À défaut de TIME, c'est le Financial Times qui fait de Tim Cook sa « Personne de l'année » 2014. Le quotidien économique explique longuement son choix qui aurait pu se justifier par les seules performances financières d'Apple sous la direction de Cook « la valeur d'Apple cette année s'est accrue autant que la capitalisation totale de Google », rappelle le journal. Il y a eu aussi les lancements réussis des iPhone 6, dont on connaîtra la traduction comptable en janvier avec les prochains résultats. Mais Cook a déjà averti le mois dernier que les précommandes en Chine avaient déjà battu des records.
Il y a eu aussi des lancements de produits ou services inédits, sans legs de la période Steve Jobs : l'Apple Watch, Apple Pay (lire Les transactions Apple Pay loin devant Google Wallet), le partenariat avec IBM dont les premiers fruits ont été dévoilés hier ou encore les milliards dépensés pour Beats.
Mais au-delà des produits, Cook a su prendre entièrement sa place à ce poste de patron d'Apple, non pas en faisant oublier Jobs — tâche impossible — mais en faisant évoluer l'entreprise selon de nouveaux critères et des valeurs dont il s'est fait le premier porte-parole. Jusqu'à un niveau hautement personnel. Son coming-out sur son homosexualité ayant été un jalon d'une extrême importance sur ce chemin.
Environnement, égalité, intégration… Cook entraine Apple sur une route où son prédécesseur ne s'était que moyennement engagé ou sans toujours offrir la même visibilité à ces thématiques. Le Financial Times souligne un autre élément différenciateur de Tim Cook comparé à des patrons plus classiques, avec sa sortie sans pincettes contre un actionnaire qui jugeait futile ces investissements réalisés ailleurs que dans les produits (lire Richard Branson a bien aimé le coup de gueule de Tim Cook). Cook lui avait vertement conseillé de revendre ses actions si sa politique — où tout ne se juge pas à l'aune d'un retour sur investissement — ne lui convenait pas.
Ginni Rometty, la PDG d'IBM, le décrit comme l'exemple parfait du « CEO moderne, il est informel, candide, accessible et authentique. Il est tel que vous le voyez »
Cook a su aussi également manoeuvrer avec la fronde de quelques gros actionnaires en lançant un plan de rachat de titres et détourner cet orage de ses troupes « Il est très, très fort lorsqu'il s'agit d'empêcher que la pression ne vienne gêner Apple dans son activité quotidienne. Il avait clairement des préoccupations en tête mais Tim a fait en sorte qu'elles n'interfèrent jamais avec les gens qui font ce qu'Apple sait faire de mieux » témoigne Bob Iger, patron de Disney et membre du conseil d'Apple.
D'autres décisions sont à porter à son crédit, détaille le quotidien. Comme d'avoir su renouveler les rangs de la direction d'Apple avec des gens venus d'autres univers que la high-tech (mode, luxe, musique) et d'avoir placé davantage de femmes à des postes importants de l'organigramme (Apple Store, Environnement, Conseil d'administration). De savoir aussi sanctionner, quitte à se séparer de vétérans, lorsqu'il estime qu'une faute grave a été commise (Scott Forstall ou même John Browett) et d'avoir recomposé les équipes pour une meilleure organisation opérationnelle.
En définitive, lorsqu'on observe le bilan dressé par le Financial Times, contrairement à ce que certains affirmaient ou redoutaient, Apple n'a pas déraillé après la mort de son cofondateur. Son remplaçant a su conserver la mécanique mise en place, préserver l'esprit du groupe, mais diriger cet énorme train sur de nouveaux rails et sans jamais ralentir.