Comment va évoluer la romance entre Apple et la Chine sur fond de vente d'iPhone ? Les résultats financiers d'Apple — donnés ce soir — seront scrutés de près et sur ce point en particulier. D'une part ce marché est devenu incontournable au point d'être le deuxième pour Apple à quelques encablures des États-Unis et devant l'Europe. D'autre part, il a donné des signes de ralentissements qui inquiètent tous les fabricants de produits électroniques, ceux de smartphones en premier lieu.
La difficulté pour Apple, souligne le Wall Street Journal qui consacre un article au sujet, consiste à fidéliser sa clientèle existante et à trouver des relais de croissance pour ses ventes auprès de clients plus économes et parfois moins attachés au critère de la marque.
Un exemple de cette clientèle à conquérir est donné avec une employée de 40 ans qui possède un banal téléphone Nokia. Au vu de son salaire mensuel équivalent de 1 000 yuans (152 $) la perspective de s'offrir un iPhone vendu cinq fois plus est irréaliste. Cependant, cette marque "Apple" continue de profiter d'un cachet élevé et c'est une assise précieuse.
Une étude de Bank of America Merrill Lynch en janvier, auprès de 1 093 sondés, montrait que 39% d'entre eux visaient un iPhone comme prochaine acquisition d'un smartphone, contre 25% pour un modèle Huawei.
Carl Pei, le cofondateur de OnePlus, marque locale de smartphones, estime qu'Apple a cet avantage de procurer un sentiment d'appartenance culturelle chez ses clients. « Une fois que les gens atteignent une certaine aisance économique, ils choisissent des produits avec lesquels ils nouent une relation émotionnelle ou culturelle, au lieu de ne considérer que le prix ». Et lorsque la situation économique se retourne, ces clients reporteront leurs achats de grosses voitures mais ils continueront d'acheter des smartphones.
L'iPhone a atteint ce statut enviable de symbole, comme l'ont des marques de luxe telles que Prada ou Rolex. Un téléphone qui est parfois surnommé « street phone » dans les grandes villes, raconte le quotidien, car il est partout visible dans les rues. Les boutiques également se multiplient. De nouveaux Apple Store ont été ouverts à marche forcée avec l'objectif d'en avoir 40 en activité cette année. Sur le seul mois de janvier, 5 auront été inaugurés, portant le total à 33.
Désormais il s'agit d'amener l'iPhone auprès d'un public plus large encore et d'avancer sur plusieurs fronts. « Apple a gagné à peu près toutes les parts de marché qu'elle pouvait escompter en Chine », déclare un analyste de Cowen & Co, qui estime qu'elle occupe les deux-tiers du segment des smartphones haut de gamme. Une partie de cette croissance peut aussi venir de clients chipés à des concurrents. Mais leurs téléphones montent en gamme tout en restant plus abordables qu'Apple.
Gagner des clients c'est bien mais il faut aussi conserver ceux que l'on a déjà. Apple a pour cela développé l'écosystème de ses services en Chine. Il y a aura prochainement Apple Pay. Précédemment, c'est l'iTunes Store qui a ajouté des films et des livres puis Apple Music a suivi. En 2015, c'est aussi la Chine qui a pris les devants sur les États-Unis en volume de téléchargement d'apps.
Des efforts qui s'ajoutent à ceux déployés pour s'adapter aux préférences locales. Tim Cook avait lui-même déclaré que la couleur or avait été dictée par les goûts du marché chinois et avait conduit à sa déclinaison en or rose. Sans oublier l'exemple d'une publicité spécifique pour nouvel an chinois en février dernier. Ce n'était pas une réalisation exclusive, le scénario était décliné d'une pub américaine, mais c'était une première sur le principe. Gageons que l'initiative sera reconduite cette année.
Patiemment, Apple a labouré le terrain pour cimenter sa position sur ce marché — non sans mal, avec parfois quelques polémiques (lire Chine : Apple félicitée pour les excuses de Tim Cook). La Pomme est partie de très bas, comme le raconte au Wall Street Journal Ron Johnson, l'ancien responsable des boutiques Apple Store. Il se souvient des premiers pas de la Pomme sur ce marché lorsque se posait la question, en 2010, d'y ouvrir des boutiques.
Arrivée à Chongqing, ville de 32 millions d'habitants, la délégation américaine fut soufflée : « Ça ressemblait à Manhattan. On ne pouvait qu'éclater de rire en réalisant à quel point nous étions peu informés sur le potentiel d'opportunités qui s'offraient à Apple ». Depuis, ce potentiel s'est plus que concrétisé. Sur son année fiscale 2015, Apple a vu la Chine progresser de 84% dans son chiffre d'affaires, avec 58,7 milliards de ventes et une part s'élevant à 24% du total. Un marché à surveiller comme le lait sur le feu…
[MàJ à 22h00] : comme supposé, une nouvelle pub 100% chinoise a été mise en ligne.
Source : Wall Street Journal / image : Thomas Bächinger