En plein lancement de l'Apple TV et de l'iPad Pro, Phil Schiller a parlé… MacBook et collaboration entre les équipes à l'occasion d'une interview donnée à Mashable. Le Senior Vice President Worldwide Marketing était accompagné de John Ternus, qui supervise l'ingénierie matérielle des Mac et des iPad.
Chez Apple depuis 1987 — une période entrecoupée d'une absence pendant la période où Jobs avait lui-même pris ses cliques et ses claques — Schiller est un vétéran de l'entreprise. Il a contribué à sa spectaculaire remise sur pieds entamée à l'orée des années 2000.
Le retour de Steve Jobs a conduit à une refonte progressive du processus de conception des produits. Apple répète régulièrement cette antienne d'une intégration poussée entre son logiciel, son matériel et ses services : « Mais cela signifie quelque chose de différent d'il y a 20 ans » remarque Schiller « aujourd'hui, ces équipes ne sont pas seulement intégrées pour concevoir quelque chose ensemble, elles planchent sur des fonctionnalités qui ne peuvent exister que grâce à cette intégration et elles trouvent des solutions uniquement du fait de cet avantage bien spécifique. »
Ce propos est illustré à plusieurs reprises par des exemples choisis sur le nouveau MacBook 12" Retina. D'abord, la combinaison des antennes du portable et de ses haut-parleurs, un duo surnommé "speaktenna". John Ternus explique :
Nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas créer de bonnes antennes et de bons haut-parleurs, sauf à faire un compromis. Ces deux éléments ont besoin de place. Les antennes sont de petites pièces mais il leur faut une cavité, une caisse de résonance.
Les deux éléments ont été littéralement « mariés » en une seule pièce : « Ca s'est terminé avec des ingénieurs radio qui en savaient plus que leurs pairs sur les haut-parleurs et des ingénieurs en audio qui en savent plus que n'importe qui sur les antennes. »
Cette optimisation aux contraintes de dimensions imposées par le design du portable s'est portée également sur les batteries. Schiller en avait fait grand cas lors de la présentation de la machine. Il n'y a pas une batterie monobloc mais six modules disposés en terrasse et découpés pour suivre la courbure du socle du portable. Un châssis dont la base en métal a été à certains endroits encore ajourée. Non pas dans le but d'aménager un peu plus d'espace pour les modules inférieurs de batterie, mais pour alléger encore le poids du MacBook (le démontage d'iFixit montre aussi une bonne présence de colle, ndr).
Les deux hommes ont insisté sur le degré de personnalisation apporté à chaque MacBook au moment de sa fabrication. Lorsque le journaliste maintient la base du MacBook alors qu'il s'apprête à ouvrir l'écran, Ternus lui suggère de se contenter de lever l'écran, et de voir que la base ne bouge pas d'un iota pendant le mouvement : « Ce n'est pas un hasard, chaque unité est mesurée sur la ligne d'assemblage sur la force requise pour l'ouvrir. Dans les faits, nous ajustons chacun de ces portables. »
« Chacun est unique » suggère le journaliste « pour faire en sorte qu'ils soient tous identiques » termine Ternus. Ce dernier s'est attardé sur le processus de fabrication apparement spécifique de cette machine. Chaque pièce produite peut respecter une fourchette de tolérances mais présenter tout de même quelques variations dans ses dimensions.
Si le trackpad et le top case du clavier diffèrent légèrement, ou si l'écran et son châssis ne correspondent pas tout à fait, ou encore si la pièce du logo Apple n'a pas l'épaisseur qui convient pour le capot auquel elle se destinait, des robots vont chercher sur la chaîne d'assemblage des pièces qui peuvent correspondre, comme pour un puzzle.
Cette exigence suppose une collaboration tout a fait particulière et étroite entre Apple et ses partenaires. « Tantôt nous nous dotons de ressources supplémentaires, de nouveaux talents pour réaliser quelque chose que nous ne savions pas faire » explique Phil Schiller « Tantôt, nous demandons aux autres de changer leur manière de faire pour répondre à nos besoins ». Chaque produit amenant de nouveaux challenges, appuie John Tirnus :
Nous leur demandons des technologies et des fonctionnalités qu'ils n'avaient jamais créées auparavant ni lancées sur le marché. Des choses qu'il pouvaient aussi vouloir faire mais sans en avoir jamais eu l'occasion. Quasiment chaque produit a un nouveau matériau, processus ou une technologie que nous n'avions jamais utilisées précédemment et inédites chez d'autres aussi.
