La bataille de prétoires continue. Le gouvernement américain vient de transmettre au tribunal sa réponse à l'objection d'Apple dans l'affaire de San Bernardino.
Comme Apple l'avait fait pour s'opposer à sa demande d'assistance pour déverrouiller l'iPhone d'un terroriste, le gouvernement conteste point par point les arguments adverses.
Une opposition juridique...
L'avocate du gouvernement, Eileen Decker, accuse d'abord Apple et ses soutiens de vouloir faire « diversion » en invoquant des problématiques de chiffrement, de portes dérobées et de confidentialité. « Apple veut désespérément — a besoin désespérément — que cette affaire ne soit pas "celle d'un unique iPhone" », écrit-elle.
Pourtant, le patron du FBI a reconnu lui-même devant une commission du Congrès que cette affaire pourrait créer un précédent. Le procureur de New York, Cyrus Vance, a par ailleurs déclaré qu'il avait 175 iPhone qui attendaient d'être déverrouillés.
L'avocate défend ensuite fermement l'emploi de l'All Writs Act pour obliger Apple à fournir son assistance. Elle affirme que ce texte de loi de 1789 est toujours adapté aux technologies d'aujourd'hui et n'est pas un moyen de court-circuiter la voie législative.
Elle juge également que la demande ne représente pas une charge excessive pour l'entreprise, un prérequis pour que l'All Writs Act puisse s'appliquer. Pour le justifier, elle met notamment en avant que les 10 personnes nécessaires pour créer le logiciel faisant sauter des mesures de sécurité de l'iPhone (pour ensuite que le FBI fasse une attaque par force brute et découvre le code de déverrouillage) ne représentent rien à l'échelle d'Apple qui compte 100 000 employés. Mais c'est complètement occulter le fait que ces 10 personnes doivent avoir une connaissance parfaite des arcanes d'iOS, ce qui n'est évidemment le cas que d'une infime partie des employés de la Pomme.
... et technique
L'avocate du gouvernement accuse aussi Apple de ne pas s'être montrée coopérative. L'agent du FBI Christopher Pluhar raconte que des représentants de Cupertino, dont Erik Neuenschwander (Head of Privacy Engineering), n'ont pas voulu discuter de la faisabilité de la demande du gouvernement et ont à la place fourni une liste d'autres solutions techniques. Le FBI, qui les avait déjà essayées, les a testées une nouvelle fois sans succès.
Toujours dans la partie technique, le gouvernement souligne qu'il demande expressément à ce que le logiciel ne fonctionne que sur l'iPhone de Syed Rizwan Farook. Si ce logiciel venait à s'échapper des locaux d'Apple, il serait inopérant sur les autres iPhone, selon une experte technique du FBI. Quand bien même le logiciel serait adapté à d'autres iPhone, sa modification casserait sa signature électronique et empêcherait ainsi son installation, toujours d'après elle.
Tim Cook et les organisations de défense des libertés ont sinon averti que la requête du FBI pourrait faire tache d'huile dans d'autres pays, dont des régimes autoritaires. Le gouvernement américain combat cet argument en faisant remarquer qu'Apple se plie visiblement déjà aux exigences spécifiques de la Chine en hébergeant les données iCloud de ses utilisateurs chinois à l'intérieur du pays depuis 2014.
Eileen Decker revient enfin sur l'histoire de la réinitialisation du mot de passe iCloud de l'iPhone qui a empêché une sauvegarde dans le nuage plus récente. Alors que le patron du FBI a récemment déclaré qu'il s'agissait d'une erreur de ses services, le discours n'est plus le même au tribunal.
« Pour plusieurs raisons, forcer une sauvegarde iCloud n'aurait pas fonctionné même si le mot de passe n'avait pas été changé », déclare l'avocate, qui cite ensuite le témoignage de l'agent Christopher Pluhar selon lequel l'iPhone était éteint quand il a été saisi — il faut déverrouiller l'iPhone au moins une fois après un redémarrage pour que la sauvegarde se déclenche.
De plus, toujours selon cet agent qui a pu consulter un historique des opérations iCloud fourni par Apple, il semblerait qu'une réinitialisation du mot de passe ait été effectuée le 22 octobre (soit trois jours après la dernière sauvegarde qui a pu être récupérée). L'avocate ajoute que « la fonction de sauvegarde automatique a été désactivée », sans que cela n'apparaisse clairement dans le témoignage de Christopher Pluhar.
Pour conclure, Eileen Decker reprend la rhétorique du patron du FBI qui est que ce n'est pas à une entreprise, aussi populaire soit-elle, de faire sa loi.
Apple a jusqu'au 15 mars pour soumettre sa réponse définitive. Le face à face entre les deux parties aura lieu le 22 mars.