Le jugement sur l'exclusivité de la vente de l'iPhone par Orange en France permet d'en savoir plus sur les coulisses du contrat liant Apple à l'opérateur et de découvrir quelques chiffres inconnus jusqu'alors. Que ce soient les investissements engagés ou les résultats de vente de l'iPhone 3G et de ses concurrents directs. La version intégrale (PDF) de la décision du Conseil de la Concurrence met ainsi au jour quelques petits et grands secrets. Extraits des éléments les plus significatifs (voir aussi l'article iPhone : l'exclusivité avec Orange est cassée).
450 000 iPhone 3G en France
En France, 35 000 iPhones ont été vendus dans les quatre jours qui ont suivi sa mise sur le marché le 18 juillet 2008. Dès le 20 juillet, les boutiques étaient en rupture de stock. Au 28 septembre 2008, Orange déclarait avoir vendu, en moins de trois mois, 215 635 iPhones 3G.En séance, le 25 novembre 2008, les représentants de la société Orange ont déclaré avoir vendu 300 000 iPhones 3G et ont précisé que les ventes d’iPhones 3G représentaient 15 % de leurs ventes brutes (Orange a depuis annoncé 450 000 iPhone 3G et 150 000 2G après un an de ventes, ndr). Selon les déclarations de la société Orange, 50 % des ventes d’iPhones 3G concernent de nouveaux clients. La société Orange a également déclaré que ses prévisions de vente à l’horizon de la fin 2008 étaient de 500 000 ventes d’iPhones 3G.
Au 15 septembre 2008, Orange « dénombrait 20.076 iPhones 2G et 5.797 iPhones 3G qui avaient fait l’objet d’un déverrouillage ou « désimlockage », essentiellement actifs sur le réseau SFR mais aussi sur le réseau Bouygues Telecom. ».
Les chiffres des ventes réalisées et anticipées d’iPhones 3G peuvent être mis en perspective avec les ventes réalisées par Bouygues Telecom et SFR sur des terminaux proches de l’iPhone 3G, et souvent présentés comme des « iPhone Killers». Ainsi, Bouygues Telecom a déclaré avoir vendu 12000 exemplaires de l’HTC Touch Diamond depuis juillet 2008 ; 3000 exemplaires du Blackberry Bold depuis septembre 2008, et 4000 exemplaires du Samsung Player Addict depuis octobre 2008.
Bouygues intéressé par le 3G
La société Bouygues Telecom fait valoir dans sa saisine qu’elle a été exclue de la commercialisation de l’iPhone bien qu’elle ait demandé à le distribuer dès le 14 mai 2008, Apple lui ayant opposé le fait que Orange avait été désigné seul opérateur de réseau chargé de la distribution de l’iPhone en France.
Le choix d'Orange
La société Apple Inc. a exposé les circonstances et les raisons du choix d’Orange comme partenaire exclusif d’Apple pour la distribution de l’iPhone en France. La société a ainsi déclaré que la société Apple Inc. avait souhaité limiter le nombre de ses partenaires en Europe afin de déployer l’iPhone le plus rapidement possible. Après l’échec de ses négociations avec Vodafone, qui lui aurait permis d’accéder à de nombreux pays européens, la société Apple a choisi de sélectionner un partenaire exclusif dans chacun des trois premiers pays dans lesquels elle souhaitait se déployer, soit la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Dans d’autres pays européens, Apple a choisi plusieurs partenaires.
La société Apple fait valoir au contraire que l’exclusivité consentie à Orange est justifiée et pro-concurrentielle. Elle rappelle que son choix d’un partenaire réseau unique procédait d’un impératif de rapidité dans le lancement de l’iPhone 2G : « multiplier les partenaires aurait eu pour effet de démultiplier et d’alourdir les tâches ce qu’Apple, nouvel entrant, ne pouvait se permettre sous peine de voir son activité freinée et ses projets potentiellement compromis, fragilisés ou retardés ». Elle précise qu’elle ne s’est tournée vers Orange qu’après l’échec des négociations avec Vodafone/SFR et après avoir constaté que Bouygues Telecom n’avait pas « montré d’intention de déployer son réseau 3G » ; « les réticences de Bouygues Telecom à rentrer de plein pied dans le 3G et ses errances technologiques au moment où Apple était en pleine sélection d’un nouveau partenaire le disqualifiaient d’office ».
