Barack Obama était l'invité très spécial de l'ouverture du festival SXSW, qui se tient actuellement à Austin (Texas), et où se rassemblent artistes et amateurs de technologie. Le président américain est évidemment revenu sur la bataille entre Apple et le FBI sur la protection des données privées, qui prend de plus en plus l'allure d'un combat entre la Silicon Valley et les autorités américaines (à 1h20 dans la vidéo).
Obama — qui quittera ses fonctions dans un peu moins d'un an — a appelé les protagonistes à trouver rapidement un terrain d'entente. Sinon il redoute que des décisions précipitées soient prises à l'avenir par le législateur, en réponse à de possibles futures tragédies. Il ne s'est pas prononcé spécialement sur le cas de San Bernardino et d'Apple, puisqu'il est encore entre les mains de la justice, mais il a parlé de la problématique du chiffrement au sens large, comme sujet de société.
Barack Obama a rappelé que les forces de l'ordre pouvaient obtenir un mandat et venir « fouiller dans vos sous-vêtements pour voir s'il ne s'y trouve pas des preuves ». Il a une fois de plus assuré au public présent que « le gouvernement ne veut pas regarder dans les téléphones bon gré mal gré », même si « l'épisode Snowden a relevé le niveau de suspicion des gens ». Néanmoins, il a aussi déploré le fait que « la question Snowden a grandement exagéré les dangers de l'espionnage des citoyens. Le fait est que nos agences de renseignement sont très scrupuleuses concernant les citoyens américains, les personnes sur le territoire américain ».
Concernant le problème du chiffrement des données, il comprend tout autant le désir de vouloir protéger les informations (les « secrets d'État et d'infrastructures », pour faire écho aux inquiétudes de Craig Federighi) que la volonté d'être capable de casser le chiffrement dans des circonstances spécifiques.
S'il est technologiquement possible de créer un appareil ou un système impénétrable, si le chiffrement est tellement fort qu'il n'existe aucune clé ou aucune porte, alors comment pouvons-nous appréhender les pédophiles ? Comment pouvons nous prévenir et déjouer un attentat terroriste ? Quels sont les mécanismes à notre disposition pour renforcer le recouvrement de l'impôt ? Si vous n'avez pas accès à ces informations, si le gouvernement ne peut pas avoir cet accès, alors tout le monde va se balader avec un compte suisse dans la poche, pas vrai ?
C'est pourquoi le président américain estime qu'il est impossible d'avoir une « vision absolutiste » sur cette question. Il faut éviter que le « fétichisme de nos téléphones » soit au-dessus de toutes les autres valeurs. « Ça ne peut pas être la bonne réponse ». La solution de Barack Obama est celle du FBI : un chiffrement certes robuste, mais que l'on peut déverrouiller avec une clé « accessible au plus petit nombre de personnes possible, [pour régler] un ensemble de problèmes ».
Pour créer un tel système, « nous avons besoin que la communauté technologique nous aide ». Il appelle à l'équilibre entre les points de vue, en évitant que chacun se retrouve dans son coin : « Si la communauté tech dit "soit nous avons un chiffrement fort et parfait, soit c'est un monde à la Big Brother", ce que vous trouverez en face, si quelque chose de vraiment mauvais arrive, ce sont des politiques qui vont se précipiter et ce sera bâclé (…) Ensuite, nous aurons quelque chose de vraiment dangereux ».
L'après Obama
Reste que la solution ne sera peut-être pas trouvée d'ici la fin de cet ultime mandat de Barack Obama. Sa possible remplaçante à la Maison Blanche, Hillary Clinton, est restée jusque là prudente sur cette affaire. Il y a quelques jours, elle avouait volontiers qu'elle n'avait pas de solution toute faite, mais qu'une forme de compromis devait être trouvée.
Il y a aujourd'hui une « véritable défiance » entre les entreprises technologiques et le gouvernement, c'est un « problème sérieux qu'il convient néanmoins de régler […] Je ne suis pas experte dans la manière dont il faut s'y prendre » :
Il doit y avoir un moyen de protéger la confidentialité des informations privées. Il doit y avoir une manière d'éviter que l'on ne sape le chiffrement de données et que cela ouvre la porte à de nombreuses et mauvaises personnes. Mais il faut un moyen de suivre les activités illégales et d'empêcher les crimes et le terrorisme. Je suis quelqu'un qui se retrouve dans le pire des dilemmes possibles.