Comme ce fut le cas d’autres décisions radicales d’Apple — à commencer par le passage aux processeurs x86 —, l’abandon des Xserve n’a pas manqué de produire son lot de cris d’orfraie, que ce soit celui de cet administrateur du canton de Vaud en Suisse, qui la qualifie de « catastrophique », ou celui des administrateurs du site spécialisé AFP548, à travers leur pétition qui demande à Apple de communiquer clairement sur ses projets pour le monde professionnel. Et il y a(ura) probablement d’autres, quitte à oublier que le silence fait partie intégrante de la culture d’Apple et que cette non-communication est précisément ce qui lui a fermé les portes de nombreuses entreprises… Ou encore que les Xserve RAID avaient subi le même sort en février 2008.
Pour autant, cette décision, si elle laisse des professionnels de l’informatique sans solution Apple de haute densité, et provoque la colère d’autres, semble tout sauf incongrue.
Le poste client avant tout
« Pour ainsi dire, personne n’achetait [les Xserve]. » Cette affirmation de Steve Jobs cache probablement le plus intéressant : Apple n’a pas besoin d’une offre d’équipements entreprise pour entrer dans les entreprises. Sa porte d’entrée, c’est l’utilisateur final, le consommateur. Dans cette vidéo tirée de la conférence All Things Digital, Steve Jobs le revendique d’ailleurs ouvertement, de même que son aversion pour le marché de l'entreprise : « ce que j’aime avec le marché grand public, c’est que l’on propose un produit, on en parle, et chacun vote […] avec son portefeuille. Et s’il y a suffisamment de gens pour voter favorablement, on peut revenir au travail le lendemain. Tandis que, sur le marché entreprises, ce n’est pas aussi simple. Les personnes qui utilisent les produits ne prennent pas les décisions pour eux-mêmes. Et ceux qui prennent les décisions sont parfois… perturbés. » C’est cette logique qu’illustrait, en janvier 2007, le changement du nom d’Apple avec l’abandon du « Computer ».
Avec le consommateur vient le poste client, fixe ou mobile : iPhone et iPad en tête (pierre angulaire de l’actuelle stratégie d’Apple, comme souligné en page 7 de son rapport annuel à la SEC), mais aussi MacBook Pro et iMac. Les fournisseurs de solutions d’administration de parcs de terminaux mobiles le savent bien : leurs clients sont généralement des directeurs informatiques cherchant à répondre à la pression de leurs utilisateurs pour accéder à leurs données professionnelles avec leur iPhone. Dans le domaine, Apple n’a pas manqué de faire les efforts nécessaires pour rassurer les décideurs professionnels, à commencer par le support d’Exchange dans iOS et dans Mac OS X. Imparfait, peut-être, mais bien là, et en tout cas suffisant pour assurer l’intégration avec ces applications de base mais critiques que sont le carnet d’adresses, la messagerie électronique et l’agenda. Et quid, encore, de l’intégration avec Active Directory pour Mac OS X ?
Bref, si Apple attaque le marché de l’entreprise, c’est par le poste client, et ça fonctionne, comme l’analysait déjà Ted Schadler, du cabinet Forrester, en janvier dernier. Medtronic a récemment acheté 4.500 iPad qui seront utilisés comme supports de communication vis-à-vis de ses prospects. BMW va faire de même. Mais ce sont loin d’être les seuls usages. SAP, Wells Fargo, ou encore Tellabs auront imaginé les leurs, autour d’applications métiers ou de tableaux de bord décisionnels. En juillet, le cabinet Itic relevait d’ailleurs l’intérêt croissant des entreprises pour les Mac et les terminaux iOS.
Plus loin, les efforts de convergence entre les expériences utilisateur d’iOS et de Mac OS X, avec Lion, pourraient peut-être séduire dans un contexte d’entreprise avec des postes de travail administrés. Une version redessinée du bon vieux Finder simplifié des comptes d’utilisateurs limités de Mac OS X. Autrement dit : le client lourd ultra-simplifié sur le mode client léger…
Xserve, un produit pour une cible qui n’en a pas besoin
Dans une perspective comme celle-ci, à quoi donc peut bien encore servir Mac OS X Server, tant pour Apple que pour ses clients ? Pour ces derniers, n'en déplaise aux administrateurs certifiés Apple, peut-être pas à grand-chose en dehors de certaines applications de niche. De fait, les outils collaboratifs de Snow Leopard Server sont loin d’apporter le niveau de fonctionnalités d’un Zimbra, d’un Kerio Connect, d’un Exchange ou même d’un Google Apps. Si encore Apple avait intégré un MobileMe et un iWork.com light à son OS serveur… Non, l’intérêt de Mac OS X Server est ailleurs : dans la gestion de parcs de postes de travail Mac de moins d’une centaine de machines. Là, OS X Server présente des intérêts comme la centralisation de la gestion des utilisateurs et de leurs données avec les Portable Home Directory, ou encore le support de Spotlight sur les points de partage du serveur. Mais pour cela, Mac Mini et Mac Pro peuvent répondre aux besoins, comme le souligne le guide de transition d’Apple.