Les opérateurs ont été sélectionnés sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs comme : « les facteurs technologiques (capacité réseau, couverture EDGE ou réseau 3G), la renommée de la marque. Nous avons examiné si la marque était en adéquation avec l'image d'Apple. Nous avons regardé leurs boutiques et la taille du réseau de distribution. Nous avons également regardé leurs présence dans différents pays, les revenus moyens par client, l'offre des services proposée aux clients, les indices de satisfaction, le taux de « churn ». Nous avons également comparé le nombre de clients des opérateurs. La qualité du contact avec les équipes des opérateurs réseaux était également importante ».
L'investissement d'Orange
En séance, les représentants de France Telecom ont ainsi fait valoir que les investissements spécifiques consentis au titre du partenariat depuis octobre 2007 s’élevaient à 86,5 millions d’euros, répartis comme suit :
• 40 millions d’euros rétrocédés à Apple au titre du partage de revenu prévu dans le
contrat initial,
• 30 millions d’euros au titre de la subvention des iPhones 3G,
• 4 millions d’euros au titre du fonds publicitaire créé par le contrat de partenariat jusqu’au 18 juillet 2008, auxquels se sont ajoutés 3,8 millions d’euros pour le lancement de l’iPhone 3G, le fonds ayant été à chaque fois abondé de 10 millions,
• 2 millions de dépenses promotionnelles et 1 million pour la formation de personnel dédié,
• 1,7 millions pour le développement d’éléments de réseaux liés à la Voice Vocal Mail spécifique à l’iPhone,
• des dépenses liées au développement de brevets.
Les secrets du contrat avec Orange
Aux termes de cet accord, Orange devient l’opérateur mobile exclusif pour les produits iPhone dans les plusieurs pays (France, Belgique, Roumanie), et obtient une co-exclusivité en Autriche, Pologne et Slovaquie. L’exclusivité portait sur l’iPhone 2G et l’ensemble de ses successeurs. En contrepartie, Orange s’engageait à verser à Apple 30 % des sommes facturées à chaque client iPhone Orange. Orange s’est également engagé à rembourser 50 % des dépenses publicitaires engagées par Apple dans le cadre de la promotion de l’iPhone, montant plafonné à 10 millions d’euros.
L’accord prévoit qu’Apple serait dégagée de ses obligations d’exclusivité dès lors que 40 % du nombre total de clients iPhones auraient débloqué leur téléphone et auraient changé d’opérateur.. La clause 2.2 de ce contrat interdit à Orange de conclure un partenariat similaire avec un autre constructeur de mobiles.
Le contrat est conclu pour une durée de 5 ans à compter de la date du lancement de l’iPhone 2G, soit le 29 novembre 2007. Apple bénéficie d’une clause de sortie sans contrepartie à l’issue d’une période de trois ans. Au cours de son audition, la vice-présidente (sic) de la société Apple Inc a précisé : « Dans notre esprit, il s'agit plutôt d'un contrat de trois ans. Ce point a été central dans la négociation. Apple aurait préféré une période plus courte que trois ans pour cette faculté de sortie. ». Apple s’engage également à ne pas mettre en œuvre, pendant une période de 2 ans à compter de l’expiration du contrat, une action marketing ciblant les « clients iPhone d’Orange » et qui « viserait à les encourager à quitter le service de téléphonie mobile d’Orange au profit du service de téléphonie d’un autre opérateur ».
« Apple et Orange ont […] contractuellement organisé la subvention des iPhones [3G] pour qu’elle soit supérieure à celle des autres terminaux d’au moins 20 % : elle se situe à un niveau moyen de 310 euros ».
Ces déclarations ont été complétées par les observations d’Apple : « Compte tenu des changements de l'économie générale du contrat avec les opérateurs, Apple a décidé de ne plus accorder d'exclusivité aux opérateurs et n'en a donc pas introduit dans les contrats signés pour le lancement dans d'autres pays de l'Union européenne.
Toutefois, pour certains pays dont la France, Apple s'était engagé aux termes de son premier accord concernant le 2G à maintenir le droit de première présentation d'Orange avec l'iPhone 2G et ses successeurs pour la durée du contrat ; Apple n'était donc pas en mesure de mettre fin à l'accord signé avec Orange en France ».
