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Allison Johnson : anecdotes sur Apple, Steve Jobs et le marketing

Florian Innocente

mardi 18 mars 2014 à 13:07 • 18

AAPL

Allison Johnson a été entre 2005 et 2011 la vice-présidente de la communication marketing d'Apple. Un poste qui l'a vue, avec son équipe, participer à de nombreux lancements de produits et de campagnes phares d'Apple, mais aussi de travailler directement avec Steve Jobs. Elle a raconté quelques anecdotes lors d'une interview avec 99U. Elle est aujourd'hui à la tête de sa propre agence - West - elle a notamment comme clients Jawbone et Anki Drive (les petites voitures futées montrées pour la première fois lors de la dernière WWDC).

Allison Jonhson

2 gros mots

Il y avait deux gros mots dans le domaine qui était le sien, "marque" et "marketing", explique Allison Johnson. « Dans l'esprit de Steve, les gens associaient la "marque" aux publicités à la télévision, à des choses artificielles, alors que ce qui comptait c'était la relation que les gens développaient avec un produit. Du coup, chaque fois que l'on utilisait le mot "marque" c'était comme un gros mot. »

Le deuxième gros mot était "marketing". Du point de vue d'Apple, le "marketing" c'est ce que l'on utilise lorsqu'il faut absolument vendre quelque chose à quelqu'un. Si vous n'offrez pas une valeur ajoutée, si vous n'expliquez pas le produit aux clients, si vous ne les aidez pas à en tirer le meilleur parti alors vous faites de la vente et ce n'est pas comme ça qu'il fallait faire, « le marketing ce n'est pas vendre. »

« Nos campagnes étaient conçues de telle manière qu'elles annonçaient que le produit était disponible et ce que vous pouviez faire avec. Si vous vous rappelez du lancement de l'iPhone, nous aurions pu dire tout un tas de choses pour le décrire, mais nous avons simplifié le message autour de trois choses auxquelles les gens pouvaient le plus facilement se référer : c'était un téléphone, c'était internet dans votre poche et c'était votre iPod. C'était super clair, super simple et on expliquait aux gens ce qu'il pouvait faire avec le produit ».

Travailler avec Steve Jobs

Avec Steve Jobs « il fallait être à son meilleur niveau tous les jours », le niveau exigé était extraordinairement élevé, « Il passait autant de temps dans mon groupe que dans celui de Jony [Ive]. C'étaient deux endroits de l'entreprise qui comptaient énormément pour lui. »

« Je ne sais pas si les autres chefs d'entreprises font ça, mais j'avais par exemple un email conçu par AT&T et très bien fait. Ils allaient l'envoyer à leurs équipes commerciales, pour expliquer comment vendre l'iPhone. » Steve a demandé à voir cet email et il l'a corrigé, « de manière à ce qu'ils présentent correctement l'iPhone. » Steve s'intéressait à un niveau de détails que d'autres n'auraient pas pris la peine de regarder.

Marketing et conception produit

Allison Johnson explique ensuite que les équipes marketing travaillaient en parallèle avec celles de l'ingénierie qui conçoivent les produits. Son équipe n'était pas mise devant le fait accompli une fois le produit achevé. Elles connaissaient les intentions des ingénieurs et des développeurs, ce qu'ils voulaient fabriquer et la manière dont ils espéraient que les gens s'en serviraient.

Un mode opératoire qui permettait aux équipes marketing internes chez Apple de traduire cela de manière plus précise dans leur communication. Par opposition à des agences extérieures qui n'ont pas un accès aussi privilégié aux équipes de développement et ne peuvent comprendre un produit aussi finement.

Un fonctionnement qui a conduit chez Apple à organiser des réunions où les gens de la communication invitaient les responsables produits et responsables de l'ingénierie. Il convenait de s'assurer que le message qui allait être envoyé aux clients correspondait à la réalité du produit, que toutes les parties engagées dans la conception et la promotion d'un produit étaient sur la même fréquence.