Les structures de plus d’une centaine de collaborateurs, de leur côté, n’ont pas besoin d’un OS X Server pour gérer utilisateurs et postes de travail. Elles ont accès à des outils bien plus efficaces pour cela, sinon plus évolués et plus ouverts sur les environnements hétérogènes. Pour le stockage de leurs données, ces organisations sont probablement déjà passées au SAN et exploitent peut-être même des outils de recherche bien plus puissants que Spotlight… Et ce sont précisément ces structures que des Xserve pourraient viser, afin de les héberger dans leurs centres de calcul. Du coup, l’offre ne semble pas franchement en adéquation avec la demande.
OS X Server, un produit de niche
Quant à l’hébergement d’applications Web… Les services d’hébergement ne manquent pas, ni même les services cloud, qui sont des solutions tierces peut-être plus appropriées (attention, cette page-là du site Web d’Apple est peut-être vouée à disparaître…). Mais alors, si OS X Server n’a que si peu d’intérêt, pourquoi Apple continue-t-il à le développer ? Parce qu’il répond malgré tout à une demande, et que celle-ci est suffisamment sérieusement pour qu’Apple ait pris la peine de concevoir le Mac Mini Server. Une demande de technophiles, de TPE et de PME. Et si OS X Server n’entre pas dans la catégorie de ce qui permet à Apple de faire progresser ses résultats trimestre après trimestre, il pourrait bien survivre dans le seul but de satisfaire la demande de l’entrée du marché professionnel — l’absence de quota sur le nombre d’utilisateurs étant une proposition commerciale agressive.
Apple autorisera-t-il à virtualiser OS X Server sur des hyperviseurs tels que Xen, ESXi, ou encore Hyper-V ? Si Apple avait des projets dans ce sens, il est probable qu’une telle ouverture aurait d'ores et déjà été annoncée, et l’arrêt des Xserve n’en aurait été présenté que comme une conséquence. Et ce n’est pas le cas. Si Apple doit ouvrir les vannes de la virtualisation d’OS X Server, ce sera donc sous la pression de ses clients… si tant est que ceux-ci ne trouvent pas tout simplement leur bonheur dans les solutions alternatives. Qui sait, Mac OS X Lion Server nous réserve peut-être quelques agréables surprises.
Pour autant, cette décision, si elle laisse des professionnels de l’informatique sans solution Apple de haute densité, et provoque la colère d’autres, semble tout sauf incongrue.
Le poste client avant tout
« Pour ainsi dire, personne n’achetait [les Xserve]. » Cette affirmation de Steve Jobs cache probablement le plus intéressant : Apple n’a pas besoin d’une offre d’équipements entreprise pour entrer dans les entreprises. Sa porte d’entrée, c’est l’utilisateur final, le consommateur. Dans cette vidéo tirée de la conférence All Things Digital, Steve Jobs le revendique d’ailleurs ouvertement, de même que son aversion pour le marché de l'entreprise : « ce que j’aime avec le marché grand public, c’est que l’on propose un produit, on en parle, et chacun vote […] avec son portefeuille. Et s’il y a suffisamment de gens pour voter favorablement, on peut revenir au travail le lendemain. Tandis que, sur le marché entreprises, ce n’est pas aussi simple. Les personnes qui utilisent les produits ne prennent pas les décisions pour eux-mêmes. Et ceux qui prennent les décisions sont parfois… perturbés. » C’est cette logique qu’illustrait, en janvier 2007, le changement du nom d’Apple avec l’abandon du « Computer ».
Avec le consommateur vient le poste client, fixe ou mobile : iPhone et iPad en tête (pierre angulaire de l’actuelle stratégie d’Apple, comme souligné en page 7 de son rapport annuel à la SEC), mais aussi MacBook Pro et iMac. Les fournisseurs de solutions d’administration de parcs de terminaux mobiles le savent bien : leurs clients sont généralement des directeurs informatiques cherchant à répondre à la pression de leurs utilisateurs pour accéder à leurs données professionnelles avec leur iPhone. Dans le domaine, Apple n’a pas manqué de faire les efforts nécessaires pour rassurer les décideurs professionnels, à commencer par le support d’Exchange dans iOS et dans Mac OS X. Imparfait, peut-être, mais bien là, et en tout cas suffisant pour assurer l’intégration avec ces applications de base mais critiques que sont le carnet d’adresses, la messagerie électronique et l’agenda. Et quid, encore, de l’intégration avec Active Directory pour Mac OS X ?