Orange s’engage à avantager la distribution des iPhones par rapport à d’autres terminaux : « Orange convient que, lors de la vente des Produits Agréés à l'un quelconque de ses Points de Vente Agréés à des fins de distribution, elle observera des dispositions et conditions qui seront identiques ou plus favorables que celles qu'elle propose aux mêmes Points de Vente Agréés au titre de tout autre téléphone mobile, y compris les remises, rabais, droits de retour et incitations à la vente. Orange convient en outre de proposer à l'ensemble du personnel commercial qui vend ou active des Produits Agréés des commissions sur les ventes ou d'autres incitations à la vente qui soient identiques ou plus favorables qu’à l'ensemble des incitations à la vente qu'elle propose au personnel commercial qui vend ou active tout autre téléphone mobile ».
À l’occasion du lancement de l’iPhone 3G, la distribution a été élargie à un réseau de distribution sélective mis en place par Apple et comprenant, outre les agences France Telecom, les boutiques Orange (Mobistores) et les magasins Photostation et Photoservice, ainsi que des distributeurs multimarques : les magasins FNAC, Darty, The Phone House, Boulanger, Auchan, Carrefour et Tel and Com. Apple a donc signé avec contrat de distribution sélective. Ces contrats ont une durée d’un an. Ces distributeurs se fournissent auprès d’Orange, grossiste exclusif d’Apple en France."
Le contrat avec la Fnac
Le contrat « Authorized iPhone Reseller Agreement », signé entre Apple Sales International et la FNAC le 25 juillet 2008, figure au dossier. Les représentants de la FNAC ont été interrogés sur ce contrat : « Ce contrat suppose que nous vendions un certain nombre d’abonnements Orange et un certain nombre d’iPods. Ce type de contrat est totalement inhabituel. Aucun autre constructeur n’a mis en place un tel système de distribution sélective. Les seuils de 30 % qui figurent dans les critères de distribution sélective sont très inférieurs aux poids réels des deux marques dans nos ventes, et ce critère ne nous pose pas de problème et n’a pas modifié nos comportements, ou nos actions commerciales. (…) S’agissant d’Orange, leur part de marché (en volume) est de 40-50 %. Un distributeur qui propose des abonnements Orange et des iPods atteint facilement les seuils de 30 % pour chacune de ces marques ».
Le contrat avec les revendeurs agréés Apple
Des contrats de distribution ont été signés entre Orange France et les distributeurs indépendants agréés par Apple. Leur durée de validité s’étend du jour de leur entrée en vigueur jusqu’au 1er juillet 2009. Ils peuvent être reconduits avec l’accord des parties.
Dans le nouveau système, et malgré une erreur de plume dans le contrat, Apple est en mesure de confirmer formellement qu'il ne se voit plus reverser en pratique le montant du désimlockage (100 euros, ndr) effectué par les revendeurs agréés. En effet, dans le nouveau business model mis en place, Apple ne supporte plus de risques justifiant le reversement des frais de désimlockage ».
Une clause prévoyant un mécanisme d’alerte portant sur les importations d’iPhones complète le dispositif : « le revendeur informera promptement Orange de tous Produits Autorisés importés ou supposés importés par un tiers portant les marques de Apple et qui n’ont pas été distribués ou fabriqués par Apple pour la vente sur le Territoire [la France], dès qu’il aura connaissance de l’import»
Les dérapages au lancement du 3G
À la sortie de l’iPhone 3G, les consommateurs qui souhaitaient acheter un terminal sans abonnement aux services Orange ont pu se voir opposer un refus de vente, au motif que le terminal n’était plus disponible et constater que les terminaux étaient pourtant distribués aux nouveaux clients Orange. Cet état de fait n’a pas été contesté par Orange dont les représentants ont déclaré au cours de leur audition : « [n]ous n’avions pas la volonté de réserver les iPhones à nos nouveaux clients. Localement, il y a eu malheureusement des exemples de boutiques dont les vendeurs ont pu « déraper », mais de manière localisée. Nous avions pourtant fait circuler des consignes pour empêcher ces pratiques».
La société SFR a transmis au Conseil un échange de correspondances intervenues avec la société Orange, dont il ressort que cette dernière a mis en demeure la société SFR de mettre fin à sa politique de subvention des iPhones vendus sans abonnement Orange pour les consommateurs qui souhaitaient associer l’iPhone à des services de téléphonie proposés par SFR. Sur ce point, la société Orange a déclaré : « Orange s’est étonné auprès de SFR de cette pratique de parasitisme de son exclusivité et de ses investissements, en la sommant de s’expliquer».
