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AltConf 2014 : retour sur la riche conférence alternative à la WWDC

La redaction

lundi 23 juin 2014 à 09:42 • 2

AAPL

AltConf (ex-AltWWDC) est une conférence indépendante et alternative qui se tient en marge de la WWDC... et pour ainsi dire sur le trottoir d’en face. Nous avons interrogé Victor Broido, COO du studio de développement DigiDNA, intervenant et sponsor de cette édition 2014.

MacGeneration : Comment s'est déroulée cette deuxième édition de AltConf ?

Victor Broido : très bien, elle a connu cette année encore un grand succès. Même si aucun chiffre n'a été communiqué par les organisateurs, l’affluence était bien supérieure à l'année dernière. Que ce soit dans l’amphithéâtre de plus de 200 places du Children’s Creativity Museum que chez Jilian’s, l'immense pub en face du Moscone Center, il y a avait beaucoup de monde. AltConf prend de l’ampleur, et on a entendu dire qu'Apple voyait cet événement d’un très bon œil.

Tu dis qu'Apple voit d'un bon œil AltConf, pourtant elle a fait annuler une autre conférence annexe à la WWDC (CocoaConf Alt) l'année dernière. Comment tu expliques cette clémence ?

La conférence en question était une conférence Cocoa, et ça c’est la propriété d'Apple… ils n’allaient pas laisser passer une conference « dissidente ». Dans le cas de AltConf, c’est vraiment différent, on parle code mais de manière beaucoup plus large et ouverte. En terme d’image AltConf colle vraiment avec la vision originale d’Apple. C'est très personnel, mais je pense qu’Apple est nostalgique de son passé anticonformiste d’une part, et d’autre part que le management actuel sait très bien que les talents et l’énergie créatrice qui font sa force se nourrit de cette culture « alternative »…

Quel est le public de AltConf ?

À mon avis pas mal de monde assiste à AltConf à défaut d’avoir accès à la WWDC. Ceci dit, on y voit aussi pas mal de personnes qui ont des badges pour la WWDC mais qui savent que d’autres sujets sont abordés à AltConf. C’est sûrement du 50-50.

Justement, est-ce que paradoxalement AltConf ne se coupe pas d’une partie de son public en se passant au même moment que la WWDC ?

Non. Je pense que le fait que les deux soient en même temps est un avantage indéniable, il y a beaucoup d’étrangers et même de développeurs américains qui convergent vers San Francisco pour l’occasion. Et rester à SF une semaine n’est déjà pas donné, donc autant concentrer et « forcer » les gens à faire des choix.

Y’a-t-il des ponts entre la WWDC et AltConf ?

Oui, clairement. Déjà il y a des intervenants à AltConf qui sont inscrits à la WWDC (Saurik, Saul Mora, Jack Dempsey…) et surtout toutes les parties ! Du plus commun au plus exclusif, la WWDC c’est des soirées de dingues à travers SF, personne ne dort et tout le monde sort… qu’on participe à l’une ou l’autre des conférences, c'est bien égal. On est là aussi pour ça.

Quel a été le contenu de cette édition ?

La programmation a été foisonnante puisqu’en une semaine pas moins de 45 talks (des présentations, ndr) et 15 labs (ateliers pratiques) se sont tenus dans les deux lieux. Les labs ont été l'occasion d'aborder des thématiques vitales aux développeurs, telles que l’accessibilité, la gestion du reporting des crashes et autres analytics, les problèmes liés aux provisionning profiles... Et la liste des intervenants lors des talks était impressionnante aussi bien par sa quantité que sa qualité. On a parlé code avec des vedettes comme Aaron Hillegass (ancien de NeXT et Apple, auteur prolifique sur Objective-C et Cocoa) et Matt Thompson (ingénieur de Panic Software). Dans l’auditoire aussi on a vu quelques pointures du monde Mac, telles que Bill Atkinson, un des pères du Macintosh.

Qu'est-ce qui différencie AltConf des autres événements dédiés aux développeurs Apple ?

Des sujets très importants pour les développeurs qui sont généralement peu abordés lors des conférences sont traités à AltConf. Je pense notamment à l'atelier pour apprendre à piquer la curiosité des journalistes. C'était une session pratique et passionnante animée par des journalistes de célèbres sites : Arnold Kim (MacRumors) Mark Gurmann (9to5Mac), Peter Cohen (iMore), Nicole Martinelli (Cult Of Mac) et Victor Agreda, Jr. (TUAW).

Ce lab a été très apprécié du public constitué de nombreux développeurs qui en ont profité pour justement faire leur pitch à cette impressionnante brochette de journalistes. Si l’assurance d’obtenir un article n’était pas garantie, la chance d’obtenir directement un commentaire sur la façon de le présenter n'en était pas moins intéressante.

Crédit Jim Merithew/Cult of Mac

Qu'est-ce que les participants ont appris lors de cet atelier ?

Le très ouvert et didactique Peter Cohen a offert à quelques privilégiés attentifs une démonstration de la lecture qu’il faisait de sa boîte de réception. Quand on sait que chacun de ces « influenceurs » reçoit des centaines de sollicitations par jour, il est décisif de savoir comment ils font le tri dans leurs emails afin de capter leur intention !

Autrement, les discussions ont fait ressortir les faiblesses habituelles des communiqués de presse des développeurs, la première étant que les explications sont souvent embrouillées. Un logiciel doit pouvoir s’expliquer et se comprendre en une phrase courte, point barre. Le reste tient à la façon de mettre en avant les aspects différenciateurs de l'application. Nicole Martinelli a synthétisé toutes ces discussions dans un excellent guide publié sur Cult of Mac.

