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Ne confiez pas votre iLife à Apple

Nicolas Furno

mardi 25 novembre 2014 à 17:40 • 115

AAPL

Il est vain de chercher la recette du succès pour Apple dans un seul facteur, mais le fait de n’avoir jamais regardé dans son rétroviseur technologique a largement contribué à sa réussite. C’est précisément parce que l’entreprise a si souvent fait table rase du passé qu’elle a pu rester en avance sur ses concurrents et proposer des produits innovants. De l’interface graphique du premier Mac à l’abandon de la disquette dans le premier iMac, jusqu’à l’écran tactile du premier iPhone… on ne compte plus les innovations et ruptures technologiques du constructeur.

Le premier iMac abandonnait le lecteur de disquettes et optait pour l’USB : une machine en avance sur son temps.

Même si c’est moins spectaculaire, Apple suit la même stratégie côté logiciel. Régulièrement, l’entreprise abandonne des technologies pour se concentrer sur d’autres plus prometteuses : par exemple, en passant de Mac OS à Mac OS X, les logiciels sont aussi passés de Carbon à Cocoa pour leurs interfaces. Les développeurs se sont aussi adaptés à l’époque de la transition vers Intel et Apple n’hésite pas à leur imposer les nouveautés d’iOS très régulièrement.

En agissant ainsi, Apple force l’évolution constante de ses produits, ce qui permet de rester au meilleur niveau. Quand ses concurrents stagnent pour conserver une compatibilité maximale, l’entreprise de Cupertino évolue extrêmement rapidement et c’est une bonne chose… en général. En effet, ces évolutions par abandon ne font pas que des heureux.

Il arrive que la situation empire pour s’améliorer ensuite : les premières bêtas de Mac OS X étaient beaucoup plus lentes et instables que Mac OS 9, mais ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. Il arrive parfois qu’Apple abandonne un logiciel ou un service et laisse ses utilisateurs sans solution de repli. Des galeries photos de MobileMe aux anciens fichiers iWork, en passant par les sites publiés avec iWeb, les exemples se sont multipliés au fil des années.

Apple avait peut-être les meilleures raisons du monde d’arrêter tel logiciel ou tel service et il est évident qu’on ne les connaît pas. Il n’empêche qu’à chaque fois, l’entreprise laisse des utilisateurs sur le carreau, sans plan B. Et à chaque fois, le même sentiment amer : des gens investissent leur temps et leur énergie dans ces logiciels ou ces services, et finalement cela n’a servi à rien, car quelqu’un a décidé que le produit en question ne méritait plus d’exister. C’est un manque de respect pour l’utilisateur qui a passé du temps, mais qui compte peut-être aussi dessus pour conserver un souvenir important à ses yeux.

À chaque fois que cela arrive, Apple semble nous dire : « Ne nous confiez pas vos documents, ne nous confiez pas votre vie, nous ne sommes pas dignes de votre confiance ». Le constructeur n’a pas son pareil pour faire d’excellents produits, mais il peut aussi être son pire ennemi et ce manque d’attention en est un excellent exemple. Retour sur des services et des logiciels qui n’ont pas tenu leurs promesses…

D’eWorld à iCloud : Apple et le web

Apple n’a pas été le dernier sur internet, bien au contraire. Depuis vingt ans sans interruption, l’entreprise propose des services en ligne, une forme de record en la matière. Avant iCloud, il y a eu MobileMe, encore avant on avait .Mac, qui avait remplacé iTools et ces utilitaires en ligne avaient été précédés par eWorld. En janvier 1994, l’entreprise faisait même figure de pionnier à une époque où sites internet et même navigateurs web étaient encore très rares.

Tout se faisait depuis un logiciel installé dans Mac OS et on pouvait accéder à divers services, pour échanger des messages ou lire l’actualité. Ce service payant était parmi les premiers à être proposé au grand public, même s’il n’était qu’une interface aux services d’AOL, mais il montre bien qu’Apple avait compris l’importance de ce réseau. Malheureusement, eWorld a aussi ouvert la voie à une longue tradition d’abandons.