Le poid d'iTunes en France
Lors de son audition, la FNAC, également présente sur le marché de la vente de fichiers musicaux dématérialisés, a confirmé que l’iTunes Music Store jouissait également en France d’une part de marché très significative, cette part de marché étant portée par celle de l’iPod : « S’agissant de la musique en ligne (vendue sur ordinateur), iTunes Store a une part de marché de 60-70 % environ, Virgin Mega est deuxième avec une part de marché d’environ 15 %, et FNAC a environ 8-15 % du marché. Ces chiffres sont très approximatifs. Je précise que le marché des fichiers musicaux achetés depuis un téléphone est en très forte croissance : 25 % en 2007 et 35-40 % en 2008. Ces chiffres sont toutefois à vérifier. Le poids d’iTunes est proportionnel au parc d’iPods. Apple apporte simplicité et confort. Le consommateur n’a aucun intérêt à sortir de ce système intégré ».
L'iPhone plutôt que l'iPod
En termes de prix, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a d’ailleurs observé que l’iPhone s’intégrait pleinement dans le continuum de prix des iPods : « la subvention pratiquée en France par Orange pour un client qui souscrit en parallèle à un forfait iPhone rend la deuxième version de l’iPhone particulièrement attractive.
En effet, elle ramène le prix du terminal à un niveau inférieur à celui de l’iPod doté des mêmes fonctionnalités (autre que téléphone) et de capacité équivalente […] Le consommateur de téléphonie mobile désirant acquérir un baladeur numérique de type iPod semble donc incité à choisir plutôt un iPhone ». Les représentants de la FNAC confirment : « Les morceaux achetés sur iTunes[Music Store] avec DRM ne peuvent pas être déposés sur un autre lecteur MP3 que l’iPod ou sur un autre smartphone que iPhone. Plus les clients ont acheté des morceaux téléchargés sur iTunes avec DRM, plus ils sont captifs d’Apple.[…].
Après 6 mois d’utilisation, sur la base d’un album acheté par mois, le client est de fait captif. Je pense qu’environ 1 million d’iPods sont vendus en France par an ».
Samsung salue l'iPhone
Un représentant de Samsung sollicité dans cette affaire a donné son point de vue de fabricant de mobile sur les positions de chacun et d'Apple en particulier "Apple est un constructeur particulier. Sa particularité est d’avoir développé un produit qui est inhabituel par son système d’exploitation, et extrêmement convivial. Il bénéficie d’une très forte notoriété sur le segment des MP3 (iPods) grâce au design et à l’interface. Leur concept de téléphone était avant-gardiste.
crédit photos : Orange
450 000 iPhone 3G en France
En France, 35 000 iPhones ont été vendus dans les quatre jours qui ont suivi sa mise sur le marché le 18 juillet 2008. Dès le 20 juillet, les boutiques étaient en rupture de stock. Au 28 septembre 2008, Orange déclarait avoir vendu, en moins de trois mois, 215 635 iPhones 3G.
Au 15 septembre 2008, Orange « dénombrait 20.076 iPhones 2G et 5.797 iPhones 3G qui avaient fait l’objet d’un déverrouillage ou « désimlockage », essentiellement actifs sur le réseau SFR mais aussi sur le réseau Bouygues Telecom. ».
Les chiffres des ventes réalisées et anticipées d’iPhones 3G peuvent être mis en perspective avec les ventes réalisées par Bouygues Telecom et SFR sur des terminaux proches de l’iPhone 3G, et souvent présentés comme des « iPhone Killers». Ainsi, Bouygues Telecom a déclaré avoir vendu 12000 exemplaires de l’HTC Touch Diamond depuis juillet 2008 ; 3000 exemplaires du Blackberry Bold depuis septembre 2008, et 4000 exemplaires du Samsung Player Addict depuis octobre 2008.
Bouygues intéressé par le 3G
La société Bouygues Telecom fait valoir dans sa saisine qu’elle a été exclue de la commercialisation de l’iPhone bien qu’elle ait demandé à le distribuer dès le 14 mai 2008, Apple lui ayant opposé le fait que Orange avait été désigné seul opérateur de réseau chargé de la distribution de l’iPhone en France.
