Le Royaume-Uni pourrait bien être le premier pays à forcer Apple et Google à abandonner leurs systèmes de chiffrement agressif des données. Un projet de loi, l’Investigatory Powers Bill, sera présenté ce mercredi avec un objectif simple : permettre à la police et aux agences de sécurité munies d’un mandat de la justice d’accéder aux informations chiffrées.
Pour justifier cette nouvelle législation, le Premier ministre David Cameron y va avec les gros sabots : « Ne créons pas une situation dans laquelle les terroristes, les criminels, les ravisseurs d’enfants, auraient un espace libre pour communiquer ». Des épouvantails déjà servis par l’administration américaine (lire : L'iPhone tue des enfants), mais qui n’ont pas réussi à émouvoir Apple : le constructeur tient mordicus à protéger la vie privée de ses utilisateurs en chiffrant de bout en bout leurs communications, ce que Tim Cook rappelle dès qu’il en a l’occasion. Le chiffrement est si efficace qu’Apple n’a aucun moyen d’accéder à ces informations.
Pour faire pencher la balance et rallier une opinion méfiante, David Cameron explique que si la communication par téléphone, fixe ou mobile, n’est pas sûre pour ces criminels, internet devrait l’être également. De son côté, Lord Carlile, l’ancien médiateur sur les lois anti-terrorisme, estime que la police et les services de sécurité ont été beaucoup diabolisés : « Je pense qu’il est absurde de suggérer qu’[ils] auraient l’envie occasionnelle de s’immiscer dans la vie privée des innocents ».
Le gouvernement britannique ne souhaite pas non plus interdire les techniques de chiffrement, ces dernières jouant un rôle important dans la protection des activités en ligne légitimes (protection des données bancaires, par exemple). Il faut alors savoir où le curseur va se poser… Les constructeurs auront-ils la possibilité et les moyens de s’en accommoder ? De ce qu’on comprend de cette fuite du Telegraph, il s’agit d’obliger Apple et Google à créer dans leurs systèmes d’exploitation des portes dérobées qui ne s’ouvriraient qu’à la demande des autorités. Les pirates se feront sans aucun doute un plaisir, voire un devoir, de craquer ces verrous, a répliqué Apple en substance.
En janvier de cette année, le Premier ministre anglais avait déjà réclamé de telles backdoors pour les applications de messagerie. Quelques mois plus tard, Apple faisait partie des 140 signataires d’une lettre ouverte demandant à Barack Obama de rejeter toute proposition législative visant à autoriser la création de portes dérobées dans les logiciels.