Au début des années 1990, Apple publiait un guide pour rouler sur « l’autoroute de l’information » : la métaphore était déjà là.

Apple est présent sur internet depuis ces années 1990, mais le constructeur manque aussi de constance depuis cette époque et si les services se sont succédés au fil des années, c’est bien parce qu’ils ont fermé qu’un nouveau service a pris leur place. Pour eWorld, la décision est prise rapidement : le service n’atteint jamais la rentabilité, car les navigateurs et l’accès libre à internet prennent rapidement le dessus (lire : Rétro MacG : eWorld, 20 ans après).

iTools succède à eWorld quelques années plus tard, en janvier 2000. Ces nouveaux services préfigurent l’iCloud que l’on connaît aujourd'hui, puisqu’ils rassemblent un compte mail, un espace de stockage en ligne (de 20 Mo !), un service qui permettait de mettre en ligne un site web, un service de cartes animées à envoyer — oui, c’était à la mode en 2000 — et un autre qui filtrait l’accès à internet pour les enfants.

L’accueil d’iTools en 2001

Tous ces services étaient gratuits (avec des options payantes, comme avec iCloud) et réservés aux utilisateurs de Mac. Mais iTools n’a pas duré très longtemps : juillet 2002, Apple annonce .Mac, son nouveau service en ligne qui remplace immédiatement le précédent. Sur le papier, c’est du positif (plus d’espace de stockage, plus de fonctions), sauf que la gratuité d’iTools n’est plus qu’un souvenir. Apple a choisi en effet de faire payer ses services en ligne et .Mac est facturé à l’époque 100 € l’année.

Un changement qui a fait grincer beaucoup de dents, on s’en doute, mais ce n’est pas la transition qui nous intéresse le plus, puisque toutes les fonctions ont été conservées. En revanche, quand Apple a mis .Mac à la retraite au profit de MobileMe, en juin 2008, il y a eu quelques pertes. Dans les grandes lignes, les utilisateurs avaient plus de choses qu’avant pour le même prix (encore plus de stockage, synchronisation instantanée), mais certaines fonctions qui avaient survécu à la transition d’iTools à .Mac ont été mises à la retraite sans autre forme de cérémonie.

C’est le cas d’iCards, le service qui permettait d’envoyer une carte numérique, ou encore du service d’hébergement de sites web. Certes, Apple fournissait une sorte de réponse à chaque fois, d’un côté avec les modèles de mail dans Mail (à partir de Mac OS X Leopard) et de l’autre avec iWeb, son éditeur de sites internet. Mais ces solutions ne correspondaient pas tout à fait à ce qui disparaissait — Mail, par exemple, proposait beaucoup moins de modèles et on perdait le côté animé — et le constructeur n’a donné aucune solution de repli à tous ceux qui comptaient sur ces fonctions.

Ceux-là se sont probablement sentis trahis par l’entreprise, d’autant plus que ces services étaient le plus souvent utilisés par des personnes qui comptaient dessus, sans savoir nécessairement comment trouver une solution alternative. Et ce n’est pas fini : dernière étape jusque-là dans l’histoire d’Apple et le web, le lancement d’iCloud pour remplacer MobileMe. Juin 2011, le constructeur revient à la formule gratuite des iTools, avec des options payantes et ce nouveau service ajoute encore des fonctions. Mais aussi, quelques victimes.

Alors que l’entreprise avait poussé l’intégration entre sa suite iLife et ses services en ligne pendant des années, iCloud a coupé les ponts. Et pourtant, c’était des fonctions utiles et utilisées. iPhoto permettait de publier rapidement une galerie de photos avec sa famille, avec des fonctions de commentaires et même mieux : en cochant une case, on permettait à tous ceux qui avaient accès à la galerie de l’enrichir avec leurs propres photos. Avec iCloud, Apple a supprimé la fonction et n’a proposé qu’une alternative partielle avec le flux de photos partagé qui nécessite d’avoir un produit Apple pour accéder au contenu. Et quid des galeries déjà en ligne ? On a pu les récupérer pendant une période donnée, et puis plus rien : c’est léger pour quelque chose d’aussi personnel et important que des photos de famille…

