Les revoilà, les experts autoproclamés de l’industrie informatique qui prédisent le déclin et la chute d’Apple, façon « Steve Jobs n’aurait jamais acheté Beats ». À ceci près que celui qu’ils vilipendaient avant d’en faire un dieu n’a jamais hésité à sortir le portefeuille pour acheter des technologies qui pourraient servir Apple. Au point que tous les produits emblématiques de la firme de Cupertino dérivent d’acquisitions.
Ainsi, les bases de l’interface graphique du Macintosh proviennent des recherches de Xerox qu’Apple s’est approprié en l’échange de 100 000 actions à un tarif préférentiel. Plus près de nous, OS X et iOS descendent directement du NeXTSTEP qui avait motivé la plus grande acquisition d’Apple jusqu’à hier. On a fait moins important comme technologies « pas inventées ici ».
FileMaker, qui n’est plus aujourd’hui la seule marque indépendante d’Apple ? Il s’appelait Nutshell quand il était encore développé par Nashoba sur MS-DOS. iTunes ? Il vient de SoundJam MP. Final Cut Pro ? Acheté à Macromedia. Logic Pro ? À Emagic. iWork ? Dérivé des produits de Bluefish Labs et de Schemasoft. iCloud ? Une partie de son code est signé Particle.
Apple est allé cherché le FireWire chez Zayante et les gestes qui ont popularisé les écrans multi touch chez FingerWorks. Des années après avoir été un des membres fondateurs d’ARM, elle a formé une équipe d’experts des puces et des contrôleurs en achetant coup sur coup P.A Semi, Intrinsity, Anobit et Passif SemiConductor.
Siri ne serait rien sans le groupe de recherche du même nom, iTunes Match n’est que le nouveau nom de Lala et iAd dérive de Quattro Wireless. Plans, évidemment, a été construit et continue à être construit sur les ruines de dizaines de start-ups. Les technologies issues de l’achat de Cue (assistant personnel), SnappyLabs (photographie), LuxVue (écrans microLED) ou Burstly (distribution d’apps) attendent encore d’être mises à contribution.
Il en faut encore ? On pourrait continuer, mais on ne connaît qu’une soixantaine des acquisitions d’Apple, auxquelles il faut ajouter deux participations stratégiques dans Akamai (distribution de contenus sur internet) et Imagination (puces graphiques). On ne le répétera jamais assez : Apple invente peu, mais n’a pas son pareil pour repérer un germe d’idée, le transcender, et le transformer en produit.
L’interface graphique et la souris existaient avant le Macintosh, mais Apple a peaufiné la première et fait sortir la deuxième des labos pour redéfinir le cadre de l’informatique personnelle. Les disques durs 1,8 pouce et le système Pixo existaient avant l’iPod, mais c’est Apple qui eu l’idée de construire un baladeur autour, et de l’alimenter avec une boutique propriétaire. Les écrans multi touch existaient avant l’iPhone, mais Apple a inventé le « vocabulaire » et les comportements qui sont aujourd’hui des standards de l’industrie.
Oui, l’acquisition de Beats Electronics et Beats Music est incompréhensible. C’est précisément ce qui en fait une acquisition typique d’Apple : au-delà des pistes évidentes autour du marketing, des casques et du streaming musical, ou des implications culturelles et stratégiques qui apparaissent en réfléchissant un peu plus, seule la firme de Cupertino sait ce qu’elle compte faire de ces sociétés.
Peut-être que la greffe ne prendra pas et qu’Apple ne parviendra pas à abattre le « mur de Berlin entre la Silicon Valley et Los Angeles [NdR : où se trouve Hollywood] », comme elle n’a jamais réussi à combler le fossé entre la Californie et la côte Est. Mais peut-être s’est-elle offert la solution aux problèmes d’iTunes et une jolie option sur le futur de l’informatique vestimentaire — n’oublions pas que les écouteurs blancs et l’iPod sont les premiers wearables d’Apple. Comment peut-on dire apprécier le monde de l’informatique et ne pas attendre avec impatience les fruits de cette acquisition, qu’ils soient bons ou mauvais ?
Source : Image de Une : CC BY NC-ND Tom Gill