Bref, si Apple attaque le marché de l’entreprise, c’est par le poste client, et ça fonctionne, comme l’analysait déjà Ted Schadler, du cabinet Forrester, en janvier dernier. Medtronic a récemment acheté 4.500 iPad qui seront utilisés comme supports de communication vis-à-vis de ses prospects. BMW va faire de même. Mais ce sont loin d’être les seuls usages. SAP, Wells Fargo, ou encore Tellabs auront imaginé les leurs, autour d’applications métiers ou de tableaux de bord décisionnels. En juillet, le cabinet Itic relevait d’ailleurs l’intérêt croissant des entreprises pour les Mac et les terminaux iOS.
Calendriers, contacts et courriels Exchange sur iOS.
Plus loin, les efforts de convergence entre les expériences utilisateur d’iOS et de Mac OS X, avec Lion, pourraient peut-être séduire dans un contexte d’entreprise avec des postes de travail administrés. Une version redessinée du bon vieux Finder simplifié des comptes d’utilisateurs limités de Mac OS X. Autrement dit : le client lourd ultra-simplifié sur le mode client léger…
Xserve, un produit pour une cible qui n’en a pas besoin
Dans une perspective comme celle-ci, à quoi donc peut bien encore servir Mac OS X Server, tant pour Apple que pour ses clients ? Pour ces derniers, n'en déplaise aux administrateurs certifiés Apple, peut-être pas à grand-chose en dehors de certaines applications de niche. De fait, les outils collaboratifs de Snow Leopard Server sont loin d’apporter le niveau de fonctionnalités d’un Zimbra, d’un Kerio Connect, d’un Exchange ou même d’un Google Apps. Si encore Apple avait intégré un MobileMe et un iWork.com light à son OS serveur… Non, l’intérêt de Mac OS X Server est ailleurs : dans la gestion de parcs de postes de travail Mac de moins d’une centaine de machines. Là, OS X Server présente des intérêts comme la centralisation de la gestion des utilisateurs et de leurs données avec les Portable Home Directory, ou encore le support de Spotlight sur les points de partage du serveur. Mais pour cela, Mac Mini et Mac Pro peuvent répondre aux besoins, comme le souligne le guide de transition d’Apple.
Les structures de plus d’une centaine de collaborateurs, de leur côté, n’ont pas besoin d’un OS X Server pour gérer utilisateurs et postes de travail. Elles ont accès à des outils bien plus efficaces pour cela, sinon plus évolués et plus ouverts sur les environnements hétérogènes. Pour le stockage de leurs données, ces organisations sont probablement déjà passées au SAN et exploitent peut-être même des outils de recherche bien plus puissants que Spotlight… Et ce sont précisément ces structures que des Xserve pourraient viser, afin de les héberger dans leurs centres de calcul. Du coup, l’offre ne semble pas franchement en adéquation avec la demande.
OS X Server, un produit de niche
Quant à l’hébergement d’applications Web… Les services d’hébergement ne manquent pas, ni même les services cloud, qui sont des solutions tierces peut-être plus appropriées (attention, cette page-là du site Web d’Apple est peut-être vouée à disparaître…). Mais alors, si OS X Server n’a que si peu d’intérêt, pourquoi Apple continue-t-il à le développer ? Parce qu’il répond malgré tout à une demande, et que celle-ci est suffisamment sérieusement pour qu’Apple ait pris la peine de concevoir le Mac Mini Server. Une demande de technophiles, de TPE et de PME. Et si OS X Server n’entre pas dans la catégorie de ce qui permet à Apple de faire progresser ses résultats trimestre après trimestre, il pourrait bien survivre dans le seul but de satisfaire la demande de l’entrée du marché professionnel — l’absence de quota sur le nombre d’utilisateurs étant une proposition commerciale agressive.
Apple autorisera-t-il à virtualiser OS X Server sur des hyperviseurs tels que Xen, ESXi, ou encore Hyper-V ? Si Apple avait des projets dans ce sens, il est probable qu’une telle ouverture aurait d'ores et déjà été annoncée, et l’arrêt des Xserve n’en aurait été présenté que comme une conséquence. Et ce n’est pas le cas. Si Apple doit ouvrir les vannes de la virtualisation d’OS X Server, ce sera donc sous la pression de ses clients… si tant est que ceux-ci ne trouvent pas tout simplement leur bonheur dans les solutions alternatives. Qui sait, Mac OS X Lion Server nous réserve peut-être quelques agréables surprises.