Apple a adressé au Tribunal du district de Californie centrale une réponse détaillée aux allégations formulées il y a quelques jours par le FBI [pdf]. Apple avait d’abord réagi à chaud par quelques saillies cinglantes mais il lui restait à coucher par écrit ses réponses et contestations. Tout cela en prévision du rendez-vous au tribunal pour les deux protagonistes le 22 mars.
Apple oppose des arguments autant juridiques que techniques pour démonter l’argumentaire du FBI et demander en conclusion à la cour de rejeter l’ordonnance du gouvernement visant à l’aider dans son déplombage de l’iPhone du terroriste de San Bernardino.
Apple affirme que le gouvernement fait une lecture erronée et excessivement large de l’All Writs act sur lequel il base son ordonnance pour obliger Apple à collaborer, le transformant en une sorte de « baguette magique toute puissante » alors qu’il s’agit d’un outil de procédure limité. Les avocats de la Pomme déclarent que les « Pères fondateurs » (des États-Unis, signataires de sa Déclaration d’indépendance et de sa Constitution, ndlr) seraient « consternés » par l’interprétation qui est faite de ce texte, qui donnerait virtuellement tous les pouvoirs à ceux qui veulent l’utiliser.
Apple souligne qu’aucune affaire par le passé ne peut servir de point d’appui au FBI pour faire valoir sa demande, il n’y a pas de jurisprudence en la matière. Que les requêtes de l’agence dénotent « La mauvaise compréhension par le gouvernement de la technologie et de la nature des menaces dans le paysage informatique actuel ».
Autre contestation farouche, la supposée posture marketing d’Apple dans cette affaire. Robert Ferrini, qui gère la diffusion des campagnes publicitaires d’Apple explique [pdf] que depuis octobre 2014 et la sortie d’iOS 8, Apple a placardé 1 793 pubs à travers le monde, sur tous les supports possibles, générant environ 253 milliards d’impression (nombre de fois où elles sont affichées ou vues) et « qu’aucun de ces messages, pas un seul, n’a fait la publicité ou promu la capacité des logiciels d’Apple à bloquer les demandes d’assistance du gouvernement pour accéder aux contenus de ses appareils. »
Apple rejette d’une manière tout aussi véhémente l’allégation selon laquelle elle aurait accepté des arrangements particuliers avec la Chine où elle stocke dans ses data centers une partie des données d’iCloud : « Apple n’a jamais mis en place une porte dérobée de quelque sorte que ce soit dans iOS ou rendu techniquement plus accessibles les données stockées sur l’iPhone ou dans iCloud au gouvernement d’un quelconque pays. Apple utilise les même protocoles de sécurité partout dans le monde et suit les mêmes standards pour répondre aux demandes des forces de l’ordre ».
Le document égrène également quelques erreurs techniques dans les propos d’un agent du FBI chargé d’étudier cet iPhone : « Les données sauvegardées sur iCloud ne sont pas chiffrées avec le mot de passe de l’utilisateur » assène le responsable de la sécurité d’Apple, Erik Neuenschwander. Ou que « Le cache du clavier dans iOS 9 ne contient pas la liste des frappes effectuées par l’utilisateur », pour contredire le FBI qui suggère que des informations de cette nature pourraient être récupérées sur le téléphone. Erik Neuenschwander relève aussi que le FBI se mélange les pinceaux lorsqu’il décrit comme faisant partie d’un même écran le réglage général de sauvegarde d’iCloud et ceux des différents contenus (Mail, Photos, Notes, etc).
Le document est riche de contestations de toutes sortes ou de reprises de propos tenus par le directeur du FBI. Lorsque James Comey concédait que ce téléphone ne contenait pas nécessairement d’informations utiles à l’enquête ; que la technique mise en œuvre pour le déverrouiller pourrait être utilisée à nouveau dans d’autres affaires ; ou qu’il ne savait pas si ses services avaient passé en revue tous les recours techniques disponibles au sein d’autres agences du gouvernement.
En conclusion, Apple demande un rejet et une annulation pure et simple de l’ordonnance du gouvernement à laquelle elle a refusé jusque là de se plier :
« Il y a près de 90 ans, le juge Louis Brandeis, dans une réflexion sur le « progrès de la science » au-delà des techniques d'écoute avait lancé cet avertissement resté célèbre selon lequel 'Les dangers les plus grands pour la liberté sont cachés dans une invasion insidieuse par des hommes zélés, qui veulent bien faire, mais sans compréhension'. Dans le cas présent, les motivations du gouvernement sont compréhensibles, mais ses méthodes pour atteindre ses objectifs sont contraires à la primauté du droit, au processus démocratique et aux droits du peuple américain. »
Source : TechCrunch