Tim Cook clôt son périple, débuté en Allemagne et poursuivi en Israël, par une escale en Grande-Bretagne. On a ainsi vu le patron d’Apple tenir un meeting impromptu à l’Apple Store de Covent Garden, à Londres, Apple Watch au poignet. Il a également répondu aux questions de The Telegraph, dont la deuxième partie de l’interview a été mise en ligne par le quotidien (lire : Tim Cook : l’Apple Watch se chargera plus rapidement qu’un iPhone).
Si la première partie se concentrait tout particulièrement sur l’Apple Watch, la seconde salve concerne surtout les questions de sécurité. Et Tim Cook ne s’est pas privé de vilipender les gouvernements et leurs officines de sécurité quand il s’agit d’évoquer leur propension à piocher sans vergogne dans les serveurs des grandes entreprises informatiques.
Personne ne devrait accepter que le gouvernement ou une entreprise ou n’importe qui puisse avoir accès à toutes nos informations privées. Nous ne devrions pas baisser les bras. Nous ne devrions pas céder face aux alarmistes ou aux gens qui fondamentalement ne saisissent pas tous les détails.
Pour appuyer sa démonstration, le patron d’Apple en appelle même à l’histoire : « L’Histoire nous a appris que les brèches [dans le respect de la vie privée] ont eu des conséquences très graves. Il ne faut pas regarder trop loin dans le passé ou être historien pour avoir conscience de ces choses ». La protection de la vie privée telle que perçue par Apple se rapproche d’ailleurs de la perception européenne, plutôt qu’américaine. Ce qui permet d’ailleurs à Tim Cook d’aborder un sujet qui n’est pas habituel dans sa bouche, celui du terrorisme.
«Le terrorisme est horrible et doit être arrêté. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour cesser cette folie ». Plus étonnant encore, cette déclaration : « Ces gens ne devraient pas exister. Ils doivent être éliminés ». Des paroles fortes pour Tim Cook, et qui résonnent tout particulièrement dans le climat que nous connaissons actuellement en Europe et en France. Mais la lutte contre le terrorisme ne doit pas se réaliser au détriment de la confidentialité des données, assume t-il.
Forcer une entreprise comme Apple à donner un accès aux données privées des utilisateurs n’a pas de sens, explique t-il. Les personnes qui utilisent des produits Apple sont, « à 99,999% », des « personnes bonnes ». De plus, les terroristes « vont chiffrer [leurs conversations]. Ils savent comment faire. Si nous ne chiffrons pas, les gens qui seront touchés [par le siphonnage des données] seront les gens biens ». Et cette préoccupation ne s’arrête pas aux gouvernements.
Si vous voulez garder pour vous vos informations santé, vous ne devriez pas avoir à les partager avec votre société d’assurance. Ces informations ne devraient pas être présentes sur un bulletin de santé.
Cela permet à Tim Cook de revenir sur le modèle économique d’Apple qui, au contraire d’autres entreprises (Facebook ou Google peuvent se sentir visés, même si le patron d’Apple ne donne évidemment aucun nom), ne revend pas les données confidentielles de ses clients. « Nous gagnons de l’argent si vous achetez un de ces appareils [en montrant un iPhone]. Nous concevons des produits de telle manière que nous conservons un niveau minimal d’informations sur nos clients ». L’entreprise génère très peu d’argent sur la vente de ces informations, et à en croire le dirigeant, cela ne changera pas. « Ce n'est pas souhaitable. Nous ne voulons pas le faire. Cela ne correspond pas à nos valeurs. Tirerions-nous un gros profit à le faire ? Sans nul doute. Mais la vie ne se résume pas à l'argent, elle sert à faire les choses de la bonne manière. Cette valeur est au cœur de notre entreprise depuis longtemps. »
De la même manière (et au contraire de Google), Apple ne compte pas « lire » les courriels de ses utilisateurs ou surveiller leurs sessions de surf sur internet, pour leur proposer de la publicité ciblée. La rétention d’informations confidentielles est aussi minimale concernant Apple Pay. « C’est incroyablement sécurisé », explique Tim Cook.
Nous n’avons aucun accès à vos messages. Nous ne pensons pas que vous voulez que nous connaissions les détails privés de votre entreprise et de vos communications personnelles. Je n’ai aucun droit de connaître cela. Nous ne conservons rien de tout cela. Nous ne scannons pas les choses que vous dites à propos de vos vacances à Hawaii, et nous ne pouvons pas vous vendre de la publicité ciblée.
Cette absence, ou presque, de conservation des données explique pourquoi Apple n’est pas sujet à un plus gros volume de demandes provenant de la justice : entre 0 et 250 requêtes l’an dernier par les autorités américaines. « Nous ne sommes pas un coffre au trésor de données », explique Cook, qui pense qu’au fond d’eux mêmes, les responsables des agences de sécurité savent que s’attaquer au droit à la vie privée ne fonctionne pas. « S’ils sont vraiment honnêtes, ils savent que supprimer le chiffrement pénalisera les gens biens, mais ne permettra pas de combattre les gens mauvais (…) Fondamentalement, ça ne fonctionne pas. Il doit y avoir d’autres solutions ».