Après de nombreux reproches sur le caractère arbitraire, changeant et nébuleux de ses critères de sélection, Apple a fini par publier ses directives d'évaluation pour la validation des applications sur l'App Store. Un geste applaudi et attendu, mais si les directives donnent une liste de choses à ne pas faire, Apple s'est néanmoins conservé plusieurs portes de sortie.
Apple joue la carte de la connivence
L'introduction du document donne le ton avec un résumé général de ce qu'on y trouvera. Il est question de bon sens, et de conscience professionnelle, mais ce qui frappe c'est le ton détendu avec lequel Apple s'adresse aux développeurs. Jugez plutôt :
Comme on le voit, Apple ne fait pas dans la dentelle et s'éloigne des formulations officielles et juridiques pour un discours à cœur ouvert envers ses développeurs, façon "on ne va pas se la raconter". Passée cette introduction, les 22 thèmes développés de manière lapidaire donnent le détail de ce qu'il faut éviter, mais l'introduction a déjà tout dit : il n'y a pas de moyen de graver ces règles dans le marbre, et malgré une observation scrupuleuse de celles-ci, les applications restent et demeurent susceptibles de faire face à l'arbitraire.
Il y aura donc toujours des mécontents, éconduits pour une règle qu'Apple n'a pas encore inventée. Apple souligne qu'une commission d'appel est là pour entendre leurs griefs, en lieu et place de la mauvaise presse à laquelle elle a parfois eu à faire suite à pareilles déconvenues.
Néanmoins, en cas d'épuisement des recours, rien ne pourra plus tenir la langue des développeurs mécontents, et à moins de valider tout ce qui se présente à elle, Apple aura encore affaire à des controverses de cet ordre. Et c'est parfois le battage médiatique qui a fait fléchir la firme et réviser ses règles. Mais ces directives, si elles ne peuvent donner une liste absolue des choses à ne pas faire, donnent au moins le détail des problèmes d'ores et déjà établis qui ne manqueront pas de causer un refus.
Les apps passent sous les fourches caudines d'Apple
On mesure le caractère évolutif de cette liste en constatant que l'App Store est infesté d'applications qui, selon ces directives, n'auraient jamais dû être approuvées. Pèle même :
Apple semble avoir resserré la vis sur son contrôle éditorial, elle pousse les développeurs à plus de qualité et d'originalité (voir Une application rejetée… pour cause d'inanité).
voir les innombrables "détecteurs" de toutes sortes qui n'ont pas la moindre efficacité et qui ne sont pas annoncés comme étant des farces…
Où l'on constate qu'Apple ne veut pas partager la vedette avec ses petits camarades, ce qui est somme toute légitime. Néanmoins on peut trouver des applications sur l'App Store dont la description, parfois copiée à la hâte, inclut des marques concurrentes.
La clause 14.2 reflète l'affaire NewsToons, une application intégrant les caricatures de Mark Fiore, par ailleurs récipiendaire du prix Pullitzer, qui s'était d'abord faite refuser puis accepter suite à la controverse (lire Steve Jobs : si vous voulez du porno, prenez Android)
Pieuse intention qu'il est difficile d'appliquer dans les faits puisque le contenu est généralement créé après la publication de l'application (nombre d'applications dérogent à cette règle en toute impunité d'ailleurs).
Quatre règles promettent en particulier le bannissement pour sanction :
Voir, entre autres, les nombreuses applications dont la seule vocation est de créer un raccourci téléphonique sous forme d'icône personnalisée sur le springboard…
Un problème récurrent sur l'App Store, sur lequel Apple a déjà eu à réagir par le passé. Espérons que cette règle écrite en toutes lettres freinera les ardeurs de certains.
Apple ne prend pas à la légère la protection de l'anonymat de ses utilisateurs… un pavé dans la marre des autres réseaux sociaux de jeux ?
Pour la plupart, les règles étaient connues et font sens : pas de détérioration du matériel, les applications instables, trompeuses ou malicieuses seront rejetées, pas d'utilisation des API privées, pas de reproduction des applications livrées en standard, pas de modification du comportement des boutons, pas d'incitation à la haine, etc.
Ces règles valent ce qu'elles valent. Elles ne règlent pas nombre de reproches qui ont été faits à Apple depuis l'ouverture de l'App Store au sujet de sa politique de validation, mais elles ont au moins pour elles de répondre à une vieille demande : donner clairement les critères de sélection d'Apple. Les développeurs pour qui certaines règles peuvent poser un cas de conscience peuvent ainsi éviter de perdre leur temps et tenter leur chance avec les plateformes concurrentes.
Si la publication de ces directives répond enfin à une demande récurrente, et montre la bonne volonté d'Apple, elle ne mettra pas pour autant fin aux polémiques. Tout au plus permettra-t-elle d'en réduire la fréquence, ou la légitimité : exception faite des règles qui restent à inventer, on ne pourra plus dire qu'on n'était pas prévenu.