Dans la même veine, Sofia Dvoynos de MacPaw (l'éditeur de CleanMyMac, Gemini, Hider) a expliqué lors d'un talk comment se lancer en marketing et créer une campagne complète en 7 jours. On y a vu une quantité d’actions relativement simples à suivre, par exemple l’email marketing. Sofia a fait part des bonnes pratiques à suivre, comme ne pas envoyer plus d’un email par semaine.

Le mail marketing est d’ailleurs un sujet sensible qui est souvent curieusement négligé. Sofia a confié que MacPaw, respecté dans le milieu, a été banni au début de son existence par MailChimp, un service d'envoi de mails, pour mauvaise pratique ! Comme quoi tout le monde fait des erreurs, même les meilleurs (la présentation est disponible sur le blog de MacPaw).

Tu as également donné une présentation sur le marketing.

Oui, j'ai introduit la notion de « Hippie Marketing », une approche simple pour ceux qui voudraient se lancer dans le marketing sans trop savoir par où commencer. L’idée est de ne pas commencer par se fixer sur le retour sur investissement (ROI) mais de donner, généreusement et en retour à la communauté, sans trop se soucier des règles et conventions.

Pour ceux que cette idée pourrait surprendre, je me suis employé à montrer que l’amour et les manifestations affectives sont omniprésents dans l’univers d’Apple. C’est subtil dans la communication de la société, mais c'est clairement visible dans les films mettant en scène un Jony Ive amoureux du design. C’est aussi patent dans la sensibilité et l’émotion véhiculée par les campagnes publicitaires, le « emotional marketing » de la marque. En retour, les clients ont une relation affective avec Apple. Il n’y a pas d’autre appareil qui devienne si rapidement et profondément personnel qu'un iPhone. Et pour se l’approprier encore plus, l'utilisateur le personnalise, le « hacke », comme on le postulait déjà il y a un moment sur le blog de DigiDNA.

Quels ont été les autres sujets abordés ?

Le design était présent à la fois de manière pratique et philosophique avec Josh Michael, un développeur indépendant multitalents, qui nous a rappelé l’importance qu’avait l’art pour Apple qui tendait toujours à se trouver au croisement entre la technologie et les arts libéraux.

La compréhension et la gestion des ressources humaines ont également été abordées. C’est un élément fondamental pour les développeurs dont la première ressource, quasiment unique d’ailleurs, est l’humain. Le développeur est d'ailleurs peut-être trop souvent sous-estimé dans un environnement d’ingénieurs. Michael Lopp (auteur prolifique et ancien de Netscape et Apple) a donné une conférence aussi vivante que captivante sur deux profils en apparence antagonistes, mais tout aussi nécessaires l'un que l'autre au succès d’une entreprise technologique: les stables (Tim Cook) et les volatiles (Steve Jobs).

Et la part émotionnelle qui fait la marque de AltConf était bien présente. On a beaucoup vibré lors de la partie consacrée à l’éthique, une autre discipline importante qui n'est pas assez débattue dans ce type de conférence.

On a eu une très belle intervention de Mike Lee, développeur et maire d'Appsterdam qui a rappelé les responsabilités immenses qu’avaient les développeurs dans notre société de l’information en révolution. Il a enjoint tout un chacun à se dépasser pour être meilleur, non pour écraser les autres, mais pour faire progresser la civilisation.

Et puis Andrew Stone, grandiose développeur New Age ancien compère de Steve Jobs chez NeXT, a apporté un regard aussi amusé qu’amusant sur le monde que l’on est en train de créer depuis l’avènement de l’informatique. Il a rappelé l’importance et la responsabilité que tout un chacun avait dans la (re)construction d’un Internet libre, plutôt que contrôlé par les États et l’appât du gain. Soulignant que les développeurs s’employaient actuellement à sortir des apps destinées à régler des problèmes créés par de précédentes apps, il a appelé à la création d’apps utiles au bien-être, qui permettraient de se distancier des appareils que l’on consulte constamment au détriment des interactions avec notre entourage humain.

Est-ce qu'il y a eu des sessions plus techniques ?

Oui, et le dernier lab de la semaine était certainement le plus attendu car il se déroulait en la présence de Jay Freeman, le fondateur de Cydia, plus connu sous le nom de Saurik. Ce lab portait évidemment sur le jailbreak. Ça a été un vrai espace de rencontre et de partage pour les développeurs voulant apprendre quelles étaient les extensions mises à leur disposition, comment le débridage pouvait affecter leurs apps ou simplement discuter des derniers exploits de la communauté jailbreak. Jay Freeman s'est même laissé aller à une démonstration de reverse engineering en live !

Il y a eu aussi des ateliers pratiques sur des problématiques concrètes, comme sur la façon de tirer parti d'appareils connectés (Pebble Watch, Phillips Hue...), et des rencontres avec des spécialistes de tutoriels, dont l’équipe de Ray Wenderlich.

Après le premier débrief sur les nouveautés de la WWDC, est-ce que AltConf a été l’occasion pour les développeurs de s’essayer à plusieurs sur les nouvelles technos d’iOS 8 et Yosemite ?

Disons que c’est plus « open » et plus critique. On n'a pas beaucoup de recul pendant la semaine, mais on est aussi « à l’extérieur » donc tout de suite plus du coté « hack ».

Tous les talks sont disponibles sur la chaine YouTube de l’événement.

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