes sur des outils web.

De manière plus récente, les gestions de chantier et des fiches d’interventions sur site passent de plus en plus sur iPad et surtout sur iPhone. Les logiciels standardisés dans le domaine sont de plus en plus fréquents et permettent de répondre à la plupart des demandes sans passer par un développement spécifique.

Au final, les organismes les plus consommateurs de tablettes de nos jours sont les écoles avec les projets de cartable numérique. L’iPad est un véritable joyau pour cela.

Justement, iOS 9.3 qui est disponible depuis le mois dernier contient des fonctions exclusives aux établissements scolaires. Qu'est-ce que cette version change ?

iOS 9.3 apporte au monde de l’éducation une normalisation de l’expérience utilisateur et de fait une rationalisation des prix.

Jusqu’à présent quelques gros éditeurs de MDM avaient leur propre application pour permettre aux enseignants de contrôler une salle de classe, mais pas tous. Avec iOS 9.3, Apple a introduit l’application En Classe qui est gratuite et utilisable par tous les fabricants de MDM.

De fait, l’expérience d’une école à l’autre est maintenant normalisée et les plus petites bourses peuvent fonctionner avec un MDM aussi simple que Profile Manager fourni avec OS X Server.

À côté de cela, iOS 9.3 avec Apple School Manager (bientôt disponible en France) va permettre le support efficace des iPad partagés. Jusqu’à présent nous étions obligés de former les enseignants à l’usage d’Apple Configurator v1 pour personnaliser et dépersonnaliser les iPad pour leurs cours. Une opération fastidieuse et lourde qui ne collait pas vraiment à l’idée que l’on se fait d’un produit Apple.

Le nouveau scénario permet à un iPad correctement administré, épaulé d’Apple School Manager et d’un MDM, d’être utilisable très simplement par plusieurs élèves. L’action de personnalisation et dépersonnalisation de la tablette étant aussi simple que de toucher sa photo sur l’écran d’accueil.

D'après toi, l'iPad peut lutter face aux Chromebook, qui sont moins chers et qui ont un clavier ?

Sans aucun problème. Contrairement à tous ses concurrents, l’iPad dispose d’un catalogue éducatif hors du commun et offre une expérience utilisateur sans pareil. Le clavier et le prix ne font pas le poids face aux besoins métiers. Que ce soit dans le monde éducatif ou celui de l’entreprise, un outil informatique est là pour répondre à un besoin et non à une liste de caractéristiques techniques.

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