C’est la même histoire pour iWeb. Sorti pour la première fois en 2006, ce logiciel permettait de créer un site web sans toucher au code, mais avec autant d’options et de fonctions que si l’on maîtrisait parfaitement HTML et CSS. Pour réaliser un site statique, c’était vraiment un excellent outil, même si le code généré était très lourd et les sites un peu lents à la fin. Malheureusement, Apple l’a finalement abandonné et iWeb a peu évolué, avant d’être abandonné avec la fin de MobileMe. Certes, on pouvait toujours publier son site sur n’importe quel serveur, mais on perdait alors des fonctions (notamment pour les blogs).

L’histoire d’Apple avec le web est aussi longue et riche qu’elle est pleine de cadavres. On ne peut pas reprocher au constructeur d’avoir expérimenté et, forcément, d’avoir abandonné des technologies dépassées. Les plus anciens se souviendront peut-être que les iTools permettaient de mettre en ligne des vidéos, des années avant YouTube !

iWeb était d’une simplicité remarquable pour créer son site, tout en offrant des possibilités quasiment infinies : aucun autre outil comparable n’a retrouvé cet équilibre entre simplicité et polyvalence.

Le problème à chaque fois, ce n’est pas qu’Apple abandonne une fonction, mais plutôt la méthode suivie. Quand on propose un service pendant des années, des utilisateurs finissent par s’y attacher, surtout quand c’est un service qui vous concerne personnellement, comme l’envoi de cartes ou la création de galeries de photos. Dès lors, arrêter ces services quasiment du jour au lendemain sans vraie solution de repli est un manque de respect flagrant. Si Apple se souciait vraiment de ses utilisateurs, l’entreprise aurait dû prévenir plus tôt, proposer un délai plus long avant d’arrêter les services, voire leur offrir de vraies alternatives.

Et si l'on peut espérer que l'entreprise apprenne de ses erreurs, les dernières nouvelles en la matière n'inspirent pas vraiment confiance… (lire : iCloud : un développement freiné faute d’une équipe dédiée ?)

iWork laisse tomber les anciens fichiers

On a déjà eu l’occasion d’évoquer le cas d’iWork et de son développement chaotique : la suite bureautique d’Apple a connu un excellent départ, avec trois logiciels tous originaux et basés sur d’excellentes idées. Mais, notamment à cause du choix de repartir sur la base de l’application iPad, le développement a non seulement stagné ces dernières années, les logiciels ont aussi régressé du côté des fonctions proposées.

Inutile de revenir sur ce développement compliqué toutefois, ce qui nous intéresse cette fois, c’est le format de fichier. Depuis sa naissance avec la première version de Keynote (l’outil dédié aux présentations) sortie en 2003, les appareils mobiles sont sortis, ce qui a forcé Apple à adapter le format choisi à cette époque. Le format a toujours réuni au sein d’un même « paquet » — un dossier reconnu comme un fichier par le système — deux éléments : les données brutes (texte, chiffres, etc.) et les médias utilisés dans les documents.

Le principe du paquet avec les fichiers média et le texte réunis en un seul fichier n’a pas changé en plus de dix ans. C’est logique, c’est une excellente chose, puisque l’on peut ainsi conserver le texte et les images de sa présentation en un seul endroit. Mais si l’on entre dans les détails techniques, les choix effectués par Apple en 2003 ont commencé à poser problème quand il a fallu synchroniser les documents. Le choix d’un fichier XML unique en particulier était gênant pour des transferts rapides, car ce fichier pouvait peser plusieurs mégas sur les plus gros documents.

Avant même de parler de Handoff, il fallait déjà régler ce problème de la taille des fichiers pour la synchronisation avec iCloud. Apple a changé à deux reprises son format de fichier : avec iWork 09, le paquet a été compressé pour réduire sa taille, mais ce changement n’a pas suffi et le plus important a eu lieu avec la dernière version majeure, en 2013 (lire : iWork 2013 : un nouveau format pour la synchronisation). Rien n’a changé en apparence — il s’agit toujours de paquet et les extensions sont toujours les mêmes —, mais à l’intérieur, les données brutes sont compressées et beaucoup plus faciles à transférer (si le sujet vous intéresse, vous trouverez toutes les explications techniques à cette adresse).

