Ralph Nader se présente un peu comme l’anti Carl Icahn : certes, les deux sont des « investisseurs activistes », mais là où Icahn pense surtout à la taille de son portefeuille, Nader se veut le champion des causes d’intérêt public, avec un profil d’avocat écolo marqué à gauche — une anomalie dans le paysage politique américain. Carl Icahn s’est récemment distingué en réclamant de Tim Cook une hausse du programme de rachat d’actions, afin d’en augmenter le cours et la valeur (lire : Optimiste, Carl Icahn demande à Tim Cook de racheter encore plus d'actions). Ralph Nader a utilisé la même arme que son rival, à savoir celui de la lettre ouverte au CEO d’Apple, pour faire connaitre ses propositions concernant l’utilisation du trésor de guerre de l’entreprise.
Elles sont diamétralement opposées à celles de Carl Icahn : Nader demande à Tim Cook de réduire l’ampleur de son programme de rachat d’actions et d’investir cet argent pour augmenter les salaires de ses salariés, en particulier en Chine.
Celui qui s’est présenté cinq fois à l’élection présidentielle américaine calcule qu’Apple aurait pu générer un minimum de 6,5 milliards de dollars d’intérêts en plaçant son surplus de trésorerie dans une fondation; « assez pour doubler les salaires (…) pour des centaines et des milliers de travailleurs de l’iPhone, tout en finançant un budget de 1,1 milliard pour assurer des standards de haute qualité pour la santé, l’environnement et la sécurité dans les usines Apple ». En bout de course, « les travailleurs dans les usines chinoises d’Apple pourraient être finalement capables d’acheter l’iPhone qu’ils fabriquent ».
« Conçu par Apple en Californie » est un euphémisme qui cache une réalité bien moins reluisante, écrit Nader : il faudrait plutôt y lire « Fabriqué par des travailleurs payés environ 1$ de l’heure durant des journées de 11 heures de travail, qui dorment à huit dans des pièces dans les dortoirs des usines de Jabil Circuit à Wuxi, en Chine ».
Ralph Nader estime qu’Apple dispose de tous les moyens afin d’améliorer l’ordinaire de ses salariés et surtout ceux de ses fournisseurs. « Vous avez le choix pour ces 130 milliards de dollars : des salaires décents pour les travailleurs ou le rachat d’actions pour des milliardaires ». L’avocat qui a passé sa vie à défendre le droit des consommateurs propose à Tim Cook de laisser choisir ces mêmes consommateurs : si l’intérêt de ces derniers va « vers des iPhone plus fins et des MacBook plus élégants, ils montrent aussi de l’intérêt pour des conditions de travail plus dignes et des salaires décents pour les travailleurs qui fabriquent les produits [d’Apple] ». Qui devrait recevoir l’argent d’Apple, les actionnaires ou les ouvriers chinois ? C’est la question que pose Ralph Nader à Tim Cook, qui conclut : « Avez-vous peur [que les consommateurs] pensent différemment sur ce problème que Carl Icahn ? ».