Apple joue la carte de la connivence
L'introduction du document donne le ton avec un résumé général de ce qu'on y trouvera. Il est question de bon sens, et de conscience professionnelle, mais ce qui frappe c'est le ton détendu avec lequel Apple s'adresse aux développeurs. Jugez plutôt :
Nous sommes ravis que vous vouliez investir vos talents et votre temps pour développer des applications pour iOS. L'expérience aura été gratifiante - tant professionnellement que financièrement - pour des dizaines de milliers de développeurs et nous voulons vous aider à rejoindre ce groupe prospère. C'est la première fois que nous publions nos Directives de Validation pour l'App Store. Nous espérons qu'elles vous aideront à éviter les écueils durant le développement de votre app, afin qu'elle puisse passer rapidement à travers le processus d'approbation une fois que vous l'aurez soumise.
Nous considérons que les applications sont différentes des livres ou des chansons, que nous ne régulons pas. Si vous voulez critiquer une religion, écrivez un livre. Si vous voulez décrire l'acte sexuel, écrivez un livre ou une chanson, ou créez une app médicale. Ça peut devenir compliqué, mais nous avons décidé de ne pas permettre certains types de contenus dans l'App Store. Il peut être utile de garder à l'esprit certains thèmes plus larges :
• Il y a beaucoup d'enfants qui téléchargent des apps, et les contrôles parentaux ne fonctionnent pas tant que les parents ne les activent pas (et peu le font). Sachez que nous gardons l'œil ouvert pour les enfants.
• Nous avons 250.000 apps dans l'App Store. Nous n'avons pas besoin de plus d'apps de coussins pêteurs. Si votre app ne fait rien d'utile ou n'offre pas une forme durable de divertissement, elle peut ne pas être acceptée.
• Si votre app donne l'impression d'avoir été torchée en quelques jours, ou si vous essayez de mettre votre première app sur le Store pour épater vos amis, veuillez vous tenir prêt à encaisser un refus. Nous avons beaucoup de développeurs sérieux qui ne veulent pas que leurs apps de qualité soient encerclées par du travail d'amateur.
• Nous rejetterons les App pour tout contenu ou comportement dont nous jugerons qu'ils dépassent les limites. Quelles limites, demanderez-vous ? Et bien, comme un juge de la Cour Suprême l'a dit autrefois "je les reconnaîtrai quand je les verrai". Et nous pensons que vous les reconnaîtrez aussi quand vous les dépasserez. [NDT : Apple fait ici référence à une citation célèbre du juge Potter Stewart au sujet de la pornographie, alors qu'il était en peine d'en donner une définition précise et exacte, dans le cadre d'une procédure judiciaire demandant l'interdiction du film Les Amants de Louis Malle.]
• Si votre app est rejetée, nous avons une Commission d'Evaluation auprès de laquelle vous pouvez faire appel. Si vous courez vous plaindre de nous à la presse, ça n'arrangera pas votre cas.
• Ceci est un document vivant, et les nouvelles applications qui poseront de nouveaux cas de conscience pourraient résulter en de nouvelles règles à tout moment. Votre application est susceptible d'être concernée.
Enfin, nous adorons aussi tout ça, et nous honorons ce que vous faites. Nous faisons réellement de notre mieux pour créer la meilleure plateforme du monde pour vous permettre d'exprimer vos talents ainsi que de gagner votre vie. Si ça donne l'impression que nous sommes des malades de la maîtrise, et bien, c'est peut-être parce que nous sommes complètement dévoués à nos utilisateurs et à nous assurer que leur expérience avec nos produits soit de qualité. Tout comme la plupart d'entre vous.
Comme on le voit, Apple ne fait pas dans la dentelle et s'éloigne des formulations officielles et juridiques pour un discours à cœur ouvert envers ses développeurs, façon "on ne va pas se la raconter". Passée cette introduction, les 22 thèmes développés de manière lapidaire donnent le détail de ce qu'il faut éviter, mais l'introduction a déjà tout dit : il n'y a pas de moyen de graver ces règles dans le marbre, et malgré une observation scrupuleuse de celles-ci, les applications restent et demeurent susceptibles de faire face à l'arbitraire.
Il y aura donc toujours des mécontents, éconduits pour une règle qu'Apple n'a pas encore inventée. Apple souligne qu'une commission d'appel est là pour entendre leurs griefs, en lieu et place de la mauvaise presse à laquelle elle a parfois eu à faire suite à pareilles déconvenues.
Néanmoins, en cas d'épuisement des recours, rien ne pourra plus tenir la langue des développeurs mécontents, et à moins de valider tout ce qui se présente à elle, Apple aura encore affaire à des controverses de cet ordre. Et c'est parfois le battage médiatique qui a fait fléchir la firme et réviser ses règles. Mais ces directives, si elles ne peuvent donner une liste absolue des choses à ne pas faire, donnent au moins le détail des problèmes d'ores et déjà établis qui ne manqueront pas de causer un refus.