Vous utilisez iWork depuis plusieurs années ? Gardez bien précieusement une copie d’iWork 09, sinon vous risquez d’avoir ce genre de message et vous ne pourrez rien faire…

Le problème, ce n’est pas qu’Apple a changé le format de fichier d’iWork. Le problème, c’est que les dernières versions des trois logiciels qui composent la suite bureautique d’Apple ne sont plus capables d’ouvrir l’ancien format de fichier. Si vous avez encore des documents créés dans une version antérieure à iWork 09, c'est-à-dire avec Pages 3, Numbers 1 ou Keynote 4, vous ne pourrez plus les ouvrir sur votre Mac, à moins d’avoir conservé l’ancienne version de la suite.

En effet, les versions actuelles des logiciels sont capables d’ouvrir les fichiers dans le format actuel et dans le format précédent (celui d’iWork 09), mais pas dans le format encore d’avant (celui d’iWork 08). S’il vous reste des fichiers de 2007 ou d’avant et si vous ne les avez jamais ouverts depuis cette date, vous ne pourrez plus les ouvrir aujourd'hui : un message d’erreur vous indiquera que seul Keynote, Pages ou Numbers de la génération 09 sont capable d’ouvrir et de convertir le document. Une fois cette première conversion effectuée, vous pourrez ouvrir le document dans la dernière version de la suite bureautique, en réalisant au passage une nouvelle conversion.

En sortant une mise à jour majeure de sa suite bureautique en 2013, Apple savait probablement que ce changement de format allait poser problème et c’est pourquoi le constructeur a tenté d’apporter une solution. Plutôt que d’écraser iWork 09 en installant la nouvelle génération, les deux versions restent dans le dossier des applications. Si vous n’avez pas effacé l’ancienne suite bureautique, vous avez toujours un sous-dossier iWork ‘09 avec les trois logiciels. Gardez-le précieusement si vous avez aussi des anciens documents iWork : vous en aurez besoin pour les ouvrir.

Si vous avez encore iWork 09 sur votre Mac, la dernière version d’iWork vous permet d’ouvrir le fichier dans celle-ci pour convertir le fichier.

Cette solution est vraiment un pis-aller de la part d’Apple : combien de temps reste-t-il avant qu’une mise à jour majeure du système bloque le bon fonctionnement des trois logiciels ? Et puis, plus le temps passe et plus les chances d’encore avoir iWork 09 sur son Mac s’amincissent. Sans compter les cas où l’on retire les trois anciens logiciels pour gagner un peu de place sur son SSD, quid des Mac achetés depuis la sortie du nouvel iWork ? Ceux-ci sont livrés sans l’ancienne suite bureautique et dans ce cas, le constructeur n’a prévu aucun plan B.

Contrairement à certains logiciels que l’on peut encore retrouver sur le Mac App Store, il est en effet impossible de télécharger iWork 09 sur la boutique d’Apple. Et à notre connaissance, il n’y a par ailleurs aucun moyen légal de télécharger la suite bureautique sur le site officiel de l’entreprise. Vous avez un vieux document iWork à ouvrir et vous n’avez pas l’ancienne version du logiciel sur votre Mac ? Votre seule solution reste le téléchargement illégal. Nous l’avons testée, c’est facile et rapide, mais c’est scandaleux qu’Apple ne propose pas une solution plus simple à un tel problème.

Pour une entreprise qui se targue de viser le grand public, comment expliquer laisser ses utilisateurs face à un tel problème ? On n’exige pas d’Apple une prise en charge d’un format vieux de 20 ans, mais iWork 08 est sorti en 2007, il y a sept ans seulement. Est-ce vraiment trop demander que la suite bureautique soit capable d’ouvrir les documents, quitte à ce qu’il y ait un peu de perte au niveau de la mise en page ?