Le choix d'Orange
La société Apple Inc. a exposé les circonstances et les raisons du choix d’Orange comme partenaire exclusif d’Apple pour la distribution de l’iPhone en France. La société a ainsi déclaré que la société Apple Inc. avait souhaité limiter le nombre de ses partenaires en Europe afin de déployer l’iPhone le plus rapidement possible. Après l’échec de ses négociations avec Vodafone, qui lui aurait permis d’accéder à de nombreux pays européens, la société Apple a choisi de sélectionner un partenaire exclusif dans chacun des trois premiers pays dans lesquels elle souhaitait se déployer, soit la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Dans d’autres pays européens, Apple a choisi plusieurs partenaires.
La société Apple fait valoir au contraire que l’exclusivité consentie à Orange est justifiée et pro-concurrentielle. Elle rappelle que son choix d’un partenaire réseau unique procédait d’un impératif de rapidité dans le lancement de l’iPhone 2G : « multiplier les partenaires aurait eu pour effet de démultiplier et d’alourdir les tâches ce qu’Apple, nouvel entrant, ne pouvait se permettre sous peine de voir son activité freinée et ses projets potentiellement compromis, fragilisés ou retardés ». Elle précise qu’elle ne s’est tournée vers Orange qu’après l’échec des négociations avec Vodafone/SFR et après avoir constaté que Bouygues Telecom n’avait pas « montré d’intention de déployer son réseau 3G » ; « les réticences de Bouygues Telecom à rentrer de plein pied dans le 3G et ses errances technologiques au moment où Apple était en pleine sélection d’un nouveau partenaire le disqualifiaient d’office ».
Les opérateurs ont été sélectionnés sur la base de critères qualitatifs et quantitatifs comme : « les facteurs technologiques (capacité réseau, couverture EDGE ou réseau 3G), la renommée de la marque. Nous avons examiné si la marque était en adéquation avec l'image d'Apple. Nous avons regardé leurs boutiques et la taille du réseau de distribution. Nous avons également regardé leurs présence dans différents pays, les revenus moyens par client, l'offre des services proposée aux clients, les indices de satisfaction, le taux de « churn ». Nous avons également comparé le nombre de clients des opérateurs. La qualité du contact avec les équipes des opérateurs réseaux était également importante ».
L'investissement d'Orange
En séance, les représentants de France Telecom ont ainsi fait valoir que les investissements spécifiques consentis au titre du partenariat depuis octobre 2007 s’élevaient à 86,5 millions d’euros, répartis comme suit :
• 40 millions d’euros rétrocédés à Apple au titre du partage de revenu prévu dans le
contrat initial,
• 30 millions d’euros au titre de la subvention des iPhones 3G,
• 4 millions d’euros au titre du fonds publicitaire créé par le contrat de partenariat jusqu’au 18 juillet 2008, auxquels se sont ajoutés 3,8 millions d’euros pour le lancement de l’iPhone 3G, le fonds ayant été à chaque fois abondé de 10 millions,
• 2 millions de dépenses promotionnelles et 1 million pour la formation de personnel dédié,
• 1,7 millions pour le développement d’éléments de réseaux liés à la Voice Vocal Mail spécifique à l’iPhone,
• des dépenses liées au développement de brevets.
Les secrets du contrat avec Orange
Aux termes de cet accord, Orange devient l’opérateur mobile exclusif pour les produits iPhone dans les plusieurs pays (France, Belgique, Roumanie), et obtient une co-exclusivité en Autriche, Pologne et Slovaquie. L’exclusivité portait sur l’iPhone 2G et l’ensemble de ses successeurs. En contrepartie, Orange s’engageait à verser à Apple 30 % des sommes facturées à chaque client iPhone Orange. Orange s’est également engagé à rembourser 50 % des dépenses publicitaires engagées par Apple dans le cadre de la promotion de l’iPhone, montant plafonné à 10 millions d’euros.
L’accord prévoit qu’Apple serait dégagée de ses obligations d’exclusivité dès lors que 40 % du nombre total de clients iPhones auraient débloqué leur téléphone et auraient changé d’opérateur.. La clause 2.2 de ce contrat interdit à Orange de conclure un partenariat similaire avec un autre constructeur de mobiles.
