Il est aujourd’hui très difficile pour un citoyen européen d’acheter un bien ou du contenu sur une boutique en ligne dans un autre pays que celui de résidence. Télécharger un morceau payant sur l’iTunes Store anglais est impossible avec un compte français, par exemple. La Commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, ne comprend pas « pourquoi je peux regarder mes chaînes danoises favorites — un service pour lequel j'ai payé — à Copenhague, mais pas quand je suis à Bruxelles ». Une situation d’autant plus étonnante que la libre circulation des personnes est un principe fondateur de l’Union européenne.
D’où proviennent les obstacles ? C’est pour répondre à cette question que la Commission européenne va lancer en mai une enquête sur le commerce électronique et les limitations qui empêchent d’accéder à des services en ligne en dehors du pays où le consommateur y a souscrit. Il existe certes des exceptions : ainsi, on peut commander un bien chez Amazon Allemagne avec un compte français. Mais globalement, l’expérience d’achat de services en ligne n’est pas particulièrement satisfaisant sur l’ensemble de l’Union.
La Commission déplore qu’« il subsiste au sein de l'UE d’importants obstacles au commerce électronique transfrontalier. Par exemple, des obstacles techniques, tels que le blocage géographique, peuvent empêcher les consommateurs d’accéder à certains sites web à cause de leur lieu de résidence ou des informations de leur carte de crédit ». Margrethe Vestager s’appuie sur une étude qui montre qu’un Européen sur cinq voudrait accéder à du contenu provenant d’un autre pays que le sien. 15% des consommateurs européens qui ont acheté un produit sur internet l’ont fait dans une boutique installée dans un autre État membre de l’Union.
L’enquête, qui se concentrera sur les obstacles de nature privée et contractuelle, rendra ses premières conclusions au milieu de l’année prochaine. La Commission se réservera ensuite le droit d’enquêter plus avant chez les distributeurs et fournisseurs de contenus qui pourraient abuser de leur position dominante pour restreindre le commerce électronique intra-européen. Les enquêteurs iront poser des questions auprès de commerçants en ligne, chez des comparateurs de prix, des revendeurs, … Au vu de la position d’Apple sur le marché de la distribution de musique et d’applications, on peut penser que la Commission ira fouiner aussi du côté des représentants européens de la Pomme.
Cette initiative s’inscrit dans un agenda bruxellois qui verra la Commission lancer le 6 mai des propositions en faveur de la création d’un marché unique du numérique en Europe. « Chaque jour, l'Europe est en train de perdre des opportunités en ne déverrouillant pas le grand potentiel de notre grand marché unique du numérique. Les emplois qui devraient être là ne sont pas créés. Les idées, l'ADN de l'économie de l'Europe — ne se concrétisent pas autant qu'elles le devraient. Nous allons améliorer cela », explique Jean-Claude Juncker le président de la Commission.
Ce marché unique du numérique pourrait générer 340 milliards d’euros par an pour l’économie du vieux continent. Bruxelles veut s’intéresser, entre autres, à la livraison de colis, à la modernisation de la législation sur le droit d’auteur, la simplification de la TVA (un sujet d’actualité houleux) ou la stimulation des investissements pour épauler le développement des réseaux haut débit.