Ou à tout le moins, est-on en droit d’espérer une solution accessible à tous pour récupérer une ancienne version du logiciel encore compatible avec son fichier ? Dans le pop-up d’erreur, un lien vers un formulaire qui permettrait de télécharger les anciennes versions serait une bien meilleure solution que ce simple message qui laisse entendre que ce que l’on a fait quelques années auparavant est définitivement perdu. Pour une entreprise qui se targue d’être accessible au grand public, cette situation est d’une complexité infinie : si Apple se souciait un minimum des données de ses utilisateurs, on imagine qu’une solution plus simple et plus élégante existerait…

[MàJ 25/11/2014 18h36] : comme l'indique Qwaser, la version de démonstration d'iWork 09 proposée en 2009 par Apple est toujours en ligne. Vous pouvez la télécharger en cliquant sur ce lien direct (450 Mo) et vous aurez alors 30 jours pour ouvrir et convertir tous vos anciens fichiers. Ce n'est pas idéal, mais c'est mieux que rien… profitez-en tant qu'Apple n'est pas au courant que le lien fonctionne encore !

Le logiciel ne sert qu’à appuyer le matériel

Ces deux exemples, les services web et le format d’iWork, montrent une chose. Apple sait être constant et garder un cap année après année, mais uniquement sur le matériel. À quelques rares exceptions près — le Mac du vingtième anniversaire est un exemple spectaculaire — les produits Apple disparaissent lentement, ou sont toujours remplacés par un modèle équivalent. Pour prendre un exemple très récent, l’iPod classic a fini par mourir après des années sans mise à jour et sans intérêt autant de la part du grand public que de la part de son concepteur.

En revanche, côté logiciel, Apple a beaucoup de mal à rester sur cette ligne constante. L’entreprise peut exceller et fournir les meilleurs logiciels à un moment donné. Elle a d’ailleurs montré que ses ingénieurs et designers pouvaient réinventer complètement une interface ou l’ergonomie d’un logiciel, mais le constructeur n’arrive pas à tenir suffisamment longtemps. Et en général, le logiciel ou le service est abandonné un petit peu trop vite, alors qu’il y avait encore des utilisateurs qui comptaient dessus.

C’est le cas d’iWork qui est passé par plusieurs réécritures complètes au prix de ses fonctions de base et même d’incompatibilité de son format de fichier. C’est le cas des services web qui disparaissent au fil des années, en général sans vraie solution de repli. Mais c’est aussi le cas de la majorité des logiciels produits par Apple ces dernières années, au moins sur Mac. Que l’on en juge à iMovie simplifié à l’extrême en 2007, à iPhoto qui n’évolue pas depuis des années ou même aux outils professionnels ! Aperture, qui était si populaire il y a quelques années, est abandonné et Final Cut Pro X a eu bien du mal à se faire la même place que son prédécesseur.

À qui la faute ? Sans doute en partie à l’incapacité du constructeur à s’agrandir suffisamment pour composer des équipes suffisantes non seulement pour créer ces logiciels, ce qui est relativement facile, mais aussi pour les maintenir les années suivantes, ce qui est beaucoup plus difficile. Apple en a les moyens, mais jusque-là, l’entreprise créée par Steve Jobs voulait conserver la taille et l’esprit d’une start-up, ce qui est probablement incompatible avec le développement de plusieurs logiciels sur plusieurs années. Sans compter qu’Apple développe deux systèmes d’exploitation et qu’elle sort désormais une mise à jour majeure chaque année, ce qui occupe inévitablement un grand nombre de développeurs.

Apple, une petite équipe en 2007 ; de gauche à droite, Phil Schiller, Tony Fadell, Jony Ive, Steve Jobs, Scott Forstall et Eddy Cue.

Ces équipes probablement trop petites pour assurer un développement de qualité ne sont pas une fatalité toutefois. Apple est l’une des entreprises les plus riches au monde, elle pourrait recruter si elle le souhaitait. Certes, il ne suffit pas d’ajouter du monde à une équipe pour obtenir immédiatement des résultats, mais si l’entreprise le voulait, elle pourrait grossir ses équipes. Il faudrait aussi peut-être augmenter le prix des logiciels au lieu de les brader comme c’est le cas depuis quelques années. C’est sans doute une preuve de plus que ce n’est plus la priorité et que le constructeur n’espère pas gagner d’argent grâce à cette section.