Le contrat est conclu pour une durée de 5 ans à compter de la date du lancement de l’iPhone 2G, soit le 29 novembre 2007. Apple bénéficie d’une clause de sortie sans contrepartie à l’issue d’une période de trois ans. Au cours de son audition, la vice-présidente (sic) de la société Apple Inc a précisé : « Dans notre esprit, il s'agit plutôt d'un contrat de trois ans. Ce point a été central dans la négociation. Apple aurait préféré une période plus courte que trois ans pour cette faculté de sortie. ». Apple s’engage également à ne pas mettre en œuvre, pendant une période de 2 ans à compter de l’expiration du contrat, une action marketing ciblant les « clients iPhone d’Orange » et qui « viserait à les encourager à quitter le service de téléphonie mobile d’Orange au profit du service de téléphonie d’un autre opérateur ».
« Apple et Orange ont […] contractuellement organisé la subvention des iPhones [3G] pour qu’elle soit supérieure à celle des autres terminaux d’au moins 20 % : elle se situe à un niveau moyen de 310 euros ».
Ces déclarations ont été complétées par les observations d’Apple : « Compte tenu des changements de l'économie générale du contrat avec les opérateurs, Apple a décidé de ne plus accorder d'exclusivité aux opérateurs et n'en a donc pas introduit dans les contrats signés pour le lancement dans d'autres pays de l'Union européenne.
Toutefois, pour certains pays dont la France, Apple s'était engagé aux termes de son premier accord concernant le 2G à maintenir le droit de première présentation d'Orange avec l'iPhone 2G et ses successeurs pour la durée du contrat ; Apple n'était donc pas en mesure de mettre fin à l'accord signé avec Orange en France ».
Orange s’engage à avantager la distribution des iPhones par rapport à d’autres terminaux : « Orange convient que, lors de la vente des Produits Agréés à l'un quelconque de ses Points de Vente Agréés à des fins de distribution, elle observera des dispositions et conditions qui seront identiques ou plus favorables que celles qu'elle propose aux mêmes Points de Vente Agréés au titre de tout autre téléphone mobile, y compris les remises, rabais, droits de retour et incitations à la vente. Orange convient en outre de proposer à l'ensemble du personnel commercial qui vend ou active des Produits Agréés des commissions sur les ventes ou d'autres incitations à la vente qui soient identiques ou plus favorables qu’à l'ensemble des incitations à la vente qu'elle propose au personnel commercial qui vend ou active tout autre téléphone mobile ».
À l’occasion du lancement de l’iPhone 3G, la distribution a été élargie à un réseau de distribution sélective mis en place par Apple et comprenant, outre les agences France Telecom, les boutiques Orange (Mobistores) et les magasins Photostation et Photoservice, ainsi que des distributeurs multimarques : les magasins FNAC, Darty, The Phone House, Boulanger, Auchan, Carrefour et Tel and Com. Apple a donc signé avec contrat de distribution sélective. Ces contrats ont une durée d’un an. Ces distributeurs se fournissent auprès d’Orange, grossiste exclusif d’Apple en France."
Le contrat avec la Fnac
Le contrat « Authorized iPhone Reseller Agreement », signé entre Apple Sales International et la FNAC le 25 juillet 2008, figure au dossier. Les représentants de la FNAC ont été interrogés sur ce contrat : « Ce contrat suppose que nous vendions un certain nombre d’abonnements Orange et un certain nombre d’iPods. Ce type de contrat est totalement inhabituel. Aucun autre constructeur n’a mis en place un tel système de distribution sélective. Les seuils de 30 % qui figurent dans les critères de distribution sélective sont très inférieurs aux poids réels des deux marques dans nos ventes, et ce critère ne nous pose pas de problème et n’a pas modifié nos comportements, ou nos actions commerciales. (…) S’agissant d’Orange, leur part de marché (en volume) est de 40-50 %. Un distributeur qui propose des abonnements Orange et des iPods atteint facilement les seuils de 30 % pour chacune de ces marques ».
Le contrat avec les revendeurs agréés Apple
Des contrats de distribution ont été signés entre Orange France et les distributeurs indépendants agréés par Apple. Leur durée de validité s’étend du jour de leur entrée en vigueur jusqu’au 1er juillet 2009. Ils peuvent être reconduits avec l’accord des parties.
Dans le nouveau système, et malgré une erreur de plume dans le contrat, Apple est en mesure de confirmer formellement qu'il ne se voit plus reverser en pratique le montant du désimlockage (100 euros, ndr) effectué par les revendeurs agréés. En effet, dans le nouveau business model mis en place, Apple ne supporte plus de risques justifiant le reversement des frais de désimlockage ».