Chaque enseignement reçu quant à la conception d'un produit peut servir potentiellement pour le suivant. Un exemple est donné avec la carte mère du MacBook, 67% plus compacte que celle du MacBook Air, elle fait irrésistiblement penser à celles que l'on voit depuis des années dans les iPhone et iPad.
Pour chaque création d'un nouveau produit, l'une des choses géniales dans ce processus c'est que les équipes ont toute liberté de ré-imaginer un produit afin de l'améliorer. Elles ne sont pas tenues à un calendrier, à une période de lancement imposée, ni à tout ce qui définissait la précédente version de ce produit.
Les gens demandent un peu d'audace, assure Schiller et le MacBook en est un bon exemple avec les choix radicaux qui ont présidé à sa conception : « C'est un peu paradoxal pour les gens, qu'en faisant ce à quoi ils ne s'attendent pas, cela finisse par correspondre à ce qu'ils veulent. Et c'est vrai pour le MacBook. »
Schiller rejette ensuite la notion qu'il y a une vraie demande chez les clients pour les formats hybrides. Ce mélange de tablette et de portable dont plusieurs fabricants de PC se sont fait une spécialité, au point que Microsoft a conçu le sien (lire Microsoft raconte la création de son Surface Book).
Il y a d'autres offres aujourd'hui, davantage de gens qui essaient de créer un marché, mais sur la base de toutes les données que j'ai pu voir, c'est un domaine encore minuscule, une niche qui n'évoluera peut-être même pas vers quelque chose de conséquent. L'avenir nous le dira.
Apple est-elle donc une entreprise parfaite ? « Non, bien sûr que non » répond Schiller « Et nous ne voulons pas donner à le croire. Nous ne le sommes jamais, nous essayons toujours de faire mieux et nous sommes toujours à l'écoute sur les choses que nous ne faisons pas comme il faut » (parfois une class action semble tout de même le meilleur moyen de déboucher les oreilles d'Apple à propos de certains de ses produits…).
Ces efforts payent au sens propre du terme. On l'a vu hier avec les résultats financiers et une progression encore des ventes de Mac (Apple ne ventile pas ses résultats en fonction du type des machines). Schiller donne la part de marché américaine pour le Mac qui frôle maintenant les 25 % (hors marchés de l'entreprise), le score « le plus élevé que nous ayons eu depuis les débuts du Mac. Notre plus importante part de marché ».
Est-ce que les services dans le nuage ne vont tout de même pas finir par relativiser l'importance du matériel que les gens possèdent ?, avance le journaliste. Aucunement, rétorque Schiller : « Je n'ai jamais vu quelqu'un dire 'Parce que j'aime stocker mes données dans le nuage, je vais m'acheter un matériel bas de gamme et je veux qu'il soit moche. Toutes choses étant bien sûr égales [tout le monde n'a pas les moyens de ses envies, ndr] personne ne raisonne ainsi. »
Pour Schiller, l'intérêt pour un bon et beau matériel n'a en rien diminué chez les clients, et c'est dans ce créneau qu'Apple entend bien creuser son sillon. « Partout notre objectif est de faire ce qu'il y a de mieux dans le domaine où nous choisissons d'aller » :
Il y a quelque chose qui est important et qui pour nous est une chance, c'est que nous avons des clients qui aiment véritablement ces produits. C'est quelque chose qui n'a jamais disparu et qui remonte aux premières générations de Mac. Les gens ressentaient un attachement, un lien et ils aimaient cette machine d'une manière qui n'était pas courante à l'égard d'un tel objet… À dire vrai, sachant que cela peut être le cas, nous essayons certainement de renforcer et faire perdurer ce sentiment, pas uniquement en faisant des produits étonnants, mais en nous identifiant nous aussi à eux.