Au fond, le problème, c’est qu’Apple ne veut probablement pas augmenter les équipes et vendre ses logiciels à un tarif suffisant pour qu’ils soient rentables. La priorité absolue reste le matériel et le logiciel développé à Cupertino n’est qu’un moyen parmi d’autres de vendre des Mac ou des appareils mobiles. Quand l’accès à internet est encore difficile, Apple vend l’iMac comme l’ordinateur qui permet à monsieur et madame tout le monde de s’y connecter (avec la fameuse publicité en trois étapes, sans troisième étape) et l’entreprise fournit des services associés, souvent gratuits.

« Le chemin le plus coloré vers internet » : au tournant des années 2000, Apple joue la carte du web à fond, et propose ainsi des outils en ligne gratuits pour accompagner ses Mac.

Plus tard, c’est la suite de logiciels iLife qui met en avant les capacités des Mac à traiter les photos, les vidéos ou la musique et ces logiciels sont bien développés. Avec le développement des terminaux iOS, Apple a de nouveau été à la pointe en matière d’applications et la suite iWork en est un bon exemple. Quand le constructeur sort son iPad en 2010, personne ne s’attendait à utiliser une suite bureautique complète sur l’appareil, mais c’est pourtant la proposition d’iWork dans la foulée du lancement de la tablette. À l’époque, c’était impressionnant, même si cela s’est fait au détriment du logiciel sur Mac.

Apple joue la carte de l’émotion quand ça l’arrange

Aujourd’hui, Apple a-t-elle besoin d’un logiciel ou d’un service pour vendre ses produits ? Que ce soit les Mac ou les appareils iOS, il semble que le matériel se suffise à lui-même, accompagné bien sûr d’iOS et d’OS X ainsi que des App Store. Et pour tous ceux qui ont investi du temps et leur famille dans des produits ou des services qui ont été utiles à Apple avant d’être abandonnés, le constat peut être un peu amer.

Il l’est d’autant plus qu’Apple a consciemment joué la carte de l’émotion quant ça l’arrangeait. Que l’on en juge à cette publicité, la première diffusée à la télévision pour iPhoto, son gestionnaire de photos. Le constructeur joue alors au maximum cette carte en montrant un couple de jeunes parents et en utilisant les fonctions du Mac et du logiciel pour susciter l’émotion.

Il arrive qu’Apple oublie l’essentiel, que ses produits sont utilisés par des utilisateurs, de vraies personnes qui y passent leur temps et surtout leurs émotions. Comme dans les publicités, certaines personnes qui ne connaissaient rien en informatique ont pu prendre des photos de leurs enfants et les gérer avec iPhoto, avant de les partager dans une galerie web. Ou créer un site avec iWeb pour raconter leur lune de miel par exemple. Et alors qu’ils espéraient peut-être garder ces souvenirs pour leurs enfants, quelqu’un, à Cupertino, a décidé que la priorité avait changé et a tout fermé du jour au lendemain.

Tous ces efforts gâchés n’empêchent pas Apple de connaître le succès que l’on sait. On peut malgré tout regretter que l’entreprise ne se gêne pas pour exploiter l’émotion pour vendre ses produits, et oublie que ce n’est pas qu’un argument marketing et que certains utilisateurs s’investissent vraiment sur le plan émotionnel avec ces produits. Qu’on se rappelle encore cette autre publicité, diffusée autour de Noël l’an dernier, où l’on voit un adolescent utiliser son iPhone pendant les fêtes non pas pour s’isoler avec ses amis, mais pour réaliser un film.

Même si cette publicité n’évoque pas un logiciel en particulier, c’est toujours la même idée : Apple exploite la corde sensible dès qu’elle en a l’occasion, mais en laissant le sentiment que ce n’est que de l’opportunisme. Quand on voit cette publicité pour l’iPhone, celle pour iPhoto ou une autre créée par Apple sur la même tendance des émotions, ne doit-on y voir que des publicités aussi cyniques que les autres ?

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