Une clause prévoyant un mécanisme d’alerte portant sur les importations d’iPhones complète le dispositif : « le revendeur informera promptement Orange de tous Produits Autorisés importés ou supposés importés par un tiers portant les marques de Apple et qui n’ont pas été distribués ou fabriqués par Apple pour la vente sur le Territoire [la France], dès qu’il aura connaissance de l’import»
Les dérapages au lancement du 3G
À la sortie de l’iPhone 3G, les consommateurs qui souhaitaient acheter un terminal sans abonnement aux services Orange ont pu se voir opposer un refus de vente, au motif que le terminal n’était plus disponible et constater que les terminaux étaient pourtant distribués aux nouveaux clients Orange. Cet état de fait n’a pas été contesté par Orange dont les représentants ont déclaré au cours de leur audition : « [n]ous n’avions pas la volonté de réserver les iPhones à nos nouveaux clients. Localement, il y a eu malheureusement des exemples de boutiques dont les vendeurs ont pu « déraper », mais de manière localisée. Nous avions pourtant fait circuler des consignes pour empêcher ces pratiques».
La société SFR a transmis au Conseil un échange de correspondances intervenues avec la société Orange, dont il ressort que cette dernière a mis en demeure la société SFR de mettre fin à sa politique de subvention des iPhones vendus sans abonnement Orange pour les consommateurs qui souhaitaient associer l’iPhone à des services de téléphonie proposés par SFR. Sur ce point, la société Orange a déclaré : « Orange s’est étonné auprès de SFR de cette pratique de parasitisme de son exclusivité et de ses investissements, en la sommant de s’expliquer».
Le poid d'iTunes en France
Lors de son audition, la FNAC, également présente sur le marché de la vente de fichiers musicaux dématérialisés, a confirmé que l’iTunes Music Store jouissait également en France d’une part de marché très significative, cette part de marché étant portée par celle de l’iPod : « S’agissant de la musique en ligne (vendue sur ordinateur), iTunes Store a une part de marché de 60-70 % environ, Virgin Mega est deuxième avec une part de marché d’environ 15 %, et FNAC a environ 8-15 % du marché. Ces chiffres sont très approximatifs. Je précise que le marché des fichiers musicaux achetés depuis un téléphone est en très forte croissance : 25 % en 2007 et 35-40 % en 2008. Ces chiffres sont toutefois à vérifier. Le poids d’iTunes est proportionnel au parc d’iPods. Apple apporte simplicité et confort. Le consommateur n’a aucun intérêt à sortir de ce système intégré ».
L'iPhone plutôt que l'iPod
En termes de prix, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a d’ailleurs observé que l’iPhone s’intégrait pleinement dans le continuum de prix des iPods : « la subvention pratiquée en France par Orange pour un client qui souscrit en parallèle à un forfait iPhone rend la deuxième version de l’iPhone particulièrement attractive.
En effet, elle ramène le prix du terminal à un niveau inférieur à celui de l’iPod doté des mêmes fonctionnalités (autre que téléphone) et de capacité équivalente […] Le consommateur de téléphonie mobile désirant acquérir un baladeur numérique de type iPod semble donc incité à choisir plutôt un iPhone ». Les représentants de la FNAC confirment : « Les morceaux achetés sur iTunes[Music Store] avec DRM ne peuvent pas être déposés sur un autre lecteur MP3 que l’iPod ou sur un autre smartphone que iPhone. Plus les clients ont acheté des morceaux téléchargés sur iTunes avec DRM, plus ils sont captifs d’Apple.[…].
Après 6 mois d’utilisation, sur la base d’un album acheté par mois, le client est de fait captif. Je pense qu’environ 1 million d’iPods sont vendus en France par an ».
Samsung salue l'iPhone
Un représentant de Samsung sollicité dans cette affaire a donné son point de vue de fabricant de mobile sur les positions de chacun et d'Apple en particulier "Apple est un constructeur particulier. Sa particularité est d’avoir développé un produit qui est inhabituel par son système d’exploitation, et extrêmement convivial. Il bénéficie d’une très forte notoriété sur le segment des MP3 (iPods) grâce au design et à l’interface. Leur concept de téléphone était avant-gardiste.
crédit photos : Orange