Les apps passent sous les fourches caudines d'Apple
On mesure le caractère évolutif de cette liste en constatant que l'App Store est infesté d'applications qui, selon ces directives, n'auraient jamais dû être approuvées. Pèle même :
2.11 Les apps qui reproduisent des apps déjà disponibles sur l'App Store pourront être rejetées, particulièrement s'il y en a déjà beaucoup
2.12 Les applications qui ne sont pas très utiles ou n'offrent pas de forme durable de divertissement seront rejetées
Apple semble avoir resserré la vis sur son contrôle éditorial, elle pousse les développeurs à plus de qualité et d'originalité (voir Une application rejetée… pour cause d'inanité).
2.14 Les applications qui sont conçues pour faire un tour ou offrir de fausses fonctionnalités sans être pour autant clairement indiquées comme telles seront rejetées.
voir les innombrables "détecteurs" de toutes sortes qui n'ont pas la moindre efficacité et qui ne sont pas annoncés comme étant des farces…
3.1 Les apps dont les métadonnées mentionnent le nom de toute autre plateforme mobile seront rejetées.
Où l'on constate qu'Apple ne veut pas partager la vedette avec ses petits camarades, ce qui est somme toute légitime. Néanmoins on peut trouver des applications sur l'App Store dont la description, parfois copiée à la hâte, inclut des marques concurrentes.
14.1 Toute app qui soit diffamatoire, offensante, de mauvais esprits, ou susceptible de mettre l'individu ou le groupe visé en danger sera rejetée.
14.2 Les satiristes politiques professionnels et les humoristes sont exemptés de l'interdiction de faire des commentaires offensants ou de mauvais esprit.
La clause 14.2 reflète l'affaire NewsToons, une application intégrant les caricatures de Mark Fiore, par ailleurs récipiendaire du prix Pullitzer, qui s'était d'abord faite refuser puis accepter suite à la controverse (lire Steve Jobs : si vous voulez du porno, prenez Android)
18.2 les applications offrant l'accès à du contenu généré par les utilisateurs qui est fréquemment pornographique (par exemple les apps "Chat Roulette") seront rejetées.
Pieuse intention qu'il est difficile d'appliquer dans les faits puisque le contenu est généralement créé après la publication de l'application (nombre d'applications dérogent à cette règle en toute impunité d'ailleurs).
Quatre règles promettent en particulier le bannissement pour sanction :
2.20 les développeurs qui "spamment" l'App Store avec de nombreuses versions d'apps similaires seront bannis du programme développeur iOS.
Voir, entre autres, les nombreuses applications dont la seule vocation est de créer un raccourci téléphonique sous forme d'icône personnalisée sur le springboard…
3.10 Les développeurs qui tentent de manipuler ou de tricher avec les avis des utilisateurs ou le classement dans l'App Store avec de fausses critiques des critiques payées, ou toute autre méthode inappropriée, seront bannis du programme développeur iOS.
Un problème récurrent sur l'App Store, sur lequel Apple a déjà eu à réagir par le passé. Espérons que cette règle écrite en toutes lettres freinera les ardeurs de certains.
6.3 Les développeurs qui tentent de remonter la trace, collecter, associer, récolter, ou exploiter de quelque manière que ce soit l'identification des joueurs sur le Game Center, ou toute autre information à leur sujet seront bannis du programme développeur iOS.
Apple ne prend pas à la légère la protection de l'anonymat de ses utilisateurs… un pavé dans la marre des autres réseaux sociaux de jeux ?
Pour la plupart, les règles étaient connues et font sens : pas de détérioration du matériel, les applications instables, trompeuses ou malicieuses seront rejetées, pas d'utilisation des API privées, pas de reproduction des applications livrées en standard, pas de modification du comportement des boutons, pas d'incitation à la haine, etc.
Ces règles valent ce qu'elles valent. Elles ne règlent pas nombre de reproches qui ont été faits à Apple depuis l'ouverture de l'App Store au sujet de sa politique de validation, mais elles ont au moins pour elles de répondre à une vieille demande : donner clairement les critères de sélection d'Apple. Les développeurs pour qui certaines règles peuvent poser un cas de conscience peuvent ainsi éviter de perdre leur temps et tenter leur chance avec les plateformes concurrentes.
Si la publication de ces directives répond enfin à une demande récurrente, et montre la bonne volonté d'Apple, elle ne mettra pas pour autant fin aux polémiques. Tout au plus permettra-t-elle d'en réduire la fréquence, ou la légitimité : exception faite des règles qui restent à inventer, on ne pourra plus dire qu'on n'était pas prévenu.