Alors qu'Apple garde le secret sur ses futurs produits, Allison Johnson se dit admirative de la méthode choisie par Google avec ses lunettes. Quitte à recevoir des tombereaux de critiques, Google a le mérite de faire tester en grandeur nature son produit et de récolter en retour une somme d'observations précieuses afin de l'améliorer.

Elle rappelle au passage le cas assez unique pour Apple du lancement de l'iPhone. Entre sa présentation en janvier et sa commercialisation l'été suivant, Apple était restée assez discrète sur ses caractéristiques complètes et n'avait diffusé qu'une seule pub, en mai, (le clip « Hello »). L'attente fut telle qu'Apple aurait pu lancer l'iPhone sans le crier sur les toits.

Le volume de buzz généré par la communauté était énorme, on aurait pu lancer l'iPhone sans même publier de communiqué de presse, juste en le mettant sur le site web et la nouvelle se serait répandue toute seule, immédiatement, à travers le monde. C'était une technique intéressante et inédite pour Apple, et je ne crois pas que beaucoup d'entreprises peuvent procéder de la sorte.

Interrogée sur les campagnes d'Apple, elles en cite quelques-unes qu'elle estime comme les plus réussies. Celles des silhouettes qui ont longtemps accompagné l'iPod ; celle du Mac et du PC avec leurs deux personnages aussi complices qu'opposés. Elle raconte à ce sujet que cette campagne fut conçue alors que le Mac avait à peine 3% de part de marché et qu'atteindre les 10% paraissait complètement insensé à l'époque. Ce qui fut pourtant réussi, ainsi que fut atteint l'objectif de rendre à nouveau le Mac intéressant auprès du public.

Elle qualifie également de succès le lancement de l'iPhone, celui de l'iPad ou la trouvaille de la phrase « Il y a une app pour ça » qui répondait à l'obligation énoncée plus tôt de promouvoir un produit, moins par ses caractéristiques techniques, que par ce qu'il va apporter concrètement à son utilisateur. Elle ajoute aussi ne pas avoir tout aimé dans la manière dont Apple a communiqué sur l'iPad, mais sans donner malheureusement plus de détails.

Allison Johnson, aujourd'hui à la tête de sa propre agence de communication, a Jawbone comme client. Elle explique qu'elle l'a signé une semaine après le lancement de la première version de ce bracelet connectée, et alors que les problèmes techniques s'accumulaient chez les premiers utilisateurs. Il fallait réagir, et réagir vite et bien. La première étape fut donc de faire en sorte que, confronté à cette adversité, Jawbone assure un support technique de premier ordre, même si cela devait coûter atrocement cher. Mais c'était à ce prix que Jawbone pouvait espérer rester sur le marché sur le long terme.

Jobs + Apple = 1

Toujours durant les questions/réponses, elle raconte qu'un grand « moment de fierté » durant ses années passées chez Apple fut le jour où Steve Jobs loua le travail de son équipe. C'était à l'occasion du lancement de l'iPhone, une période de « stress énorme ». Ce fut la seule et unique fois où le PDG d'Apple eut cette attention. Cette reconnaissance étant le reste du temps réservée aux équipes de design, de fabrication et de développement.

Autre moment d'émotion raconté, lors de la préparation de la campagne des Beatles. L'équipe d'Allison Johnson était allée en Angleterre récupérer un bon millier de photographies du groupe. Étalées plus tard dans la salle du conseil d'administration d'Apple, elles étaient parcourues par un Steve Jobs en larmes, d'émotion, devant ces images.

Dernière anecdote, avec toujours un Steve Jobs triste, en colère et en sanglots, en pleine polémique sur l'Antennagate de l'iPhone 4 et sur la manière dont Apple était critiquée de toutes parts « Il y avait toutes les équipes produits, d'ingénierie et du marketing réunies dans une salle, et il était assis à un coin de la table, sanglotant, il la frappait du poing en martelant "Nous ne sommes pas ce genre d'entreprise, ce n'est pas ce que nous essayons de construire, ce n'est pas comme ça que les gens doivent nous voir". Il était à ce point impliqué dans cette entreprise, lui et elle ne faisaient qu'un. »

Allison Johnson: We Have Enough Companies Like Apple from 99U on Vimeo.

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