Le photographe et écrivain Doug Menuez a eu l’opportunité unique de suivre le fondateur d’Apple tout au long de l’aventure NeXT, bénéficiant ainsi d’un accès privilégié à l’homme et à ses équipes. Son livre, Fearless Genius, revient sur l’histoire de NeXT et de ceux qui ont contribué au développement de l’entreprise, fondée en 1985 par Steve Jobs, puis achetée par Apple en 1996 dans l’espoir de revivifier une entreprise au bord du gouffre. L’ouvrage comprend des images rares ou inédites de Steve Jobs et des équipes de NeXT, comme celle-ci :
En 1986, durant le même genre de rencontres plus détendues entre les ingénieurs de NeXT accompagnés de leurs familles, Steve Jobs en profitait pour évoquer de manière moins formelle les problématiques à résoudre.
De retour de visite du site choisi pour implanter l’usine de NeXT, le photographe a surpris Steve Jobs dans un rare moment d’hilarité.
Steve Jobs a débauché plusieurs grands noms d’Apple, dont Susan Kare (au centre), la designer des icônes du Macintosh, devenue cofondatrice et directrice créative de la nouvelle entreprise. Avec Paul Rand, elle allait dessiner le logo et les icônes du système de NeXT ; plus tard, elle ira travailler pour Microsoft et IBM.
En 1986, Steve Jobs fait dresser une table digne d’un restaurant au beau milieu d’un hangar abandonné dans lequel il avait l’intention de bâtir l’usine de NeXT. Objectif : en mettre plein la vue à Ross Perrot afin qu’il investisse dans la toute jeune entreprise. Jobs promet l’usine la plus moderne au monde, uniquement composée de robots chargés d’assembler les 10 000 ordinateurs par mois prévus. Impressionné, Perrot lâcha 20 millions de dollars.
À l’époque, l’ambition de NeXT était immense : Steve Jobs voulait faire rentrer un super-ordinateur de la taille d’un frigo dans un cube de trente centimètres d’arête, afin de « transformer [le monde de] l’éducation ». Lorsque Doug Menuez a demandé à Jobs ce que cela signifiait pour lui, ce dernier lui a répondu qu’il voulait qu’« un gamin dans sa chambre à Stanford puisse être capable de guérir le cancer ».
Des enfants pour le Newton
Ce travail sur NeXT a ouvert à Doug Menuez les portes de la Silicon Valley. Il a ainsi été le témoin du développement du Newton, un assistant mobile porté sur les fonts baptismaux par John Sculley au début des années 90. Même si l’entreprise générait 8 milliards de dollars chaque année, elle rencontrait de sérieuses difficultés pour mettre au point un concurrent solide à Windows. C’est pourquoi Sculley a cherché à lancer ce qui aurait dû devenir une nouvelle source de revenus, aux côtés des Mac. En 1993, il donne le feu vert à une petite équipe : sa mission, concevoir le premier PDA de l’histoire.
Le développement du Newton a été si intense que les ingénieurs amenaient régulièrement leurs rejetons dans les locaux. On voit ci-dessus la programmeuse Sarah Clark avec son nouveau né dans la « Newton War Room » : durant deux ans, l’équipe a été pratiquement cloîtrée dans ses bureaux. Il a fallu aussi bûcher les week-ends : amener les marmots au bureau leur permettait aussi de voir leurs parents durant la journée…
Ce travail de titan n’empêchait pas les employés en charge du Newton de souffler de temps à autre. À droite, des ingénieurs logiciels en plein saut en parachute. Leur chef, Donna Auguste, appréciait peu ces équipées sauvages, mais comprenait aussi la nécessité de sortir un peu la tête du bureau.
La hotte de Steve Jobs
Pour clore cette séquence nostalgie, Floyd Norman, artiste chez Disney, se rappelle sur son blog les visites de Steve Jobs aux studios Walt Disney de Burbank. « Steve Jobs a fait un certain nombre de voyages aux studios, lorsque des films Pixar étaient en production », et il amenait toujours avec lui des cadeaux plutôt conséquents, comme du matériel Apple. « Après tout, tout le monde ne devrait-il pas posséder un portable Mac ? », s’amuse Floyd.
Apple fournissait ainsi Disney en cadeaux pour les employés émargeant au Macintosh User Group du groupe. Le constructeur donnait fréquemment des portables et des Mac de bureau pour les événements organisés par le groupe, mais malheureusement la manne s’est tarie d’un coup durant une tombola organisée après une conférence de l’évangéliste Photoshop Russel Brown. Alors que les numéros des heureux gagnants étaient tirés, un jeune cadre de Disney est apparu en expliquant que la loterie était annulée car l’événement enfreignait la politique du groupe sur les « cadeaux gratuits ».
Les employés d’Apple ont donc été obligés de remballer leur gros lot et s’en sont retournés à Cupertino.« Je ne peux pas m’empêcher de me demander ce que Steve Jobs aurait pensé de cette situation ridicule. Et je me demande si les dirigeants de [de Disney] qui ont reçu des portables Mac gratuitement sont prêts à les rendre ? », se demande-t-il encore en colère. « J’aimerais que Steve Jobs soit toujours là aujourd’hui pour faire redescendre sur terre les fortes têtes de ces dirigeants ignorants ».